Du court à Clermont, du long dans votre salon #2

Du court à Clermont, du long dans votre salon #2

affiche festival du court-métrage à Clermont-Ferrand
© Regina Pessoa

Ne reculant devant aucune montagne, le Zèbre a dépêché une équipe d’investigation à Clermont-Ferrand, à l’occasion du Festival du court-métrage. Cette expédition chez nos voisins transforéziens a porté ces fruits. Après 76 courts visionnés, des debriefs’ entre deux salles ou deux cafés, un épluchage méticuleux du catalogue, voici dans ce second épisode un menu complet, une discussion de bout de table et un café gourmand.

La lutte est une fin

© SQPLCM – Camille Dampierre

Direction Marseille avec le réalisateur Arthur Thomas-Pavlowsky, dans une bourse du travail, en plein dans le Panier. Trois points.

D’une, ça parle de la pratique de la boxe. Mais deux, ça parle de pratique de la boxe au milieu des affiches de la cégette, des salles de réunions, des clopes des moustaches de syndicalistes. Et trois, ça parle d’émancipation, d’un agencement, comme dirait Deleuze, de circonstances favorables qui ont permis de créer ce club de boxe, à part, mixte et révolutionnaire ; Yeah !

Après ça vous devriez être mûr.e pour un Ken Loach, non ? Jimmy’s Hall par exemple, luttant contre vents (religieux) et marées (normatives) pour tenir bon son local d’éducation populaire en pleine Irlande conservatrice.

Le lendemain, prévoir une grève, une manif’ ou un sit-in.

logo festival court-métrage Clermont-Ferrand février 2023

Interview au débotté

Un monde fou dans ce festival in-ter-na-tion-al de Clermont Ferrand, un monde tellement fou que les habitués se permettent de griller la file d’attente de manière éhontée. Des personnes grisonnantes passent devant les groupes scolaires, vive l’exemple !

Je dévisageais un trio de jeunes hommes avec la velléité d’aller leur dire ma façon de penser quant à leur attitude quand je crus reconnaître le comédien body-buildé de Blue Boy. N’étant guère physionomiste, je demandai et obtins confirmation de ma complice. C’était bien lui, le comédien,

Matthew Leone à l’accent italo-américain accompagné par le réalisateur Tyler Riggs. S’ensuivit alors une courte « interview » au débotté qui s’est poursuivie dans la salle, ils étaient installés à deux sièges de nous dans l’immense salle qui projetait Polars, séance plutôt mémorable.

Le réalisateur et le héros du film sont en fait amis d’enfance et Matthew Léone a joué dans le premier court-métrage du réalisateur.

Tyler Riggs a imaginé cette histoire de body-builder tout en fragilité en voyant des photos de Matthew à 18 ans qui participait à des concours de body-building. L’innocence qui se dégageait de ces photos est devenue le matériau principal du scénario de ce court qui deviendra très sûrement long. C’est exactement ce que j’ai ressenti en le voyant, beaucoup d’éléments comme les relations avec sa mère ou son coach me semblaient pouvoir être approfondis.

Selon le réalisateur; certains hommes de son pays cherchent désespérément à apparaître plus virils et plus puissants, ce qui révèle évidemment leur grande fragilité intérieure.  Des séquelles de l’ère trumpienne ?

Il est regrettable que ce trio américain n’ait pu assister à cette séance, ils ont dû partir après le premier film, les sous-titres en anglais, présents habituellement n’étaient pas au rendez-vous ce soir-là. Seul Matthew Leone, l’ancien sportif comprenait l’espagnol et d’ailleurs le réalisateur m’avait glissé, tout admiratif que son héros parlait plusieurs langues, mais pas le français.

Dommage, nous aurions pu continuer à papoter… Next year, maybe !

© SQPLCM – Baptiste Chanat

Café gourmand ?

Pour clôturer ce reportage, que diriez-vous de déguster une petite sélection de desserts, et de finir, une fois n’est pas coutume, sur une touche de «A». Lettre matrice ou point de convergence qui, selon nous, unit les desserts proposés.

