Les Castagnettes de Carmen # 25

Didon et Énée, remembered, Henry Purcell/Kalle Kalima/Virgile/Erika Stucky, à l’Opéra de Lyon du 16 au 30 mars

Cette version« remembered » de Didon et Énée est baroque en un double sens : parce que l’œuvre de Purcell relève de ce style musical typique du XVIIe siècle finissant, mais aussi parce que la mise en scène qu’en livre David Marton pour l’Opéra de Lyon est pour le moins, comment dire… Oui, baroque.

La brièveté de la partition originale — une heure à peine — a incité de metteur en scène à la rallonger avec des extraits de l’Énéide de Virgile (source d’inspiration du librettiste Nahum Tate) et des plages musicales du guitariste Kalle Kalima et de la chanteuse Erika Stucky. Texte antique, livret et musique anglais du XVIIe et ambiances sonores contemporaines, le patchwork est assumé et pouvait laisser espérer une régénération de l’œuvre. Le souci est que l’exercice ne fait précisément que rallonger l’opéra à plus de deux heures sans proposer de relecture originale ni de contrepoint innovant. Les personnages de Jupiter (Thorbjörn Björsson) et Junon (Marie Goyette), qui décident de la perte de Didon en forçant Énée à la quitter pour fonder Rome, avaient certes été escamotés par Purcell et Tate mais leur réintroduction n’apporte rien de significativement nouveau à l’intrigue.

Les ajouts musicaux de Kalle Kalima sont en eux-mêmes de qualité mais peinent à convaincre lorsqu’ils recouvrent la partition originale. On est encore moins convaincu de leur nécessité lorsqu’ils servent de caution aux errements de la mise en scène. On sait David Marton adepte de la vidéo et celle-ci sert parfois de magnifiques idées, telle celle de Junon et Jupiter en archéologues en toge découvrant des vestiges de notre civilisation. Mais on se lasse quand la caméra suit une action située dans des extensions de décor placés en coulisses : non seulement l’apport est maigre mais les voix ne sont plus produites depuis la scène. Quant aux pitreries vocales et bruitistes d’Erika Stucky, elles peinent à s’intégrer à l’ensemble.

Cet asservissement de l’œuvre à la « relecture » de Marton se fait maltraitance quand la reconstitution par Junon des débris d’un CD est lourdement soulignée d’une interprétation heurtée de la partition. C’est avec soulagement que l’on retrouve une direction (de Pierre Bleuse) respectueuse de la musique de Purcell entre ces pesants interludes, en regrettant que ceux-ci effacent la qualité des prestations d’Alix le Saux (Didon), Claron McFadden (Belinda), Guillaume Andrieux (Enée) et des chœurs de l’Opéra. L’œuvre, ses interprètes et les spectateurs méritaient mieux.

Carmen S.

© Blandine Soulage