Macadam Massacre

A69, Macadam Massacre !

22 avril 2023. Sous le ciel gris et la pluie battante, la petite lyonnaise que je suis, motivée par des
semaines de manifestations syndicales et sauvages, se retrouve au milieu de milliers de manifestants en
pleine campagne. Un rassemblement était organisé entre Toulouse et Castres, à Seix précisément,
contre un projet qui crée des tensions depuis déjà une trentaine d’années :
la construction de l’Autoroute A69.

 

 

Récapitulatif du projet

Parmi les 55 projets routiers contestés par des collectifs citoyens en France, représentant un total de 18
milliards d’euros et la destruction de 4500 hectares de zones vertes (la taille du Grand Lyon pour donner
une idée), on retrouve le projet de l’A69. D’une longueur de 60 kilomètres, cette autoroute relierait
Toulouse, métropole dynamique, à Castres, commune enclavée du Tarn. Le projet a pour objectif de
mieux relier les habitants du Tarn à la capitale régionale. Un projet ambitieux, mais avec néanmoins
quelques petits bémols.

La construction de l’autoroute représenterait une destruction de 400 hectares de terres agricoles, de
forêts et de zones humides, pour tout bitumer à la place. Tout cela à un prix s’élevant à 600 millions
d’euros et pour un gain de seulement 10 minutes sur la nationale publique et gratuite déjà existante et
qui fait exactement le même trajet. Publique et gratuite…. voilà qui est embêtant ! L’autoroute, privée et
payante, représenterait un coût de 17€ par aller-retour pour ses utilisateurs. Ces bénéfices
mirobolants reviendraient au concessionnaire du projet, le groupe NGE, affichant fièrement son « 3
milliards de chiffre d’affaires » sur son site internet. Mais alors, il suffirait juste de continuer à prendre la
nationale ? Sauf que NGE compte déclasser la nationale en départementale, réduire sa vitesse et y
rajouter une dizaine de ronds-points. Astucieux.

Ce désastre écologique bénéficiant à des entreprises privées a de quoi attiser la colère citoyenne et
populaire. Premièrement, celle des habitants du Tarn, dont des paysans et agriculteurs, attachés à leur
territoire et qui vont voir ce dernier détruit et bitumé. Beaucoup vont perdre leurs terres et leurs
exploitations, certains leurs habitations. Mais cette colère dépasse le Tarn et attrape des révoltés de la
France entière qui ne comprennent pas les décisions gouvernementales servant les plus riches et
délaissant les précaires dans un climat où l’urgence climatique et écologique nous prend au cou. Cette
colère a réuni environ 8000 personnes fin avril.

Le week-end

Un mois après le week-end sanglant et douloureux de Sainte-Soline, un autre rassemblement a été
lancé par les Soulèvements de la Terre, les 22 et 23 avril 2023. Un week-end militant sous le signe de la
fête, la solidarité et de la résistance collective.
Le samedi après-midi s’est tenue une grande manifestation, évènement phare du week-end. Plus de
8000 personnes ont défilé sur le tracé de l’autoroute dans le calme et la bonne humeur, alternant entre la
route nationale et des coins de nature splendides. Après les 2h de marche était organisée une course de
bolides : plusieurs manifestants avaient fabriqué leurs véhicules et se sont affrontés, dans une ambiance
très bon enfant.
Le reste du week-end était rythmé par des temps de débats enrichissants, des concerts joyeux et
festifs, des spectacles familiaux ou encore des ateliers de jardinage aboutissant sur la création d’un
potager partagé et autogéré pour les habitants du coin.

Ce week-end a été la preuve que la contestation peut se faire autrement que par la violence et la casse.
Après 1 mois et demi de manifestations à Lyon, je voyais uniquement ce bouillonnement collectif
s’exprimer par ces modes d’actions. Non pas que la violence et la casse soient inefficaces et vides de
sens, mais que l’alliance entre colère et solidarité est tout aussi puissante par une démonstration festive
et calme. Comme le précisent si bien les Soulèvements de la terre : « il n’y a pas des manifestations
pacifiques d’un côté et des manifestations violentes de l’autre. Il y a des gestes de résistance collective,
plus ou moins réprimés par l’État. Comme pour toutes les manifestations co-organisées par les
Soulèvements de la terre, ce sont celles et ceux qui luttent qui décident quels sont les bons moments
pour porter tel ou tel type d’action. »

De ces deux jours s’est dégagé un sentiment d’harmonie totale entre les gens, tous venus d’horizons
différents, tous avec une construction militante différente mais se rejoignant sur une chose : l’opposition
à l’aménagement et l’artificialisation forcés des terres qui, dans une course sinistre à la croissance et à
la vitesse, participent à capitaliser la vie et le bien-être de chacun.

Alix 

(envoyée spéciale : texte et photos)