A comme le court métrage d’ A-nimation d’Osman Cerfon, intitulé AAAAH !, où de petits bonhommes à la tête rose, n’ont de cesse de pousser toutes sortes de A : défoulement, joie, surprise,  tristesse, douleur, peur, plaisir…

A comme l’initiale de la tête d’affiche du festival Alice qui, «les pieds ici la tête ailleurs», multiplie les mondes, les renverse, brouille les frontières entre l’envers et l’endroit, le haut et le bas, le réel et l’imaginaire.

Pour passer d’un monde à un autre, il y a les routes, autoroutes ou chemins de traverse, qu’empruntent les personnages de Bitume, de La Coïncidence, ou de La ville éternelle.

Mais il y a aussi, plus surprenant, des ascenseurs, reliant le monde du haut au monde du bas. Ceux qui s’ouvrent pour mieux se « bloquer   » dans I’m your man. Ceux qui tardent à venir et dans lesquels on referait bien un petit tour supplémentaire (comme dans le déjà nommé Auxiliaire). Ceux dont les caprices chorégraphient le ballet de la destinée des locataires d’un immeuble de banlieue dans Bonobo.

Parfois les frontières s’estompent et les personnages, sans repères, errent dans la brume comme dans le film taïwanais Layover, ou dans Hors de la brume. Les mondes se mélangent. L’imaginaire s’invite dans le réel lorsque Sévîn, pour faire renaître un sourire sur les lèvres de sa grand-mère, invente une télévision imaginaire dans Une histoire non vécue. A l’inverse la cruauté et la violence du réel font intrusion sur la bande magnétique de l’univers musical d’un adolescent dans I’m on fire.

Au carrefour des différents mondes, on trouve des zones de non-lieu, des aires d’autoroute qui n’appartiennent à aucun monde. Celle où Tom et son père restent bloqués dans Tom veut rentrer, celle qui permet la rencontre entre un homme et une femme dans La Coïncidence, ou bien l’étonnante aire de Bitume où la caissière de la station service nous apprend à écouter le bruit de la mer dans le vrombissement des moteurs.

A comme Alice, encore et toujours, qui non contente de mettre la tête à l’envers, retrousse son jupon dans une gracieuse (ir)révérence, dévoilant des mondes intimes, invitant à traverser les miroirs.

Nous voilà face à la fragile dentelle intérieure des êtres faite de trous, de failles. Celles d’hommes sensibles, vulnérables, d’hommes qui pleurent. Qu’ils soient jeunes comme Manuel (Pitbull), Joey Rossi alias Blue Boy, Marc Antoine Bernier, un être à fleur de peau, qui est tout sauf Invincible, ou Fausto dans Tanakuy   ; ou qu’ils soient plus âgés comme Dario dans Sciaraballa.

Dans les plis du jupon d’Alice se trace la route sinueuse et secrète des désirs inavoués. Ceux de Claudio et son attirance pour Larissa une femme trans dans Un noyau d’avocat, ceux de Manuel dans le déjà nommé Pitbull, ou encore ceux de l’héroïne de Counterpart qui découvre l’orgasme en sollicitant une partie inattendue de son corps.

Pour faire « court », le festival de Clermont nous a offert toutes sortes de «A» :  des Ah ?, des Ah !, des AAAAAAhhhh !!! ou encore des HHHaaaaaa… ou des Hahaha !

Alors pour prolonger ces séances par du « long » dans votre salon, et savourer le repas de A à Z, nous proposons à la bande de Zébrés que vous êtes, de terminer par un vin de vigueur : le film de Costa Gavras Z et cette  lettre de vie et de résistance, que l’on grave sur les murs.. A la vôtre !

De nos envoyé.es spéciaux,

DalyFax, Madame B’ et le Sur lieutenant la Riflette

Info de dernière minute, nous avons vu juste, la Lutte est une Fin a été primé !Grand prix de la compétition nationale… et donc bientôt sur vos écrans sur notre bonne vieille Arte qui propose un aperçu du cru de cette année. Nous vous recommandons chaudement le charmant  Ville Eternelle.

Du court à Clermont, du long dans votre salon #1