Angers
Si vous m’avez croisé ces derniers mois, je vous ai sûrement dit que je luttais pour récupérer des vacances et des heures supplémentaires disparues. J’ai gagné.
Rien ne va, j’aime mon boulot mais rien ne va. La lutte continue mais comme j’ai gagné, je suis en vacances avant les vacances.
Hier, mes résidents m’ont souhaité « bonne vacances », comme à son habitude, madame M. m’a dit : « oubliez-nous, mais revenez ! »
Je me suis levé à l’heure du travail ou presque, j’ai pris mon café et j’ai perdu au tarot. Douche rapide avant le café.
Un bisou à Romu qui se lève et je suis parti à la Part-Dieu récupérer la voiture de location. En avril on avait été surclassé, on avait roulé dans un break Skoda de luxe. J’ai eu beau faire les yeux doux au vendeur, rien à faire, on a un SUV automatique. Depuis que j’ai roulé aux USA, je ne m’en défait plus, c’est super cool l’automatique.
C’est journée rouge et noir sur les routes. La révolution attendra. La chance c’est que les riches vont à Nice et les pauvres à la Grande Motte. Nous, on part à l’ouest retrouver Philippe et Thierry. Alors sur notre route à nous, c’est vert. Enfin, vers midi quand il faut mettre de l’essence, c’est rouge à la station service, et puis vers midi et demi pour se faire un sandwich sur une aire de repos c’est rouge aussi, impossible de se garer. Alors à l’aire suivante, où c’était aussi surchargé, on s’est garé sur un trottoir et on a trouvé un petit coin de nature, idéal pour pique-niquer, ça m’a donné envie de faire une lessive sans phosphates.
Pour couper la route mais surtout pour produire des photos de Bidule, nous nous sommes arrêtés une nuit à Angers. Il fait chaud à Angers.
Je crois que c’est les Verts qui dirigent la ville, y’a des travaux partout. Si Aulas venait ici, il dirait qu’on est plus chez nous, ils défigurent même la cathédrale !
Vu la taille des boutiques de mobilier de luxe, je pense que la ville est à droite.
Les travaux, c’est chiant pour Bidule, les arrêts de bus et les sens interdits aussi, ça gâche le paysage, mais on s’adapte.
La ville est chouette, c’est petit mais y’a un patrimoine important et on a trouvé une guinguette en bord de Maine très sympathique pour finir la journée. Demain on va Biduler à nouveau avant de retrouver les copains. Artiste, c’est un travail.
La Bretagne
Partie 1
C’est la troisième fois que je viens en Bretagne. La première fois c’était quand j’étais en 6ème avec le collège de Bourg-Madame. Bon, c’était pas vraiment un voyage en Bretagne car nous avions fait les châteaux de la Loire et Nantes pour finir au Mont Saint Michel. Il paraît que Nantes c’est pas la Bretagne sauf pour les Nantais et que le Mont Saint Michel est Normand. A l’époque, on nous avait dit qu’on allait en Bretagne et j’avais trouvé ça crédible car on avait eu du beurre salé au petit déjeuner et surtout que j’étais encore plus nul en géographie que je ne le suis aujourd’hui. Je n’ai presque aucun souvenir de ce voyage.
En 2021 à la libération du confinement, pour les vacances post-Covid, nous avions abandonné l’idée de partir en Croatie face aux complications dues aux restrictions de voyage du moment et aussi à cause des chaleurs torrides annoncées sur la côte adriatique. Nous avions jeté notre dévolu sur la Bretagne. Nous étions partis à quatre avec ma cousine Carine, Romuald et Bidule qui déjà à ce moment-là faisait partie intégrante de la famille Blanchon/Combe.
Nous avions fait trois semaines de road trip en commençant par Rennes. C’est évidemment Romuald qui avait préparé le voyage et nous avions passé de merveilleux moments touristiques et artistiques en visitant tous les départements bretons et la plupart des beaux villages, caps et plages de la région.
Les Breton-nes sont sympas. C’est à croire qu’en France pour trouver des gens vraiment sympas il faut tomber sur des bretons ou des chtis.
En 2022 nous étions invités à Newburg pour la résidence d’artiste et en 2023 je venais à peine de prendre mon poste dans l’EHPAD où je travaille encore aujourd’hui et je me retrouvais presque privé de vacances.
