Joie de vivre et Nouilles en salade : Interview de Kent parue dans les n° 50 & 51 de la version papier !

 

 Après l’avant première du documentaire « Kent, les métamorphoses du papillon (de nuit) » de Thomas Boujut il y’a quelques mois au CNP (ça s’appelle peut être autrement aujourd’hui mais pour moi ce sera toujours le CNP), le revoici projeté le 23 octobre, cette fois -ci au marché garé, toujours en présence du réalisateur, ainsi que de Kent. Gratuit mais sur réservation.

La première partie de l’interview est disponible dans le numéro 50 de Joie de vivre & nouilles en salade, la deuxième dans le 51. Disponible gratuitement (mais sans réservation) dans toutes les bonnes boutiques où je les ai posés.

: Le Zèbre vous propose l’intégrale de l’interview de KENT parue le mois dernier dans JOIE DE VIVRE & NOUILLES EN SALADE !

Vous savez, cette rubrique JOIE DE VIVRE & NOUILLES EN SALADE n’a pas toujours été une page numérique de plus dans ce vaste terrain miné qu’est internet. Non, non, il s’agit à la base d’une feuille A4 recto verso photocopiée et distribuée gratuitement depuis plus de 20 ans, certes de manière aléatoire et irrégulière, mais quand même. Il fallait bien fêter ce dernier numéro, le 50, de la plus belle des manières et en fait c’est pas la peine d’en faire des caisses, j’ai tout expliqué dans l’édito du fanzine. Le voilà:

Ce numéro 50 a trainé, j’avoue… mais pour de bonnes raisons. Déjà, je suis libre donc je fais ce que je veux, hein, et puis en fait j’attendais d’avoir une interview vraiment cool, un truc un peu marquant quoi, merde… pour terminer en beauté. J’allais pas terminer avec une interview de FUMIST ou de MONSSO LES MINES avec tout le respect que j’ai pour ces deux groupes, leurs membres et leurs carrières, bien sûr. Mais soyons sérieux, KENT, bordel. Lyonnais, grand chanteur, grande carrière, grand monsieur, et… Injoignable. Ah je les ai harcelé les labels managers, les attachés de presse etc. Ils/elles m’ont répondu, sérieux hein, au bout d’un moment j’ai des réponses, mais non… quelques renseignements sur Joie de Vivre & nouilles en salade ? Hum hum, oui, ça va être le numéro 50 euh… forcément avec ma feuille A4 photocopiée, ça fait moins sérieux que.. je sais pas moi Longueurs d’Ondes. Après, qui lit Longueurs d’ondes ? Je sais pas… Bon bref, toujours est-il qu’au bout d’un moment, j’insiste une dernière fois « bon dites moi au lieu de me faire poireauter » : « non, c’est pas possible ». Ok. Merci. Bonsoir. J’ai un gros doute sur le fait que KENT réponde que « ce n’est pas possible ». Pour quelles raisons il ferait ça ? C’’est pas comme si on entendait parler de lui tout le temps non plus, Il y’a un truc très humain dans ses paroles, le rapport avec les gens tout ça, je sais pas, c’est pas crédible, pourquoi il dirait non ? C’est chelou. Bon bah tant pis, j’ai pas envie d’aller demander à… je sais pas moi, Bruno de Dangerhouse ou Robert Lapassade si ils connaissent pas un vieux rocker qui aurait le contact de Kent, j’avais envie de croire que c’était simple de le contacter. Instagram, Facebook, que dalle… Et puis, Bruno Germain (dit La Brune) qui a enregistré et enregistre encore un bon paquet de groupes lyonnais cette dernière décennie, de très bons groupes, de très bons disques ( je parle pas des miens hein, ne me faites pas dire ce que j’ai pas dit) m’envoie un sms, une image (un mms on dit, je crois) qui suggère qu’il écoute STARSHOOTER, des démos, mais si il m’envoie ça c’est qu’il est en train de travailler sur un truc de STARSHOOTER ? C’est ouf. Lui qui est fan, il doit être comme un dingue. Il doit masteriser ces démos. Bon, bref, assez vite il me dit qu’il peut demander au gars qui va sortir le disque de nous mettre en relation. Je lui dis que bon, c’est cool mais que faut pas que ce soit gênant, relou non plus quoi… ça me gène un peu ce côté ” je connais un gars qui…” mais bon après tout… 

Et puis un mois après, un dimanche, chez mes beaux parents (c’est pas la première que je reçois des bonnes nouvelles là bas, une fois y’a MIKE WATT qui m’a demandé les accords d’un de mes morceaux, mais bon vous connaissez l’histoire, non ?) je reçois un message de KENT: 

Bonjour monsieur Seb Radix,

J’espère que tu vas bien.

