Bonjour chez vous. Les zébrés et les z’autres.
Si vous habitez le Grand Lyon qui n’a manifestement de grand que « l’envitrine« , vous avez sûrement dû remarquer cette campagne de pub volontairement outrancière au cul des autobus, dans laquelle il est question de : « politiciens véreux, fonctionnaires corrompus, justice passive ». En omettant bizarrement d’ajouter en fin de liste : « et de journalistes putassiers qui feraient tout pour vendre du papier… ».
Voilà donc comment ceux de Lyon Mag – mais rassurez-vous, ils ne sont pas les seuls – entretiennent un climat abrutissant, populiste et ô combien délétère à deux mois des Municipales, en se dérobant derrière la pseudo liberté de la presse et la soi-disant priorité à l’information.
Sauf que, n’est pas Carl Bernstein qui veut (cf. le Watergate). Et je ne suis pas certain que Les Hommes du Président (voir Dustin Hoffman et Robert Redford) soient bien nombreux dans de telles rédactions, qui privilégient le grand n’importe quoi ordurier pour attiser les ventes de leur… excusez-moi mais j’ai également envie d’être grossier. Alors oui bien sûr, il y a certainement des politiciens véreux et des fonctionnaires corrompus entre Rhône et Saône, comme partout ailleurs, mais de là à titrer « Lyon devient-elle mafieuse ? ».
On pourrait quasiment concevoir en se faisant l’avocat du diable que, pour contrecarrer la crise sans précédent de la presse écrite, quelques papiers glacés (forcément bien propres sur eux) n’hésitent pas à singer la façon de faire d’une certaine presse d’Outre Manche : celle qui traite du politique uniquement à travers l’angle des faits divers, entre scoops, scandales à gogo, slogans injurieux et photos chocs. Finalement, ça plaît à beaucoup de monde toutes ces conneries et tant pis pour la démocratie qui, quoi qu’il en soit bât de l’aile depuis trop longtemps.
Certes mais aujourd’hui, « ces conneries » transposées dans l’Hexagone, vont autrement plus loin que cela, et s’inscrivent d’ailleurs dans une tradition bien française, entre antiparlementarisme, populisme et théorie du complot. Le « tous pourris » qui se conjugue à toutes les sauces en ciblant a priori comme public, les bonnes gens du peuple gaulois, qui eux souffrent bien évidemment de la crise quand d’autres en profitent allégrement. Tous pourris, sauf nous. Une vraie bénédiction pour le FN qui en a fait son fond de commerce, entretenue par les médias tous bords confondus, jusqu’à ce que haine s’en suive…
Après les affaires Cahuzac et Guéant, on ne peut nier qu’il y ait une part de vérité dans tout ça. De même, en schématisant, lorsque l’Europe décide de renflouer les banques en 2008, en laissant ensuite sur le carreau des millions de chômeurs supplémentaires ; on sait que ce genre de traitement de l’information va trouver un écho retentissant chez les « anti-système » de droite comme de gauche…
Je n’ai pourtant aucune envie de défendre ce système qui, à mon sens, ne connaît que la fuite en avant sur le mode d’un capitalisme ultralibéral ; j’ai en revanche ma petite idée quant à la déontologie minimum de la presse et des médias en général, qui ne devraient pas se permettre d’imprimer et/ou de dire tout et surtout n’importe quoi. En généralisant les amalgames et les fausses vérités selon la logique du « tous pourris ».
Ainsi, on décline, on suggère et on finit depuis les années 2000, par se « décomplexer » carrément.
Les raccourcis deviennent alors légion :
« Les politiques ? Tous corrompus »
« Les roms ? Tous des voleurs »
« Les chômeurs ? Tous des assistés »
« Les enseignants et les intermittents ? Tous des fainéants »
« Les musulmans ? Tous des terroristes islamistes »
« Les élites ? Tous des judéo maçonniques »
« Les gays ? Tous des désaxés »
Mais aussi :
« Les marseillais ? Tous des bandits »
(Je le concède, celui-là me fait un peu rire…)
« Les prêtres ? Tous des pédophiles »
« Les bourgeois ? Tous des cochons »
Etc. etc.
Et puis « Les journalistes ? Tous des…
À vrai dire, on peut continuer comme ça pendant longtemps et j’imagine même que le jeu peut être marrant. Ou bien.
Y’a en revanche un truc qui me fait moyennement marrer actuellement, c’est que tous ces raccourcis ont rarement des suites ubuesques dans la vraie vie. Surtout quand ils sont pris au pied de la lettre. Quand on donne de l’opium et quelques boucs émissaires aux « honnêtes gens ». Quand on prend le peuple dans son ensemble comme un vaste conglomérat d’abrutis haineux. Fashion victims de l’air du temps. Et visiblement, la mode aujourd’hui, c’est d’être con et un tantinet réactionnaire.
Ce cher Audiard était d’ailleurs un sacré visionnaire quant à cette faculté nouvelle de se décomplexer en masse : « les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ». Merci pour lui.