En 2024, nous repartions à NYC où nous retrouvions Philippe et Thierry fraîchement déménagés en Bretagne et qui avaient laissé un vide considérable dans notre vie lyonnaise.
Alors quand j’ai gagné contre mon employeur et que j’ai retrouvé un stock conséquent de vacances, nous avons décidé de venir retrouver nos amis et la terre Bretonne.
Après avoir quitté Angers, nous avons roulé vers l’ouest. Cela a été un voyage éprouvant car nous avons traversé des bouchons tout le long. Nous avons rejoint Bénodet avec une heure de retard sur l’horaire prévu. Cela n’avait aucune importance car nous n’avions pas grand chose à faire à part se trouver un restaurant et faire quelques happenings avec Bidule pour en tirer des photos. Il faisait une chaleur anormale dans le Finistère mais bien que nous soyons bien conscients que ce dérèglement climatique soit des plus inquiétant, nous nous disions que ce soleil couplé à l’air marin n’avait rien de désagréable.
On a mangé dans un restaurant de plage et, avec l’addition, on s’est dit que nos moules frites dans un restau sur la Méditerranée nous auraient coûté le double et qu’en plus ils auraient probablement essayé de nous entuber à un moment.
En Bretagne, c’est raisonnablement pas cher et le service est toujours sympa. Je me souviens qu’il y a trois ans dans un restau à La pointe du Raz, haut lieu touristique entre tous, nous nous étions fait la même réflexion.
En sortant du restau, on est allé sur la plage faire des photos. J’avais pas mon maillot de bain alors je me suis mis en slip.
L’eau était fraîche mais baignable. J’ai mouillé le slip (au sens propre). Y’a des jeunes qui se bécotaient dans l’eau, ils se sont marré en voyant Bidule et on a parlé. Le jeune homme a accepté de porter Bidule et sa copine aussi après avoir un peu hésité. Ça fait de belles images. Monsieur Bidule n’est pas un homme. Pas toujours. Des fois.
Les bretons sont sympas.
On est allé se promener dans le bled et je suis resté en slip car il était toujours mouillé. Bidule en slip devant la mairie.
C’est chouette Bénodet. À deux pas de la voiture, il y avait une église à l’architecture moderne. Généralement ces églises sont moches. Bien que l’exposition avec des reproductions de Giotto qui recouvrait les murs soit malheureuse, l’architecture du lieu avec sa coque de bateau géante renversée était très belle. Cela n’avait rien à voir mais cela m’a fait penser au Corbu. Si l’architecte avait été breton, il aurait peut être fait un truc dans le genre.
On a pris la route pour Douarnenez. Les copains nous attendaient et nous étions aussi impatients de les retrouver.
Y’en a un sur deux qui est breton, l’autre d’adoption. D’adoption ou pas, les bretons sont sympas.
Partie 2
Je ne sais plus depuis quand je fais des récits de voyage. Je crois que c’est à Newburg que j’ai commencé. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai eu quantité de retours positifs sur ce que j’écrivais. C’est bon pour l’égo. Au début, j’ai fait ça parce que j’ai une admiration sans faille pour mon père. Quand j’étais gamin, on partait en voyage aux vacances de Pâques, souvent en Espagne. Papa avait son carnet à spirale et notait tout, les moindres anecdotes. Au retour, il faisait une « relation » où il collait cartes postales, tickets d’entrées de musées, factures de restaurant et bien entendu les photos format 10/15 développées chez Girones, le photographe de Bourg-Madame.
Ces livres auto-édités en deux ou trois exemplaires sont des trésors de souvenirs. Malgré un âge avancé, mes parents continuent de bouger et mon père poursuit cette littérature. Un trésor.
Mon ami Ludo a insisté longtemps pour que je publie mes textes dans le Zèbre.info. Moi, je les publie sur Facebook. Je ne me trouve pas légitime à écrire dans un journal.
Quand a l’été 2023 je me suis décidé à lui envoyer mes textes, le Zèbre avait bugué. L’équipe ne pouvait rien publier sur le site.
Je ne suis toujours pas certain que ces mots aient une valeur universelle pour mériter d’être lus dans un journal mais je fais confiance à Ludo. Ils seront (peut-être) sur les deux médias maintenant. Si Ludo ne change pas d’avis.
