Les Castagnettes de Carmen # 40

Melisande au Théâtre de la Renaissance à Oullins du 27 février au 5 mars

Melisande n’est pas heureuse. Elle le dit et le répète. Ce n’est pas que Golaud, qui l’a recueillie alors qu’elle errait dans la forêt, soit un mauvais homme. Loin de là. Mais c’est que, voyez-vous, Melisande s’ennuie dans son château froid et obscur. C’est aussi que Golaud est vieux et que, surtout préoccupé de chasse, il n’a pas grand-chose à partager avec celle qui est devenue son épouse.

Melisande est heureuse, et elle ose le dire. Elle a rencontré Pelléas près de la fontaine et a immédiatement joué avec lui, l’a gentiment provoqué et a perdu la bague que Golaud lui avait donnée. C’est que Pelléas est jeune et beau, et qu’il est plus attentionné que son vieux barbon de mari. Un soir, Pelléas est venu la retrouver alors qu’elle peignait ses longs cheveux en haut de sa tour. Golaud s’en est aperçu et la suite n’a pas été heureuse…

Placé en équilibre instable entre vaudeville et conte de fées, Melisande n’est pas facile à monter en 2023. Si la musique de Claude Debussy conserve sa modernité, le texte de Maeterlinck apparaît bien suranné, au point parfois de déclencher le rire du public. Le meilleur moyen de surmonter la difficulté était sans doute celui choisi par Richard Brunel : alléger au maximum la représentation pour n’en conserver que ce qu’il en reste aujourd’hui d’essentiel. Réduction de la narration à sa trame principale, resserrement (arrangé par Florent Hubert) de la formation musicale — harpe, violoncelle, accordéon et percussions — et dépouillement du décor y contribuent, mais également la combinaison entre texte chanté et parlé, qui place d’œuvre à l’intersection de l’opéra et du théâtre. Y contribuent également la mise en scène des corps — sensuellement entremêlés dans le duo de la tour — et l’interprétation sensible de Judith Chemla dans le rôle-titre, de Jean-Yves Ruf en Golaud et de Benoît Rameau en Pelléas.

Melisande s’ouvre sur le conte de Barbe-bleue, dont le château recèle le secret de ses épouses disparues. On en reparle sous peu.

Carmen S.

Production de l’Opéra de Lyon au Théâtre de la Renaissance d’Oullins.

(c) Jean-Louis Fernandez