Les chroniques de voyage de PJ : Istanbul 2/6

Istanbul 1

Il vaut mieux qu’il pleuve aujourd’hui qu’un jour où il fait beau. C’est l’appel à la prière de 5 heures qui m’a réveillé ce matin. Romuald a la capacité de se rendormir mais pas moi. À un quart d’heure près, c’est l’heure à laquelle je me serais levé je pense. C’est pas grave mais normalement, je change le rythme de sommeil petit à petit pendant les vacances, ici je doute que j’y arrive.

Dans le petit hôtel familial où nous résidons, le petit déjeuner est servi à partir de 9h30, à cette heure-là Monsieur Bidule est déjà en train de faire des turpitudes et moi à 5 heures du matin je suis debout et j’ai besoin d’un café pour pouvoir commencer à raconter ma vie.

Comme je suis ce que l’on appelle communément un chanceux, il y a un bar à narguilé avec une très jolie terrasse qui se trouve à deux minutes de l’hôtel et qui reste ouvert 24h/24. Nous y sommes venus hier et ce matin, le serveur est venu me saluer tout sourire en me serrant la main, m’a demandé si je voulais un Americano (comme hier) et m’a demandé des nouvelles de « my friend ». Une fois mon café au tiers bu, j’ai pu prendre la plume (le téléphone en vrai).

Ce matin il pleut, la température n’a pas changé d’un poil (on doit frôler les 25 degrés). Je suis loin d’être seul sur la terrasse.

Hier on a Bidulé au milieu de milliers de personnes qui bidulaient aussi. Bien que cela ne gâche pas mon plaisir d’être ici, cette ville est absolument magnifique, je me sens un peu merdeux de participer au sur-tourisme. Avec Romuald comme chef d’orchestre, nous nous rendons là où tout le monde va en passant par là où personne ne passe. Alors après la toilette d’usage nous sommes partis vers la tour Galata en empruntant un itinéraire bis. Istanbul est faite de collines et notre hôtel est en haut de l’une d’elles. Nous sommes descendus et nous avons immédiatement compris qu’il faudrait remonter à un moment donné. Les commerçants ouvraient leurs boutiques et restaurants. Nous sommes passés devant beaucoup d’antiquaires avec de joyeux merdiers chez eux mais nous avons résisté à chercher la perle rare. Y’a plus rien qui rentre à la maison et on peut pas ramener un lustre dans la valise, on saurait plus où mettre nos chaussettes sales. Avec Romuald, on s’est toujours méfié des villes où les murs sont trop propres. Je vous assure qu’ici nous sommes en pleine confiance. Mon niveau en turc étant à moins zéro, je ne comprend rien à ce que je vois. Il y a beaucoup de références au communisme avec des Marx, Lénine et des faucilles et marteaux. Il y a également beaucoup de street art dont certaines œuvres sont manifestement militantes avec des portraits de personnages que je ne connais pas. Il y a aussi des chats. Il y a des chats partout, ils ont l’air heureux, sauvages mais bien nourris. Une fois notre colline descendue, nous en avons monté une autre plus huppée où se trouvaient les consulats d’Italie et Néerlandais. Les murs parlaient encore. Nous sommes arrivés sur une très grande avenue très commerçante avec des grandes enseignes. Il était tôt et nous étions seuls ou presque. Nous avons bidulé sans manquer de faire coucou au tramway qui ressemble à celui de Lisbonne et San Francisco. Nous avons parlé à quelqu’un à qui je venais de donner la carte de visite (ça arrive souvent quand les gens réagissent aux happenings). Il parlait Français et avait grandi à Bron. Nous avons fait une photo avec lui.

La performance est source de curiosité pour les Stambouliotes et nous n’avons pas eu de mal à faire des images avec les gens, plus tard dans la journée dans le grand bazar le patron d’une boutique m’a carrément pris Bidule des mains avant même qu’il sache de quoi il s’agissait pour le mettre sur la tête d’un employé et faire des photos.

On est arrivé à la tour Galata. Monsieur Bidule a de la chance car cette ville est farcie de paradis des Bidules. Tout le monde regarde le monument en lui tournant le dos à travers son téléphone. Il est encore tôt et nous pouvons déambuler dans une foule dense mais relative.

Nous nous dirigeons vers le pont de Galata à travers des ruelles pentues qui laissent à nouveau présager une remontée plus tard dans la journée. Il y a des boutiques à touristes partout. Sur la colline d’en face, on aperçoit une multitude de mosquées et de minarets. C’est beau.

Arrivés en bas, nous sommes à un carrefour où des voitures arrivent de partout. Aujourd’hui je parle des chats mais un de ces jours, je vous parlerai probablement des voitures. Heureusement, il y a un tunnel commerçant pour traverser permettant de rejoindre le pont. La vue sur le quartier des mosquées est impressionnante. Sur le pont il y a des pêcheurs et sous le pont des restaurants. Je me dis que ça doit être drôle de voir passer des petits poissons volant en ascension verticale pendant son repas.

