Un pilier vertical dans la bouche
sur le pont de la Willis Avenue
une Honda beige enjambe la glissière
comme une gazelle d’acier inéluctable
des bottes de cuir lisse sur le pavé
badaboum de meilleures intentions
chutant pour la troisième fois
coincées dans le particulier
tu ne peux pas faire l’amour au béton
si tu fais attention à être
marginalement dans l’erreur ou portée fin
si tu crains de jamais devenir
des diamants ou du saindoux
tu ne peux pas faire l’amour au béton
si tu ne peux pas prétendre
que le béton a besoin de ton amour.
Pour faire l’amour au béton
il te faut une plume indélébile
des robes blanches avant tes dix ans
un châle de confirmation lacéré des os au lait cru
et des exercices d’attaque aérienne plein tes cauchemars
pas de lever d’étoile tu vas au pays
et un été où vous êtes douze
Con Edison[1] branche la prise
des lunes de coins de rue
Walpurgis, la nuit des sorcières[2]
et des lumières nouvelles soudainement dans le ciel
des éclats de pierre qui oublient ton besoin
de devenir une corde lumineuse un marteau
une passerelle répétable
des brocolis frais du jardin deux douzaines d’œufs
tombés
et un indice de toi
rencontré entre mes doigts
la leçon d’une vapeur boisée
en équilibre sur des tonneaux
au milieu d’un champ de mines
entre un pardon trop facile
et ne jamais rien donner.
[1] Con Edison est le fournisseur d’électricité de New-York.
[2] Ancienne fête celte de la fin de l’hiver, la nuit du 30 avril au 1er mai, connue comme le sabbat des sorcières (les anciennes divinités rendues infernales par l’Eglise catholique), est célébrée essentiellement dans le nord de l’Europe. Elle tire son nom de Sainte-Walburge, abbesse du VIIIème siècle, dont la fête est le 30 avril.
[Retrouvez toutes nos traductions de la poésie d’Audre Lorde]