Bien que chaque déplacement de Romuald&PJ soit l’occasion de travailler avec Bidule, nous sommes partis en vacances. Je ne me suis pas plié à la discipline pour écrire un texte par jour.
En plus, quand j’ai envoyé mon premier texte à Ludo, il ne m’a pas répondu. Cela n’avait pas d’importance en soit, mais j’ai cru que ma carrière de journaliste avait cessée avant de commencer. Alors l’apéro a eu raison de l’écrivain.
Bien que Thierry soit un lève-tard, il s’est levé tôt pour aller faire un vide grenier à Combrit. C’est à une demi-heure de Douarnenez. C’était géant. On a acheté des trucs. On a fait des sacrés affaires qui vont se rajouter à notre collection de design. Le problème pour faire des affaires, c’est que ça coûte de l’argent.
On a voulu aller Biduler à Pont-L’Abé mais il y avait un festival de danse bretonne et nous avons subi le retour de l’octroi pour rentrer dans la ville. La danse bretonne ne faisant pas parti de nos hobbys, nous n’avons pas payé et avons pris la route de Poullan-sur-Mer où nous avons fait quatre photos de Bidule et rapidement rejoint le PMU pour boire un coup. Contrairement à mes compagnons je n’ai pris qu’un petit rosé, c’est moi qui conduisait.
En rentrant à la maison, j’ai enfilé mon short de bain rouge de Los Angeles pour ressembler à David Hasselhoff dans Alerte à Malibu. Romuald n’a pas l’air de croire à la métamorphose. Et on est parti à la plage. L’eau reste fraîche mais j’ai quand même pu me baigner. On a fait une sieste sur la plage à l’ombre. Il faisait chaud. C’est le froid qui m’a réveillé. C’est la Bretagne.
On est allé dans un bistrot qui se trouve dans une villa, ancienne propriété d’un explorateur, très jolie. Il a plu. C’est la Bretagne. J’ai eu un peu froid. J’ai couvert mes coups de soleil, rafraîchis avec ma serviette de plage.
Romu a voulu se laver avant de ressortir pour manger. Moi j’en ai pas besoin, je suis autonettoyant.
Le 13 juillet, c’est le souper des pêcheurs. L’idée, c’était de faire un petit apéro en terrasse et d’aller rapidement manger sur la place qui borde le port de plaisance où se trouvaient quantité de box ou l’on pouvait trouver des sardines, du thon, des crêpes, de la saucisse et plein de trucs légers cuits au beurre salé. Contre toute attente on s’est fait dépasser par les événements et quand nous nous sommes approchés de ces douceurs, la queue de breton-es affamé-es nous a poussé à nous diriger vers le fromager du coin qui organisait une « Cheese Party ». J’ai appris que Douarnenez était la capitale du sandwich à la raclette. C’était de saison et j’avais faim. La charcuterie comme le pain étaient délicieux, le fromage aussi.
On a mangé sur un bout de trottoir avec des tas de gens amis de nos hôtes en buvant des bières et du vin. Il en faut peu pour être heureux.
Partie 3
Pour le deuxième jour d’affilée, Thierry se lève aux aurores vers 9h30 pour aller à Audierne faire une brocante. Il n’y avait rien, quelques objets convoités bien sûr mais au prix de leur cote, donc chers.
On a eu la joie de partager quelques heures et quelques verres avec Olivier B, encore un expatrié lyonnais. Ça fait du bien d’écouter un homme de gauche qui ne dit pas de conneries, on a pas l’habitude.
Avant cela on avait fait quelques images de Bidule et on a recommencé en retournant à l’auto.
En rentrant à la maison, tout le monde a dormi sauf moi.
Le soir on a mangé sur le bord du port de plaisance mais en face de là où nous étions la veille. J’ai mangé local, un faux filet.
C’était le 14 juillet mais ici la fête c’était le 13. À 22h la rhumerie fermait et nous nous sommes rabattus sur un verre de vin à la maison. C’était peut-être pas plus mal.
Le matin, je me lève tôt. Vers 6h30, je bois un café et je joue au tarot.
Quand Romuald s’est levé et que j’ai fini par perdre au cartes, je me suis lavé (une fois n’est pas coutume) et nous avons laissé les copains pour aller visiter Pont-L’Abé et Pont-Croix. On y a passé pas mal de temps. Avec Bidule nous avons une multitude de choses à immortaliser. Si on compare le travail d’aujourd’hui aux premiers happenings en 2014 où nous ne nous concentrions presque uniquement que sur les grands spots, nous avons élargi le champs créatif. C’était une nécessité. Nous aurions arrêté le projet depuis longtemps sans cela.
