Le Sonic crée une nouvelle fois l’évènement en accueillant une très grande dame et l’une des plus belles voix de la musique indépendante américaine. THALIA ZEDEK chante depuis plus de vingt-cinq années et a eu un parcours pour le moins exemplaire : ancienne harpie post-punk et furie noise-rock dans les années 8o avec les groupes Uzi puis Liveskull, co-leader avec Chris Brokow de Come, l’un des meilleurs – mais également beaucoup trop sous-estimé – groupes indé des années 90, elle a entamé depuis le début des années 2000 une carrière solo quasiment irréprochable avec déjà quatre albums et deux mini-albums studio dont le tout dernier, peut-être son meilleur à ce jour, est tout simplement intitulé Six parce que riche de six chansons impeccables.
Depuis quelques années cette grande dame a également préféré publier ses disques sous le nom de Thalia Zedek Band. Il n’y a certes pas fondamentalement de différences entre ses albums enregistrés sous son seul nom et ceux endossés par son groupe mais la nuance est tout de même significative : le Thalia Zedek Band s’est largement stabilisé au fil des ans et des enregistrements autour d’un noyau dur et équilibré, composé de David Michael Curry au violon alto et de Mel Lederman au piano ; mais depuis le superbe Liars And Prayers, acte de naissance véritable du groupe publié en 2008 par le label Thrill Jockey, le Thalia Zedek Band a incorporé un bassiste à plein temps en la personne de Winston Braman. Un détail qui a toute son importance, lorsqu’on joue du rock : celui de Thalia Zedek n’a plus rien de réellement hystérique ni de frénétique et correspondrait plutôt à ce que les américains désignent par les termes de classic rock, pourtant il porte en lui cette empreinte électrique qui fait toute la différence. D’ailleurs Thalia Zedek est également une excellente guitariste et, toujours depuis l’album Liars And Prayers, elle a à nouveau remis cet instrument à l’honneur dans sa musique.
Thalia Zedek dévoile surtout des sources d’inspiration country et folk voire blues qui dominent sa musique depuis ses premiers enregistrements. Des sources d’inspirations évidentes dès que l’on s’attèle à lister les reprises qui parsèment la discographie de la chanteuse : You’re A Big Girl Now de Bob Dylan, Dance Me To The End Of Love de Leonard Cohen ou Flat Hand de Freakwater (on y trouve également une reprise moins convaincante de Candy Says, soit l’un des titres les plus mélancoliquement pop de tout le répertoire du Velvet Underground et de Lou Reed réunis). Des influences qui apparaissent presque tout aussi évidentes sur le pastoral et minimaliste Trust Not Those In Whom Without Some Touch Of Madness (2004), un album enregistré en formation trio – chant/guitare, violon et batterie – et que beaucoup considère comme l’album le plus personnel ou en tous les cas le plus poignant de Zedek. Un album qui en tous les cas laisse toute la place à cette voix éraillée, goudronnée à la clope, infusée à l’alcool et tordue par les abus en tous genres, une voix abimée par une vie tumultueuse et surtout une voix de survivante.
Tout récemment publié par Thrill Jockey , le mini album Six est aussi l’enregistrement le plus lumineux de Thalia Zedek. Si j’osais, je parlerais même d’une certaine sérénité. La chanteuse ne reviendra sans doute jamais vraiment en arrière et notamment sur son glorieux passé avec Come – groupe qu’elle a cependant rapidement reformé en 2013 pour une petite série de concerts à l’occasion de la réédition du premier album Eleven Eleven, un disque très influencé par le Exil On Main Street des Rolling Stones. Elle préfère continuer sa lente rédemption par la musique et sur Six propose son panel habituel, homogène bien qu’assez large, allant du rock à la ballade en passant par la country, et donne à entendre un chant presque transfiguré. Oh on reconnait parfaitement dans ce chant à la limite du radieux celui de la grande Thalia Zedek mais la puissance résignée d’avant et les cassures intérieures ont comme laissé la place à une belle lumière. Jusqu’ici la lumière était chez Zedek pour le moins tourmentée ou en tous les cas malmenée… Dorénavant cette lumière est comme assumée, voire désirée. Montrant peut-être le chemin d’une beauté unique et enfin réconciliée avec elle-même.
Thalia Zedek en concert au Sonic – 4 quai des étroits, Lyon 5ème – le lundi 17 mars mais également en tournée : le 18 à Montreuil (Les Instants Chavirés) et le 19 à Rennes (L’Avant Scène).
Thalia Zedek Band – Winning Hands