Pour les photos, Romuald a poché mes marcels au nom des quartiers que nous visitons. Je ne les cite pas car je ne sais pas les écrire. Le turc est une langue compliquée pour moi. Alors une fois que nous avons traversé le pont, je me suis mis dans un coin et j’ai changé de Marcel. C’est une manie de me déshabiller en public.

L’heure avançait dans la matinée et les touristes étaient de plus en plus présents.

Quand on voit de l’extérieur la beauté de la mosquée neuve et de son environnement, on se demande comment ça sera en plus joli ailleurs. On s’est posé sur un banc à l’ombre. Il y avait des chats.

Nous sommes rentré dans le marché aux épices. On a Bidulé. On a fait des photos avec des commerçants. On a rien acheté.

Nous avons pris le chemin vers Sainte Sophie et nous avons vu que le palais Topkapi était pas loin, nous nous y sommes dirigé pour faire des photos devant. Il n’y a pas vraiment de devant sans avoir à payer, alors nous avons rebroussé chemin. Nous n’irons pas le visiter car l’entrée n’est pas donnée et que nous n’aurons pas le temps d’en profiter pleinement. Nous nous demandons déjà quand nous pourrons revenir ici. Bidule est un travail agréable mais contraignant, nous souhaitons revenir avec six mois de photos devant nous (au moins) et nous avons décidé de ne passer qu’une seule journée sans lui.

En redescendant nous avons vu des vestiges échoués en bord de chemin. Le lieu est surveillé, je ne pense pas que ce soit simple de voler une colonne vielle de plusieurs siècles pesant une tonne, mais c’est toujours bizarre de voir ça. Bidule a posé sur un socle, peut-être un chapiteau.

Sur un banc, un couple de jeunes et beaux touristes jouaient avec un chat.

On est allé sur l’esplanade qui se trouve entre Sainte Sophie et la Mosquée bleue. Cela doit être très étonnant pour les touristes de tourner le dos aux monuments tout en en regardant un autre. L’espace qui sépare les deux merveilles est immense, pourtant le monde commence à se faire oppressant. Nous reviendrons ici sans Bidule. On a réservé pour demain à la première heure.

Il était l’heure de manger. On s’est posé à l’ombre dans l’herbe au milieu d’autres gens pour profiter un peu de l’endroit. Le kebab à Istanbul mérite sa réputation. Un chat avait l’air de vouloir goutter le plat de Romuald.

On est parti vers le grand bazar. Il était 13h30. Romuald voulait visiter une boutique de céramiques où il a acheté un dessous de plat en souvenir, c’est une belle facture. Il y avait des objets magnifiques. On a Bidulé avec le commerçant. Rentrer dans le grand bazar est une prouesse, y tenir plus de 10 minutes est un exploit que nous n’avons pas pu réaliser. Nous avons fait une ou deux photos et nous avons fuit. Ils peuvent pas aller visiter le Beaujolais tous ces gens ?

Le quartier qui est autour est une continuité du bazar, il y a des commerces que je pense être des grossistes. On a traversé plusieurs rues où ils ne vendaient que des slips, des culottes et des chaussettes. Il était tôt mais nous avions déjà fait nos quinze milles pas, nous avons décidé de revenir à l’hôtel nous reposer. Nous avons dû redescendre puis remonter ce que nous avions monté et descendu avant. Nous sommes repassé par la tour Galata, l’ambiance était bonne mais le monde était inimaginable. Romuald voulait visiter un magasin de disques. Nous l’avions manqué en montant. Il a fait demi tour et moi je me suis posé au bar avec une bière. Ici quand c’est cher, c’est un peu moins cher qu’en France. Les chats ne sont pas fous, ils ne fréquentent pas cet endroit à ce moment de la journée.

On est rentré à l’hôtel et on a dormi une heure. J’ai pêché en allumant la clim. On ne s’en sert pas la nuit, la fenêtre ouverte suffit à faire rentrer la fraîcheur et le son des prières, mais l’après-midi c’était salutaire.

On s’est offert un restaurant très classe en hauteur du pont de Galata. C’était délicieux et copieux. On a pas bu de vin car ça doublait l’addition. Ce qui est cher ici reste accessible et la vue sur les lumières des mosquées valait ce surcoût. Les nuages nous ont privé du coucher de soleil.

On est revenu vers chez nous, le monde était toujours aussi dense. Sur la grande avenue où nous étions passés le matin, nous zigzaguions pour avancer. Nous sommes allés boire un verre dans une rue adjacente. Le monde était présent mais raisonnable. Un petit chat et sa maman ont fait le spectacle. Je pense que les chats sont à Istanbul ce que les vaches sont à Calcutta.

Il y en a partout et bien que ce soient des chats de rues, ils sont nourris par les habitants et les touristes. A deux pas de la mosquée bleue, il y avait un distributeur automatique de croquettes, une occasion de plus de Biduler. On est allé se coucher.

Ce matin, Romuald m’a dit qu’on partait en Asie. Je comprends rien au chinois mais ça me changera pas du turc.

PJ Blanchon

PJ est également artiste plasticien et travaille avec Romuald sous le nom de Romuald&PJ