Adepte d’une nouvelle guérilla urbaine, l’électro guérilla sociale, Filastine continue de parcourir le monde. Cette fois, il nous ramène un nouveau projet, Abandon, dont le meilleur mot pour le décrire est époustouflant !
Filastine a travaillé sur une série de quatre singles vidéo mêlant musique, danse et chant. Dans chaque “storie” le personnage, mineur, femme de ménage immigrée, employé dans le numérique ou jeune ferrailleur sans papier, rejette ses conditions de travail, son exploitation et celle de la Terre, par un mélange impressionnant et complexe d’images, de sons et de danse. Chaque vidéo représente une danse cathartique unique, métaphore et symbole de protestation sur la vie d’une profession qui annihile trop souvent l’humain. Il décrit ainsi un monde en train d’imploser à cause de l’injustice économique et écologique. Un autre monde est exactement ce qu’ils visent à créer, en utilisant le son, la vidéo, la danse. Lorsque le mouvement devient mouvement social.
“Abandon” pourrait être vu comme une critique de la précarité du travail dans ce monde capitaliste, mais pour moi, explique Grey Filastine, c’est plus une vendetta personnelle. Mon premier emploi a été dans un fast-food, au milieu d’un centre commercial d’Oklahoma. J’ai aussi travaillé dans des usines, et comme concierge nettoyant des “résidus” dans un peepshow. J’ai passé dix longues années derrière le volant d’un taxi à Seattle. Je me sentais en colère et impuissant dans tout cela, alors que je regardais les minutes, les heures et les jours de ma vie goutte à goutte. Abandon résume mes sentiments ».
The Miner est le premier film réalisé, entre Borneo et Java par le cinéaste Astu Prasidya avec la complicité du danseur Al Imran Karim. Des images à couper le souffle sur lesquelles est posé un mélange musical de percussions, musique traditionnelle javanaise et cris. Bottes aux pieds, le regard sombre, le danseur s’avance dans les mines de soufre à ciel ouvert du volcan hyper-toxique Kawah Ijen. Le danseur rejette l’étouffement et les contraintes de ce monde, son emprisonnement, et tente alors de se libérer de ses chaines fuyant pour un eldorado fait de végétation et d’eau.
The Cleaner (Lisbonne, Portugal) raconte l’angoisse d’une jeune femme, concierge dans des toilettes publiques. Une réalité dure et invisible, ”presque toujours des femmes et rarement blanches, travaillant pour très peu d’ argent et peu de respect” dit le duo. Petit à petit son corps se rebelle contre l’espace étroit, sale et nauséabond. Elle finit par jeter son matériel, s’extraire violemment de son uniforme d’employée et danse, libérée. La patte musicale de Filastine domine à l’image de Aphasia, accompagnant la danseuse Piny Orchidaceae qui brise les carcans, trouvant une paix intérieure qui s’appelle liberté.
Les Salarymen (Seattle) nous plongent dans l’atmosphère d’un bureau du début de l’ère numérique, avant l’explosion. Hors de contrôle, ils le détruisent mécaniquement. Électronique vieillot et son de synthé s’alignent sur des sons mécaniques proche de Azerty. « Les salarymen » sont incarnés par trois danseur butoh du collectif PAN Seattle (États-Unis), Alan Sutherland, DK Pan et Douglas Ridings.
Los Chatarerros (Barcelone) des jeunes immigrants sans papier, pour la plupart d’origine africaine, arpentent toutes les nuits les rues de la ville de Barcelone. Survivants des guerres, du désert ou des mers, des passeurs ou des trafiquants, ils fouillent dans les poubelles de nos riches sociétés indifférentes à leur malheur, pour chasser le moindre bout de ferraille qu’ils vendent pour survivre. Cliquetis métalliques, son des rues, accords de synthé saturés rythment les mouvement de Dougie Knight, filmés par Xavier Artigas de Metromuster, chorégraphie Celine Pimentel.
À écouter attentivement, à écouter fort. Ça gronde, ça grince, ça explose, comme le monde actuel!
le nouvel album de Filastine & Nova sort chez Jarring Effects mi avril … et Filastine sera en concert samedi 25 mars pour l’ouverture du ElectroChoc Festival Les Abattoirs, Bourgoin Jallieu.
Le 4ème album de Filastine intitulé « Drapetomania, an overwheling urge to escape » on peut traduire le titre par « Dromomanie, un besoin imminent de s’enfuir ».
Franck Bonnéric