Ils font partie des compagnies de cirque dont on se chuchote le nom avec le cœur qui bat plus vite. Ces Suédois sont passés maîtres dans l’art de faire du cirque qui prend aux tripes, à la fois enragé, militant, engagé, sans concession. Rien que cela. Parce que Cirkus Cirkör a décidé, il y a plus de vingt ans, de repousser les limites de l’impossible tout en questionnant, de manière insolente et frontale, des sujets d’actualité sensibles tels que les notions de frontière(s), libre circulation et migration.

Une première à la Maison de la Danse avec « Limits », l’une de leurs dernières pièces (créée en 2016), qui se collette aux problèmes de migrants.

Assurément poétique, virtuose et décapant.

Mats Bäker

Emmené par leur directrice artistique Tilde Bjöfors – une ex-Archaos de la grande époque, cela vous situe de suite la dame – Cirkus Cirkör ne laisse personne indifférent et propose des spectacles physiquement très engagés qui repoussent à l’infini les limites individuelles des artistes. Depuis 1995, la compagnie installée à Stockholm s’est donnée comme mission de changer le monde à travers le cirque contemporain. Jolie gageure. En tout cas ces circassiens, qui jouent dans la cour des grands avec des numéros souvent époustouflants, ont une production assez sidérante. Quelque trente œuvres en vingt ans de carrière, cela peut donner le tournis. Outre ces spectacles qui tournent à travers le monde, Cirkus Cirkör développe sa propre plateforme de recherche et développement en matière de cirque contemporain, donne des cours, a mis en œuvre un programme de cirque universitaire à l’Université de danse et de cirque de Stockholm. Ou encore collabore avec des chercheurs sur le cerveau sur « qu’est-ce qui fait qu’un individu dépasse ses limites » ?

Avec « Limits », pièce pour cinq circassiens et une musicienne, les Suédois poursuivent la réflexion démarrée avec « Borders » sur la notion de frontières. Tilde Björfors pose le postulat de « la différence qui est grande entre l’artiste de cirque qui prend des risques de son propre chef et la personne qui s’enfuit pour sa survie, mais j’y vois des points communs : avoir peur, braver l’inconnu, toujours y croire. »

Matthias Edwall

 « Limits » questionne donc les limites du cerveau et du corps pour un circassien tout en posant un regard critique et sensible sur l’immigration. Avec chiffres vertigineux à l’appui (part des migrants, nombre de disparus en mer…) et succession de tableaux sombres et poétiques qui narrent ce que vivent ces personnes forcées de fuir leur maison, ville, pays…

Sur scène, cinq acrobates dont deux prodiges de la bascule coréenne (médaillés, entre autres, au Festival Mondial de Cirque de Demain) défient évidemment la pesanteur et repoussent sans cesse leurs propres limites. La philosophie de travail de cette compagnie est assez extrême : du travail acharné, des prises de risques, des muscles endoloris, des corps contraints, de la douleur mélangés à des moments de pure magie. On est évidemment impatient de découvrir ce cirque très engagé, sûrement proche de la performance, qui mélange chorégraphie acrobatique aérienne, prouesses techniques de haut vol, musique jouée live (et signée Samuel Andersson) par une musicienne femme-orchestre (avec son chariot d’instruments, tout aussi à l’aise au violon, à la guitare électrique qu’en vocal) et extrême sensibilité.

Mats Bäker

Cirkus Cirkör débarque à Lyon pour une première à la Maison de la Danse, précédé de sa réputation de « compagnie détonante qui en a dans les tripes ». Les compliments pleuvent souvent pour parler de leur travail : « beauté des images que font naître ces artistes », « puissante poésie de leurs tableaux ».

Sûrement l’un des temps forts de cet automne, on espère juste que ce qu’ils vont nous montrer sur le plateau sera aussi beau et profond que ce qu’ils nous suggèrent sur le papier !

Réponse dès demain 17 octobre.

Anne Huguet

 

Maison de la Danse, du 17 au 23 octobre

En complicité avec le Festival Sens Interdits

maisondeladanse.com