Proposée par le couple artiste Romuald&PJ, « Accueillir tout le monde » est une exposition manifeste qui regroupe des œuvres originales. Son titre dit tout. Si leur diptyque reprenant l’Article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme rappelle que le droit d’asile doit protéger les personnes de la persécution, l’exposition en suggère clairement l’élargissement. Car au nom de quoi ceux qui sont nés démunis n’auraient-ils pas, eux-aussi, le droit de chercher ailleurs les opportunités de vivre une vie digne ?
Engagés dans l’accueil de mineurs non accompagnés depuis plus de 5 ans, Romuald&PJ ne tiennent pas un discours de posture. Ce n’est pas une générosité de principe, mais une volonté qu’ils ont pour eux-mêmes. C’est de là qu’ils constatent au quotidien la détresse de ces jeunes, souvent aussi fracassés par l’exil que leurs rêves d’enfant. Et après avoir traversé la moitié du monde dans les conditions qu’aujourd’hui tout le monde connait, leur arrivée en France est rarement synonyme de répit. D’autres obstacles les attendent. Prouver qu’on est menacé dans son pays, prouver sa minorité quand on n’a plus aucun papier et que l’on n’est pas le bienvenu…
Et pourtant ! Romuald&PJ soulignent combien notre confort s’est bâti et se maintient sur l’exploitation des ressources des pays du Sud. Ils rappellent le sort des populations affamées et maltraitées par des régimes soutenus par l’Occident. Mais surtout, ils témoignent de l’immense soif de vivre et d’entreprendre de ces jeunes. Contrairement à ce qu’en pensent certains en Europe, c’est surtout du courage qu’il faut pour quitter ses proches et son pays. Alors à ceux qui n’écoutent pas l’argument éthique, Romuald&PJ proposent d’entendre l’intérêt économique et de miser sur le potentiel dont ces jeunes sont porteurs.
Créées pour l’occasion, une trentaine d’œuvres évoquent le frêle des vies en jeu. La fragilité des matériaux (papier de soie ou d’emballage, post-it, tissus…), les techniques employées (graphite, craie grasse…), l’accrochage, léger et discret… tout suggère la précarité. Réalisés à l’échelle réelle, les dessins esquissent les objets de l’exil mais aussi des personnes qui ne sont jamais entièrement représentées, comme si elles étaient en partie absentes. Un peu ici, un peu là-bas, un peu oubliées aussi. Sensible et sans pathos, c’est un travail qui inscrit dans son matériau même la vulnérabilité de cette jeunesse. Presqu’exclusivement en noir et blanc, c’est le spectre, l’effacement, la trace qui sont donnés à voir.
Si l’on peut souhaiter une suite à cette exposition, c’est celle que l’on voudrait voir, dans quelques années, illustrer la puissance de faire dont ces jeunes sont porteurs.
L’exposition est coorganisée avec le collectif AMIE – Accueil des mineurs isolé.es étrangers. La moitié des bénéfices lui sera reversée de façon à soutenir l’action qu’elle mène auprès des jeunes, qu’il s’agisse d’hébergement, d’accompagnement aux droits, et notamment à la reconnaissance de minorité.
« Accueillir tout le monde » est visible à l’Échoppe des pentes – 22, Montée des carmélites – du 15 mai au 18 mai 2024.
Vernissage le 15 mai à 18h.