Raymonde HowardLa semaine dernière je vous ai un peu causé d’ Imagho et de son album Méandres , publié entre autres par We Are Unique ! records. Une maison de disques à suivre décidemment de près et au catalogue rempli de bonnes surprises puisque parmi ses toutes dernières références on retrouve également Le Lit , soit le dernier enregistrement en date de la stéphanoise RAYMONDE HOWARD (cherchez pas, c’est un pseudo maléfique). Un disque publié conjointement avec le label messin Specific Records et qui surtout constitue la bande originale d’un court métrage du même nom et réalisé par Raphaëlle Bruyas.

Quoi ? Une musique de film ? Oui, parfaitement… Composés parait-il avant le tournage et en prenant uniquement comme base et point de départ le script initial, les huit titres du Lit ne font absolument pas figure d’amuse-gueules narratifs ou de bouche-trous paysagistes. On y retrouve avec bonheur la verve nerveuse et aiguisée qui est la marque de fabrique de Raymonde Howard. Celle-ci avait déjà gagné des points de vie supplémentaires avec son précédent album, For All The Bruises Black Eyes And Peas, un disque de pop rebelle, électrique et accrocheuse. Et qui prononce ce mot – sacré entre tous – de pop parle aussi et surtout de mélodies ourlées, de compositions ciselées et de toutes ces choses simplement magnifiques qui s’apparentent au sentiment plus ou moins intime de découvrir un trésor caché et inestimable. Mais tout le paradoxe est là : nous croyons détenir quelque chose rien que pour nous seuls mais en fait il n’en est rien – la musique de Raymonde Howard possède cette franchise et cette honnêteté qui certes la rendent inévitablement irrésistible mais qui surtout assure son indépendance et sa liberté de ton.

Raymonde HowardQu’elle joue toute seule ou accompagnée d’un batteur (j’ai même assisté un jour à un concert en formation trio, avec une contrebassiste), Raymonde Howard ne dévie pas d’une esthétique très bien définie et toute personnelle : sa musique est principalement à base de guitare et de boucles multiples ; son chant possède la limpidité tranchante de l’eau des collines qui dévale le long des pentes ou qui émerge d’une source abandonnée en contrebas, une eau volontiers piquante de froid mais en même temps chargée de ces multiples petit arrière-goûts et parfums fugaces, entre impressions instantanées et réalité persistante. Même si elle doit en avoir un peu marre des comparaisons à l’emporte-pièce, en écoutant Raymonde Howard on peut penser aux tout débuts de PJ Harvey (pas la Polly Jean transformée avec le temps en référence historique voire biblique pour lecteurs de Télérama) mais aussi, pourquoi pas, un peu à Cat Power, celle qui il y a trop longtemps maintenant chantait cette chanson en forme de chef d’œuvre éternel qu’est Nude As The News (sur l’album What Would The Community Think, en 1996).

Mais ce ne sont que des références, même lointaines, et si en écoutant Le Lit on retrouve sans peine quelques traces de la première d’entre elles sur le très lapidaire Fool Lover (même ce nom sonne comme du PJ Harvey…), il convient de reconnaitre que Raymonde Howard possède par-dessus tout un sacré tempérament : d’ordinaire ses chansons sont plutôt courtes mais avec Le Lit elle a sans doute battu quelques records de concision et, pour tout dire, ce disque ne dure qu’une quinzaine de minutes, sa version vinyle n’étant d’ailleurs gravée que sur une seule face (!). Evidemment l’exercice d’écriture pour un court métrage semblait dès le départ parfaitement convenir à la chanteuse/compositrice mais Raymonde Howard a vraiment su tirer tous les avantages d’une telle situation en imaginant et réussissant à composer quelques pépites très efficaces (la meilleure d’entre elles s’appelle Double Dare, Do) et surtout, rappelons-le, de véritables chansons, aussi courtes et épidermiques fussent-elles. Un drôle de sentiment mélangeant fulgurance et parfois âpreté et que d’habitude on est plutôt tenté d’associer aux déflagrations du punk et autres pitreries post acnéiques. Alors Raymonde est elle une punk dans l’âme ? Oui, sans aucune doute mais je rajouterai que son sens de la simplicité confine à l’élégance pure et simple, tout comme cette façon qu’elle a de brouiller les cartes avec des ritournelles faussement enjouées (Push The Enveloppe) ou nonchalantes (Tide Ride). Et lorsque les violons sont de sortie sur The Bed, on les entend à peine, car ce qui frappe avant tout c’est ce chant entre tristesse et fermeté, inexorable.

 

Hazam.

 


Raymonde Howard sera en concert à Lyon – au Marché Gare – le jeudi 27 février et en première partie de Ramona Cordova


Specific records : specific.bandcamp.com
We Are Unique ! records : www.uniquerecords.org


Raymonde HowardLe Lit

 

Raymonde HowardFor All The Bruises Black Eyes And Peas