Il paraît que tu souhaiterais m’interviewer pour le fanzine Joie de vivre et nouilles en salade. En tant qu’amateur de cette recette et de joie de vivre, je me prête volontiers à l’exercice.

Bien à toi

Kent

La suite est dans l’interview :

Le 5 nov. 2024 à 13:02, 

Salut Kent, j’espère que tu vas bien. Je t’envoie quelques questions auxquelles j’ai pensé en ressortant mes disques, enfin tes disques. Du coup, il n’y a pas d’ordre logique, j’espère que ça ne te donnera pas le tournis non plus, mais j’ai peur qu’un truc chronologique fasse un peu bilan de carrière alors qu’en fait je veux juste que ce soit une interview normale. Enfin, normale… justement non, mais bon. 

Joie de vivre & nouilles en salade est un fanzine gratuit qui existe depuis 2000 ou 2001, à parution d’abord régulière, puis aléatoire, il n’y a pas de pubs, dans l’idée c’est complètement do it yourself, ou punk, mais en fait c’est juste comme ça que je l’ai fait, sans réfléchir à vouloir appartenir à une scène en particulier. L’idée étant plutôt que ce soit disponible pour n’importe qui et pas dans un cercle musical d’initiés. Que ce soit dans les chroniques de disques ou les interviews, j’ai toujours fait en fonction des rencontres ou des envies, selon les périodes, il n’y a pas de style musical plus représenté qu’un autre, c’est globalement rock mais ça peut aussi parler de musique expérimentale. Là, c’est le numéro 50, je voulais que ce soit spécial, ce sera peut être le dernier, on verra. C’est pour ça que ça me paraissait important de marquer le coup, qu’il y ait une interview de quelqu’un d’un peu plus « connu » que d’habitude, et surtout lyonnais. Merci à toi pour ça.

Y’a pas mal de questions, comme je te l’ai déjà dit, si y’a des choses auxquelles t’as pas envie de répondre ou que tu trouves pas intéressantes, ne réponds pas, tout simplement. Je veux pas que ce soit une prise de tête pour toi. Selon le temps que tu as, si je peux rebondir sur quelques-unes de tes réponses pour le côté discussion d’une interview, ce serait super mais je comprends bien que tu as d’autres choses à faire, bien plus intéressantes que ça ! ah ah.

Le dim. 10 nov. 2024 à 20:16

Bonsoir Seb,

Voici mes réponses à tes questions. Ça m’a pris le temps d’un aller-retour Paris-Lyon. Si j’avais su, je serais descendu pour l’interview. 😉 (il est drôle, ce Kent)

Bien à toi

Kent

Alors, sur le 45 tours de « Reste encore » il y a une version de « Rire en dedans » en « enregistrement pirate » (à la Bourse du Travail). J’ai pas le souvenir d’avoir beaucoup de disques officiels avec un tel enregistrement dessus. Comment c’est arrivé? ( bon, entre temps je me suis rendu compte que j’avais déjà rencontré plusieurs fois le gars qui l’avait enregistré…)

J’ai toujours aimé les faces B. Même quand elles sentaient le remplissage, elles dévoilent toujours un aspect de l’artiste qu’il n’ose pas mettre en avant. J’aime aussi les bootlegs, les disques non officiels, les collectors pour les mêmes raisons. Ils révèlent une part d’authenticité.

Je me suis noté « Dominique Blanc Francard » dans un coin pour parler du métier de producteur. Je veux dire, pour le simple auditeur, c’est assez flou le côté producteur. Que ce soit avec Starshooter ou en solo, qu’a-t-il apporté?

J’ai cette anecdote quand Starshooter s’est retrouvé au studio de Gérard Manset à Paris pour enregistrer des maquettes en 1977. C’était une initiative de Philippe Constantin qui bossait chez Pathé Marconi. Au studio, il nous présente Michel Zacha comme le producteur pressenti pour nos futurs enregistrements chez Pathé. « Mais qu’est-ce qu’il va faire? » Qu’on demande. On ne connaissait absolument rien du travail en studio. Pour nous, un ingé-son suffisait.

