La caravane
Le plus dur, c’était l’hiver. Dur comme un coup de trique. Un froid à te fendre les lèvres.
Le réveil avec pour seul feu de cheminée la vapeur qui te sort de la bouche. La condensation jaunâtre des clopes fumées la veille tombant sur ta gueule en une douche poisseuse.
Pour Mickey, c’était le deuxième hiver à squatter dans cette caravane en hivernage. Ado, il avait un peu bossé dans ce camping du bord de Saône et le gardien avait fermé les yeux quand il avait enjambé le grillage, un soir de Novembre, couché sur ce duvet qui commençait à sentir le poney.
Tu meurs pas de faim quand tu vis dehors. Tu trouveras toujours deux/trois bonnes âmes pour te jeter des cacahuètes quand tu tends la main. Rester propre par contre, c’est une autre paire de manche. Personne ne t’ouvrira sa salle de bain.
Zoner les foyers, à Mickey, c’était pas son truc. Depuis qu’il s’était fait mettre en l’air par deux salopards, il n’y foutait plus les pieds. Sans parler de la fréquentation de ses congénères qui l’enfonçait un peu plus chaque jour dans le mépris de l’humanité tout entière, lui compris.
L’été, c’était presque bien. Toujours un parc pour pioncer avec le seul risque de te faire pisser dessus par un chien et la campagne, pas loin. Putain, c’était bon de dormir en forêt, entendre toutes ces bestioles qui s’agitent au crépuscule et le silence qui vient ensuite, avec la fuite du soleil.
Les journées passaient comme on se jette sous un TGV, vite et sans douleur. Courir après la came lui prenait tout son temps. Entre les radios cassettes chouravés dans les vagos et les portes d’apparts ouvertes à coup de latte, l’adrénaline lui courait dans les veines comme parfois les flics au cul.
Prendre le dernier bus, rentrer au bercail, c’était déjà bien. Faire les derniers kilomètres à pince pour rejoindre le camping, une promenade de santé. Il avait fini par l’aimer cette carlo, la considérer comme sienne.
Alors quand les proprios étaient partis avec sous d’autres cieux, il s’était retrouvé con, devant cet emplacement pelé. Les avait trouvé un peu voleurs ces bourgeois, et pour tout dire, malpolis, ce qui est pire…