“Loin, très loin d’utiliser l’émergence de la jeune scène artistique arabe pour en faire un objet marketing « hype » et rentable, le RevolusonR Festival revient cette année pour une deuxième édition à Lyon et Grenoble. J’ai fait partie de la programmation au pied levé l’année dernière et je suis plus que ravie d’être encore de l’aventure cette année. Yallah chabab! ” C’est ainsi que Missy Ness, jeune rappeuse tunisienne, présente le festival sur son Facebook.
RevolusonR, premier festival de France entièrement dédié aux cultures urbaines arabes, s’est déroulé l’an dernier du 25 janvier au 11 février 2014, dates choisies en référence à la révolution égyptienne de 2011. Pour sa deuxième édition, il était la semaine dernière à Grenoble et s’installe à Lyon pour une semaine à partir de mardi. Projections de films, expo photo, ateliers, débats, concerts, avec certain.es des meilleur.es MCs et DJs du monde arabe. Convaincu-es qu’on ne peut dissocier le politique de la culture, les organisateurs “ont fait le choix de diffuser une parole engagée, émanant de la base de la société”. Politique mais aussi culturel, le rap s’imprègne de la poésie et de la musique du Moyen-Orient ou de l’Afrique du nord, et ne s’affadit pas en un simple copier-coller Nord américain.
Invité cette année, le rappeur égyptien Deeb, qui se revendique d’un courant de rappeurs moyen-orientaux. Il affiche désormais une identité bien définie avec une des bandes-sons de l’insurrection contre Moubarak et son successeur Morsi. Dans le clip de son premier titre Maou’oud (2013) (https://www.youtube.com/watch?v=_QTg9s7o9vo#t=23), on entend l’un des thèmes musicaux d’une chanson romantique de 1971 d’Abdel Halim Hafez, simple retour au source qui semble naturel, à l’image du Zoum de Rachid Taha. Le rappeur égyptien assène son flot en sillonnant les rues du Caire. Il s’en prend à l’ancien régime du président déchu Hosni Moubarak, mais aussi au pouvoir islamiste qui l’a remplacé. Corruption, harcèlement sexuel, manque de sécurité, médias corrompus, sont, entre autres, évoqués dans le rap de Deeb, dédié aux martyrs du Printemps arabe.
Également présent, Refugees of Rap (Syrie) groupe de rap de Damas composé de Yasser et Mohammed Jamous, Muhammad, Jawad et Ahmad. Depuis leurs débuts en 2005, ils ont sorti deux albums Refugees of rap Laj2e Al-Rap (2007) et Face 2 Face (2010), et se sont produits en concerts en Syrie, Égypte, Jordanie, au Liban. Quant à leur dernier album, The Age Of Silence (L’Age du silence), il a été enregistré à la hâte à Damas et mixé en France. Menacé en raison du contenu de leur texte, le groupe a du fuire la Syrie après la destruction de son studio. “On peut tout dire avec le rap, on peut exprimer notre message librement”, une conviction dont témoigne cet extrait : « Les foyers de corruption ont pourri ces pays avec des moyens colossaux, des trahisons, des complots qui développent la pensée (…) pour que les gens aient peur et que la stratégie réussisse, des applaudissements suivis de mensonges… Mais le temps du mutisme est révolu, nous sommes entrés dans l’ère des pressions. J’en ai marre du silence, le temps du mépris est terminé et nous sommes entrés dans l’ère de la dignité… »
Osloob, vétéran de la scène rap du Moyen-Orient (il a commencé son activité en 2000), continue d’évoluer au fil des années que ce soit à travers la production de son groupe mère, la Katibe 5, ou grâce à des collaborations continues avec des chanteurs et musiciens. Dans son dernier projet, Fasi, lancé début 2012, Osloob réunit rappeurs, chanteurs, musiciens et poètes de Palestine, Jordanie, Liban et Syrie pour donner vie à un projet qui, pour reprendre ses mots « veut briser les frontières géographiques » en unissant les pensées communes et individuelles, les frustrations et les rêves des jeunes Arabes. Afin de rendre le projet accessible et de contourner la logique commerciale de la musique, l’album, produit, conçu et composé entièrement par Osloob dans un studio souterrain près de Burj El Barajneh (le camp de réfugiés palestiniens situé dans la banlieue de Beyrouth), a été diffusé sur Youtube et la plate-forme de musique Soundcloud (https://www.youtube.com/watch?v=3HLo7COtkg0).
Un regard sur le street art révolutionnaire en Égypte, mercredi 13 mai, à la Maison des passages avec Graffiti Baladi, un documentaire réalisé par Lisa Klemenz et Leslie Villiaume. En mars 2013, Lisa et Leslie vont au Caire pour tourner leur film, alors que les affrontements entre population et forces de l’ordre battent leur plein. L’axe original qu’elles choisissent est d’explorer par la voie du street art les revendications et les souffrances du peuple égyptien qui est descendu dans la rue. Ce film donne la parole aux principaux acteurs de la révolution Égyptienne : journalistes, activistes, photographes, graffeurs ou encore cinéastes, tous témoignent des évènements de ces dernières années. Amateurs ou professionnels, de nombreuses personnes ont décidé de raconter la Révolution sur les murs. Le graff s’est très fortement développé, devenant le moyen d’expression privilégié du mécontentement, de la revendication et de la colère.
Jeudi 14 un concert-parcours sur les pentes de la Croix-Rousse, départ au Groovedege Store, puis passage incontournable au Kraspek, et final au Valseuses, ou vice et versa, le son vous guidera. Vendredi 15, un free-style à l’antenne de Radio Canut, Chez Lézard. Fin de clôture le samedi 16, au Croiseur Scène 7.
De quoi s’occuper en cette fin de semaine, en attente du festival Avatarium, la semaine prochaine à Saint-Étienne ! Certain vont me reprocher de ne pas pas parler de Malika né à Marseille sévissant depuis l’âge de 16 ans sur les scènes Hip Hop de Beyrouth. Lynn Fatouh plus connue sous le nom de MC Lix décrit ainsi ses « 2 personnalités » quand il s’agit de la musique. “Malikah is the rough, serious, hardcore, Arabic woman who raps about politics, religion, and social issues; and MC Lix is my alter-ego, the feminine, sexy lady who is more commercial and talks about love, friendship and so on” » Élue en 2007 l’une des meilleurs MCs du Liban pour son programme‘Hip Hop Na’ par MTV Orient. Je l’écrivais déjà en 2008, la reine du Hip Hop arabe est incontournable my dear …..
Franck du Zèbre
RevolusonR Festival
Projection de Graffiti Baladi, en présence des réalisatrices, à la Maison des Passages, le mercredi 13 ;
Concert-parcours sur les pentes de la Croix-Rousse, le jeudi 14 ;
Free-style à l’antenne de Radio Canut, Chez Lézard, le vendredi 15 ;
Concert-show exclusif de fin de clôture le samedi 16, au Croiseur Scène 7 (métro Jean Jaurès).
Plus d’infos et programme détaillé sur www.revolusonr.com et facebook.com/revolusonr. Et pour vous donner envie, le teaser officiel de l’édition 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=ogAZjDQCuwA