Par la suite, j’ai compris que ce qu’apporte le producteur est essentiel à condition d’être sur la même longueur d’onde. Il est l’oreille extérieure. Il aide à mener à bien ce qu’on a en tête pour le transcrire en sons. Ce n’est pas une mince affaire. Pour ma part, je parle beaucoup en amont de mon projet avec le producteur. Une fois assuré qu’on s’est compris, je lui laisse les mains libres en studio.

Bon, quand on est jeune et qu’internet n’existe pas encore, on a des idées étranges alors quand tu présentes en live Jello à la guitare, je me demande à ce moment-là si c’est le même Jello que celui des Dead Kennedys, même si ça me parait bizarre… Jello étant un prénom pas commun. Bon, très vite, je me suis fait une raison, c’est pas lui… , mais l’année dernière je suis tombé sur un disque de David et ses croquettes (très bon nom de groupe). Vous vous êtes rencontrés par ce biais là?

J’ai découvert Jacques Bastello quand il officiait dans David et ses Croquettes. Le groupe jouait en première partie des Comateens au Palais d’Hiver. J’ai beaucoup aimé leur prestation. J’ai retrouvé Bastello un peu plus tard à Paris par l’intermédiaire de Bertrand Lamblot qui s’occupait de lui. J’avais rencontré Bertrand à Lyon, au studio de Jean-Marie et les Redoutables. Depuis il était monté à Paris et travaillait avec les Bill Baxter avec qui j’étais ami. Bertrand m’a présenté à Jacques car il trouvait que ce serait une bonne idée qu’on écrive des chansons ensemble. Jacques venait de sortir son single « Envie de partir » et moi, j’étais en recherche d’un compagnon de jeu. Ça tombait bien.

Sur le 45 de « Tout petit doute »  il y a un texte assez long et assez drôle au dos au sujet du producteur justement, « ancien organiste de Ronnie Bird, notamment le bassiste de Georges Zamfir  »  etc. Comment ça se passait à ce moment-là et même maintenant ? Je veux dire, tu travaillais avec des gens que tu rencontrais, qu’on te présentait ? Je me demande toujours comment ça se passe dans le monde de CBS ou de Barclay, si l’artiste qui signe est un peu prisonnier ou bien si c’est une longue histoire de contrat pour obtenir une certaine liberté ou bien si c’est une légende.

C’est la période la plus pénible de ma carrière. Starshooter a splitté, je me cherche en musique et je suis lié par contrat à CBS qu’Alain Lévy, le big boss, vient de quitter. Il était le seul au sein de la boîte en qui j’avais confiance. Il n’est pas remplacé, CBS navigue à vue. Les initiatives musicales que je tente n’enchantent personne. Je suis vraiment esseulé, je n’ai jamais travaillé autrement qu’en groupe avec des amis. Je suis livré à moi-même. J’ai proposé de travailler avec François Bréant par ce que ça mettait tout le monde en confiance. C’était un producteur « à succès ». J’aimais beaucoup ce qu’il avait fait avec Bernard Lavilliers. De plus il s’est révélé être une personne charmante et drôle. Je ne suis pas fier de mes premiers pas avec lui, hormis « Passion dans l’Est », la face B (tiens donc!) de « Tout petit doute ». J’étais mal dans ma peau à l’époque et je l’entends. Je remercie d’autant François de m’avoir épaulé. 

Mais tu cites Bernard Lavilliers et ça me fait penser à l’imitation que tu fais dans un live, d’un chanteur pour qui tu as écrit une chanson. On pourrait croire que c’est lui.

À propos du chanteur décrit dans un sketch de « Kent en scène », il ne s’agit pas de Lavilliers qui n’a pas besoin de moi pour ses textes. C’était une satire puzzle de différents interprètes avec qui j’avais eu affaire.

Est ce qu’on peut dire que ton premier album solo est un album en groupe ? Ça sonne comme ça en tous cas. J’adore la typo, enfin l’espèce de collage de lettres KENT. 