À Point-Croix, nous avons mangé une galette « Jailadalle », elle portait bien son nom. Une fois de plus le service était super et le voisinage aussi. Bidule est Google Guide aussi. Il met cinq étoiles à tout le monde. Il met des photos de lui devant son plat aussi. Généralement c’est moi qui mange son assiette, c’est un sans dent. Généralement il mange des pizzas, des burgers ou des kebabs. Alors les galettes, c’est exotique.
On avait dit qu’on rejoindrait les copains pour faire le tour des ateliers et galeries d’art de Douarnenez mais c’était trop tard pour cela et trop tôt pour l’apéro.
On était à une demi-heure de voiture de la Pointe du raz. On a décidé d’aller se détendre sur la terrasse de Monsieur Papier, une librairie et papeterie improbable dans un endroit aussi improbable que magnifique.
En revenant a Douarnenez, on est allé au supermarché acheter de quoi se sustenter. Quelques crevettes et des seiches, des pâtes, deux oignons et un pot de crème. J’ai nettoyé les seiches en rentrant. Philippe n’était pas emballé par les bestioles à huit pattes. Il a mangé un bout de viande (appétissant par ailleurs). Moi, j’ai trouvé ma préparation assez bonne et les autres ont eu la gentillesse de me dire qu’ils appréciaient aussi.
A Plogoff, sur le retour de la pointe du raz, nous nous sommes arrêtés dans une distillerie locale où nous avons acheté une liqueur de gingembre.
Après les nouilles, nous nous en sommes régalés. Ça pique.
Epilogue
Ce soir on mange du poulet breton. Rôti. Y’aura des patates pour accompagner ça. Et de la mousse au chocolat aussi. Quel marmiton ce Thierry !
Quand j’ai enfin eu la réponse de Ludo pour éditer mes élucubrations, je lui ai dit que je n’avais rien écrit de plus. Il m’a, avec l’amour dont il déborde, fait comprendre qu’un pauvre texte à Angers n’était pas suffisant pour le chroniqueur en devenir que je suis.
Alors ce matin j’avais deux projets, manger un kouign amann et écrire ce récit.
Je me suis levé tôt, j’ai joué au tarot et j’ai suffisamment gagné pour ne pas perdre mes jetons quotidiens trop vite. J’ai bidulé.
Biduler peut prendre plusieurs sens. Quand je bidule le matin, c’est que je poste les images sur les réseaux sociaux. Nous Bidulons aussi pendant les happenings lors des séances photo. Enfin, quand nous nous comportons nous même en Bidule (faire un selfie devant les demoiselles d’Avignon par exemple) ou que nous voyons des gens dans la rue en faire autant, le néologisme fonctionne aussi. Ça serait drôle qu’on rentre dans le Robert avant de rentrer au musée.
Après m’être lavé pour la deuxième fois en deux jours, on est allé manger un demi kilo de beurre avec du sucre pareillement proportionné. Il paraît que le kouign amann a été inventé a Douarnenez. Je pense que toute la Bretagne revendique la paternité du gâteau.
Avant de prendre 20 kg, on a fait le tour du marché sans rien acheter et on a pris l’unique table libre chez Sadia. Un personnage, Sadia !
J’ai écrit.
Philippe puis Thierry nous ont rejoints. Après le café et le kouign amann, c’était l’heure de l’apéro. J’ai continué à écrire.
On est rentré à la maison, Romu est allé dormir et Thierry a cuisiné les patates.
J’ai écrit.
On est sorti pour faire les galeries et là, on fait une pause dans un bistrot. J’écris.
Ce soir, on mange du poulet breton avec des patates et une mousse au chocolat. Y’a Anne qui vient manger. On l’a vue l’autre jour avant le sandwich à la raclette. Elle a l’air sympa.
J’ai confiance, les breton-nes sont sympas.
Demain on part d’ici, on va faire une pause à Bourges et on rentre à Lyon vendredi.
Je travaille samedi.
En août, je prend les vacances de cette année.
PJ Blanchon
PJ est également artiste plasticien et travaille avec Romuald sous le nom de Romuald&PJ