« – On se voit samedi à manif pour le mariage homo ?, me demandait l’autre jour une copine.
– Moi ? Hors de question : je suis contre « .
Et devant le visage déconcerté de la jeune personne, me voilà obligé de m’expliquer : « Je suis contre le mariage de manière générale. Donc a fortiori contre le mariage homo ».
Voilà en effet une question qui reste curieusement en dehors du débat actuel sur le dit « mariage pour tous » : est-ce que le mariage vaut la peine qu’on se batte avec autant d’énergie pour que tout le monde y ait accès ?
Il est bien sûr pleinement légitime de revendiquer l’accès à un droit dont des personnes sont jusqu’à présent exclues au seul motif de leur orientation sexuelle. Le combat contre les discriminations ne saurait souffrir la moindre exception. Il est tout aussi indispensable de se mobiliser contre les ratichons et autres grenouilles de bénitiers de toutes confessions qui ont profité de l’occasion pour, remugles homophobes relookés psychanalyse de bazar en bandoulière, relever leur hideuse tête de serrés du cul.
Mais justement, le fait que ce soient les pires réactionnaires qui se fassent les défenseurs les plus fervents du mariage devrait un peu plus retenir l’attention, et mettre en alarme. La « différence des sexes » à laquelle ils se disent si attachés n’a jamais servi qu’à dévaloriser les femmes et à contrôler leur corps, et l’enfermement dans la conjugalité a surtout contribué, à travers l’histoire, à réprimer la sexualité.
Qu’ont à gagner les gais et lesbiennes à accéder au mariage ? Le premier argument est précisément celui de l’abolition d’une injuste discrimination. Un des mérites du débat – et antérieurement de celui sur le Pacs – est d’avoir ramené l’institution du mariage à son enjeu élémentaire : il s’agit d’un acte juridique aux répercussions administratives, principalement en matière fiscale. Voilà qui rend la revendication légitime, mais qui esquive une autre question : pourquoi maintenir un système de fiscalité par foyer plutôt qu’individuel, sachant que le premier est injuste et désavantage celui qui, dans un couple (dans un couple hétéro, le plus souvent la femme), gagne le moins ?
Un autre argument est de pouvoir, comme les hétéros, réunir familles et amis à la mairie (pour l’église, il faudra encore attendre) pour ensuite célébrer une union dans une giga-teuf. L’argument, franchement, ne tient pas – à moins d’éprouver un plaisir pervers à faire chier le voisinage à coup de klaxon, à voir ses potes se trémousser hideusement sur les pires tubes des années 1980, à recevoir les vœux de bonheur hypocrites de celles et ceux qui, 5 mn avant, daubaient encore sur la blancheur de votre robe de marié-e, à recevoir par liste de mariage un service de table dont on se servira pas tellement il est moche. Le tout pour traîner trois jours de gueule de bois, augurant mal d’une union qui, dans un tiers des cas (chez les hétéros pour l’instant), finira par un divorce. Ce n’est pas sérieux.
Le dernier argument est de pouvoir fonder des familles comme les autres. C’est sans doute le plus effroyable. La famille est, tendanciellement, le pire endroit qui soit. Les chiffres de la criminalité le prouvent sans ambiguïté : qu’il s’agisse des violences à autrui, des viols et maltraitances, ou encore des homicides, l’endroit le plus dangereux, statistiquement parlant, est sans conteste la famille. Pour vivre longtemps et en bonne santé, fuyez la famille.
Mon camarade Jacques Fortin soulignait il y a peu que le mouvement homo a été un lieu formidable de subversion des normes, à même de faire éclater les formes les plus conservatrices et les plus conformistes de la structure familiale. Les parcours affectifs et sexuels de chacun-e, avec la multiplication des pères, mères, beaux-parents, etc., ont permis l’émergence de configurations familiales des plus hétéroclites, permettant de desserrer le carcan du binôme conjugal obligatoire. Un rétrécissement des imaginaires vers le modèle de la famille bourgeoise monogame serait incontestablement une régression. J’en perçois bien l’ironie, mais la pancarte » On veut pouvoir se faire chier autant que les hétéros » aperçue l’autre jour à la manif (parce que j’y suis quand même allé !) m’a de ce point de vue attristé.
Allez, à la prochaine. Je présenterai un autre argument contre le dit « mariage homo » : l’homosexualité n’existe pas.
Pedro