Je considérais « Amours propres » comme un album de vacances. Il est devenu mon premier album solo par la force des choses. Starshooter était en pause, on faisait un break de plusieurs mois, j’en ai profité pour consacrer plus de temps à la BD et aussi pour enregistrer des chansons mises de côté car elles ne convenaient pas ou plus au groupe. J’étais devenu ami avec Marc Joubert, le guitariste de Jungle à Ferraille, que je trouvais incroyable. J’avais vu Ticket, un groupe pop de Nantes, sur scène et la section rythmique m’avait beaucoup plu. J’ai proposé à ces gens de m’accompagner en studio, ils étaient ok. J’ai mis Zacha à la production, je voulais un album sans prise de tête. Je ne savais pas que Starshooter ne reprendrait pas la route. Nous avions fait un break pour nous ressourcer, mais quand nous nous sommes revus, j’ai senti que ça ne collait plus comme avant. C’est ainsi que « Amours propres » est devenu le début de ma carrière solo.

Ticket c’est le groupe avec les gars qui ont fait Elmer Food Beat plus tard, non?

J’ignore si d’anciens Ticket ont fait partie d’Elmer Food Beat. Je sais juste que le batteur, Yves Le Rolland, alias Jim Gutterton sur mon disque, a été producteur des Guignols de l’Info sur Canal Plus, de 1995 à 2016.

Erratum !

Yves Le Rolland apparait sous le pseudonyme de Greg Gutterton dans « Amours propres ». Jim Gutterton est le pseudo de Cyril Wiet, le bassiste (aussi de Ticket).

(Ndlr : et pour que ce soit clair, il y’a bien un gars de Ticket qui a fait Elmer Food Beat après, et il y avait aussi Imhotep, le DJ de IAM. C’est fou, non ?)

Sur Embalao, y’a un morceau co écrit avec Paul Weller. Est ce que à ce moment là, que ce soit en solo ou avec Starshooter, tu as créé des liens avec plein de gens de la scène rock ou punk internationale ou bien c’est autre chose?

(Plus tard je t’ai aussi vu chanter avec Suzanne Vega sur un morceau pendant un de ces concerts)

Pour la petite histoire, avant de choisir François Bréant, je m’étais adressé à Paul Weller. J’avais été fan des Jam, mais j’adorais tout autant The Style Council, le groupe qu’il venait de monter. Musicalement, je m’en sentais proche. Je suis allé voir Weller à Londres, je lui ai proposé de faire un album accompagné par The Style Council. Il était partant. Je l’annonce à CBS qui me répond: « Paul qui ? The Style quoi ? » Ils ne savaient pas de qui je parlais. L’affaire est tombé à l’eau, il n’en reste que cette chanson « Un avion pour l’Angleterre ».

J’ai toujours voulu rencontrer les gens qui comptent pour moi, artistiquement parlant, qu’ils soient français ou étrangers, et tenter de faire quelque chose avec eux. Ça a été le cas aussi avec les Nits. Parfois ça se fait, parfois non. 

J’ai rencontré Suzanne Vega parce qu’elle était mariée à Mitchell Froom avec qui j’avais envie de travailler. Lorsqu’il est venu à Paris pour enregistrer l’album Nouba, Suzanne l’accompagnait. J’aimais énormément 99°9, son album que Mitchell avait produit avec Tchad Blake. J’étais enchanté de faire sa connaissance. C’est comme ça qu’elle a chanté dans « Ainsi va l’amour ». On est restés en contact depuis tout ce temps. 

”Le mur du son” là c’est enregistré à ICP, des noms qui reviennent souvent, ça dit quoi ce studio ? Beaucoup de disques ont été enregistrés là-bas, des disques très variés. (Ndlr: Pour ma part, Babylon Fighters, Urban Dance Squad, Evil Superstars, Ashbury Faith, Mano Negra, L5 ou encore Ramon Pipin…)

ICP était un grand studio bruxellois, hyper bien équipé, plus abordable que ses équivalents français. C’est comme ça que les labels français se sont mis à y envoyer leurs artistes. C’est comme ça que je m’y suis retrouvé grâce à Barclay. Le studio avait ses propres ingénieurs qui pouvaient aussi produire si c’était nécessaire. Ils étaient tous compétents et avaient chacun leur patte. Quand on pu aussi se loger sur place, dans le bâtiment, ça a été royal ! Avec Bruxelles pour sortir le soir, que demander de plus !

