Les Castagnettes de Carmen # 15

War Requiem de Benjamin Britten à l’Opéra de Lyon du 9 au 21 octobre

Lauréat de différents prix, l’Opéra de Lyon ne se repose certes pas sur ses lauriers en cherchant la facilité. C’est une œuvre grave et exigeante qu’il propose cette année en ouverture de saison. Non seulement le War Requiem de Benjamin Britten est une pièce austère mais texte et musique doivent en principe se suffire à eux-mêmes. D’où une certaine audace, et un pari, à tenter de la mettre en scène.

War requiem a été créée en 1962 à l’occasion de la consécration de la nouvelle cathédrale de Coventry, reconstruite sur les ruines de celle détruite en 1940 par un bombardement allemand. Comme son titre l’indique, il s’agit d’une messe pour les morts, en l’occurrence ceux de la guerre. Britten a intégré au traditionnel texte liturgique latin (chanté par le chœur et une soprano) des extraits de poèmes écrits dans les tranchées par Wilfred Owen, mort au front en 1918. Ceux-ci sont interprétés en anglais par un ténor et un baryton, et accompagnés par un orchestre de chambre. Ce fut tout le génie du compositeur que de parvenir à intégrer, plutôt que de juxtaposer, ces deux dimensions dans la plus parfaite harmonie.

Cette harmonie est élégamment rendue par l’orchestre de l’Opéra, sous la direction de son nouveau chef permanent Daniele Rustioni. Elle est surtout exprimée avec force et recueillement par le chœur et la maîtrise de l’Opéra respectivement dirigés par Geneviève Ellis et Karine Locatelli. Ce n’est pas faire injure aux solistes (Ekaterina Scherbachenko, Paul Groves, Lauri Vasar), tous trois excellents, que d’affirmer que le chœur est l’interprète le plus remarquable de la soirée. Il sait révéler tour à tour la douceur et la puissance que recèle la partition ; son interprétation du libera me, en particulier, est absolument poignante.Le pari de cette production réside donc dans la mise en scène d’une œuvre destinée à être jouée en concert. Le pari est gagné grâce au travail très retenu de Yoshi Oida, qui sait donner à l’interprétation ce qu’il faut de mouvement sans attenter à la dignité du propos. Les évocations directes de la guerre (interprètes en uniforme plantant leur fusil crosse en l’air, fraternisant en échangeant cigarettes et alcool, pleurant leurs camarades tombés au front…) s’intègrent à l’esprit funèbre de l’œuvre, que souligne encore la référence aux rituels mortuaires (bougies, linceuls, cercueil, etc.), sans s’exposer au pathos ou à la mièvrerie.

War Requiem a été composé dans l’immédiat après-Seconde Guerre mondiale et donne à entendre un texte poétique écrit pendant celle de 14-18. Quoique lestée d’une telle charge historique, l’œuvre dépasse son contexte d’élaboration pour livrer un message universel sur les horreurs de la guerre. C’est pourquoi le choix de costumes référant aux années 1940 ou encore un tableau noir portant l’inscription « 1914-1918 » peuvent-ils apparaître quelque peu réducteurs. Il s’agit là de la seule (et bien légère) réserve devant un grand moment de recueillement musical.

Carmen S.

 

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