« J’aime un pays« . Perso, ça a été assez cool de voir que ce chanteur que, pour moi, pas grand monde connaissait à part mon frère et ma sœur, passe au top 50. C’est assez flou ceci dit, t’es rentré au Top 50 avec ce titre non ? (Très bon album « À nos amours« ) . Est ce que tu pourrais encore chanter ce morceau aujourd’hui ? Ou l’écrire ? C’était pas forcément facile à cette époque mais là c’est dur, non ? Finalement, ça n’a peut-être pas tant changé…

Je ne me rappelle plus que la chanson était rentrée dans le Top 50. Laissons courir le bruit. Je l’ai chantée dans toutes mes tournées en modifiant les noms selon l’actualité ; Sarkozy ou Bernard Tapie à la place Jean-Marie ou Khomeini… Mais depuis 2020, je suis revenu aux paroles originales pour deux raisons : primo, Jean-Marie Le Pen et Khomeini sont les deux repères de départ du monde que l’on subit désormais ; secundo, la chanson est datée maintenant. Le PAF n’est plus ramolli. Depuis que la haine est devenue un produit d’appel, c’est la violence qui fait de l’audimat. « Les jeunes qui aiment bien le rock’n’roll » sont devenus vieux etc. Je ne me verrai pas écrire une telle chanson aujourd’hui parce que mon inspiration est ailleurs. Dans L’Homme de Mars, il y a une chanson, « Welcome to my paradise », qui était une sorte de « J’aime un pays 2 », plus littéraire, plus sophistiquée. Personnellement, je la préfère à « J’aime un pays ».

Bon finalement, c’est un peu chronologique… merde. 

Au fait, on peut en parler de ces démos de Starshooter? C’est fou cette histoire. Ces morceaux, ces versions tu les avais? Tu t’en souvenais?

Je les ai toujours eu. J’attendais la bonne occasion pour les sortir du tiroir. Je ne voulais pas m’en charger seul, j’aurais eu l’impression d’exploiter le groupe. Les premiers albums qu’a sortis Christophe Simplex sur son label (ndlr : Ganafoul, Factory, Killdozer…) m’ont beaucoup plu, c’était du beau travail. Je connaissais Christophe de longue date, mais on s’était perdus de vue. J’ai pensé que c’était la bonne personne pour se charger d’exhumer ces démos.

Tous les hommes, même si les textes ont toujours été très travaillés, j’ai l’impression d’un retour à l’écriture, mais en fait c’est peut être plus le retour à la chanson, non ? Plus classique, en tout cas moins « variété »…  Attention, je ne considère pas ce terme comme péjoratif hein. D’ailleurs, quand on y pense c’est étrange ce mot pour parler de musique.

Les textes de Tous les Hommes s’inscrivent dans la chanson française traditionnelle. Ils font ouvertement référence à Brel, Aznavour, Ferré, Gainsbourg du début. C’était une volonté. La direction musicale de l’album, les arrangements vont dans ce sens aussi. Peut-être que si les chansons avaient été arrangées autrement, on aurait écouté les textes autrement aussi. Par exemple, j’ai toujours été amusé de voir que le public jugeait la musique de Starshooter avant les textes et que cela s’est inversé dès lors que je suis devenu « chanteur ». 

Bienvenue au club, alors là, à un niveau perso, c’est justement Bruno qui est en train de masteriser les démos de Starshooter qui m’a parlé de ce disque. J’ai honte, je m’étais arrêté à « Tous les hommes » et je suis passé à côté d’un paquet de trucs, et là, je réécoute Kent, ce disque, et je me dis que c’est fou, ça sonne quand même très actuel (à ce moment là, en tous cas. Là aujourd’hui j’en sais rien, j’écoute plus les chansons que la production) et que les textes sont vraiment dingues, et quand je l’écoute « Bienvenue au club« , le morceau mais aussi l’album, ça me parle tellement ces textes, que je me dis « mais comment fait-il » ? Alors, comment fais-tu ? ah ah ah.

Alors pour écrire un texte, je prends une feuille de papier et un stylo et j’en chie jusqu’à ce que j’en sois content. (lol)

Ta remarque à propos de ta découverte de Bienvenue au club après en être resté à Tous les Hommes me parle. J’ai bien conscience que la dernière fois où l’on a été attentif à mes chansons remontent à l’album Nouba, porté par le succès des années précédentes. Après je suis passé de mode ou je n’ai pas su jouer la carte de la recette appliquée. Ou les deux à la fois. Peu importe. Mais j’avoue en vouloir aux radios qui, par la suite, ont ignoré des chansons comme « Tout est là », « Panorama », « Cash » ou « Notre amour » qui avaient toutes leurs chances de plaire. Je m’en rends compte à chaque concert lorsque je les joue. Ce n’est pas ma vanité qui parle, si tant est que j’en ai une.

A propos des textes, comment vois-tu cette évolution aujourd’hui ? Ma frangine t’avait vu à la Librairie Passages je crois et tu jouais des vieux morceaux en parlant des textes justement. Tu les travailles beaucoup ? longtemps ? Tu as travaillé avec des gens pour ça ou bien tu es un « self made man » ?

Je suis un autodidacte qui a eu 6 au Bac de français. J’ai des textes que j’élabore longuement et d’autres qui viennent plus ou moins facilement. Dans tous les cas, je peaufine la syntaxe ou le vocabulaire jusqu’à la dernière minute, jusqu’à la dernière prise de voix en studio. La musique, l’interprétation influent sur le choix des mots. 

Une musique induit un texte et vice versa. Je ne me satisfais jamais de l’un sans l’autre. Je peux aussi changer les paroles ou la musique d’une chanson en cours de route. À vrai dire, je n’ai aucune discipline, je veux juste être content de la chanson au final.

C’est quoi tes projets dans un futur proche ? Bd ? Roman ? Projet de disque ?

BD essentiellement. Je vais sans doute aussi sortir le concert du Radiant dans mon Intime Collection à la fin de l’année. Tirage limité, CD uniquement. Mon côté collector.

Dans « Scherzando« , ton dernier album, Lyon et la région sont très présentes, la Croix Rousse, Montluel (ça je savais pas) etc. J’habite rue Pernon dans le 4ème arrondissement, pas loin du lycée St Exupéry (où va un de mes fils) bref, ça me parle. Comment vis-tu vis cette distance ? Je veux dire, tu habites toujours en région parisienne , non ? c’est essentiellement pour le travail ?

J’ai quitté Lyon en 1988. Je tournais en rond musicalement, la ville s’était rendormie. À Paris, je venais de rencontrer Bastello et des gens enthousiastes qui ne me voulaient que du bien. J’ai rejeté Lyon durant plusieurs années, je n’éprouvais aucune nostalgie. Et puis des enfants d’amis parisiens sont venus y faire leurs études et ne sont pas revenus, ils trouvaient Lyon bien mieux que la capitale. La ville avait changé sans que je m’en rende compte. Alors je me suis aperçu que je ne lui portais pas le bon regard. Je l’ai regardée autrement et, je ne sais pas si c’est dû à cela, mais je m’y suis fait de nouveaux amis, plus jeunes que moi, qui m’ont redonné goût à la vie lyonnaise. Le reste, je le dis dans la chanson « Ma ville ». Je suis tenté de revenir parfois, mais j’ai peur que d’y vivre au quotidien lui fasse perdre de son charme. 

J’ai réécouté « le temps des âmes » hier. Ah tu parles allemand ? j’ai vu que tu étais allé voir Neubauten d’ailleurs? 

J’ai appris allemand 1ère langue et j’ai tout oublié sauf que j’aime l’Allemagne. Au début des années 2000, j’ai eu l’opportunité d’aller chanter fréquemment à Berlin. J’y faisais de longs séjours. J’ai réappris l’allemand pour échanger plus intimement avec mes amis de là-bas. Aussi pour me sentir plus à l’aise dans le pays. Aussi pour connaître cette langue, tout simplement. Malheureusement je n’ai plus eu l’occasion de retourner chanter là-bas depuis longtemps. J’ai perdu beaucoup de vocabulaire.

La bio de Phil Pressing m’est passée sous le nez, j’attendais que le prix baisse à Gibert Joseph et j’aurais pas dû, un autre curieux (et moins radin, peut être…) l’a pris avant moi. Tu l’as lu toi ? 

Oui, je l’ai lue. Elle est plutôt pittoresque, mais je ne sais pas ce qui est vrai ou faux. Quand il raconte certains passages vécus ensemble, je me rends compte que sa mémoire lui joue des tours. À moins qu’il la manipule à son gré.

 Le 23 octobre au Marché Gare, toujours en présence du réalisateur, ainsi que de Kent. Gratuit mais sur réservation.