« Que se passe-t-il derrière ces devantures opaques ? A-t-on notre place dans ces lieux ? Peut-on entrer ?
Benjamin Vanderlick n’a pas hésité à franchir la porte de ces fameux maquis, ethnologue et photographe, il va nous entrainer dans un voyage si loin si proche. Depuis une dizaine d’années, la partie nord du 7e arrondissement de Lyon s’éveille aux couleurs de l’Afrique : magasins d’alimentation africaines et antillaises, boutiques de coiffure, de tresses, de poses d’ongles et bars-restaurants se multiplient.
Ces lieux sont la transposition en Europe de ce qui est notamment dénommé sur le continent africain « maquis » (en Afrique de l’Ouest). Ainsi les maquis sont à Abidjan ce que sont les pubs à Londres : des lieux de rencontres, d’échange et de défoulement. Un maquis, c’est souvent un espace aménagé à l’intérieur d’un domicile privé où les gens peuvent se restaurer, boire un verre en regardant la télévision et/ou en écoutant de la musique. Véritables restaurants » africanisés « , les maquis proposent des plats et des boissons à des prix très abordables. Les maquis ne sont pas que des endroits pour ripaille, ils sont également des lieux de rencontres entre amis, collègues de bureaux, ou hommes d’affaires. Dans les maquis africains, on trouve tout le monde. De l’ouvrier au cadre supérieur en passant par les élèves et les étudiants. C’est aussi le cas dans les maquis de la Guille: le vigile côtoie l’étudiant en thèse, la femme de ménage, le peintre en bâtiment, le médecin et même l’actuel recteur de l’université de Kivu !!
Photographe et Ethnologue
Pour aller à la rencontre de ces maquis B. Vanderlick a pratiqué une démarche de terrain : « J’ai commencé à trainer dans ces lieux en septembre 2011, en informant sur ce que je faisais, en annonçant que j’étais photographe et ethnologue. Beaucoup m’ont vu discuter, accumuler les bières (grand format), les sodas quelquefois. On voyait donc mes bières mais pas souvent mon appareil photo. La plus grande partie du travail photo a finalement été réalisé entre février et mars 2012. »
Il poursuit, « Les maquis permettent pour certains de rompre l’isolement. Un malien me disais qu’il appréciait 2 bars à la Guillotière: le bar congolais ou je discutais avec lui et « De l’autre coté du pont ». Pourquoi ces 2 lieux ? parce que quand tu arrives tu es bien accueilli, on n’est pas là que pour te servir une consommation. On vient de toute l’agglo pour commencer sa soirée de week-end ici, pour manger une spécialité gastronomique de « chez soi », dans une ambiance « maquis ».
L’ambiance « maquis » (ou circuit au Cameroun, Nganda en Afrique centrale) c’est un état d’esprit. c’est un endroit ou l’on boit, mais où l’on peut demander à manger de la cuisine préparée rapidement: viandes grillées avec son accompagnement : pâte de manioc ou de banane plantain, attieke pour les Ivoiriens. Pour certains, ce sont des endroits ou l’on vient se montrer aussi, où l’on commence ses soirées le week-end. Il y a donc de la frime, de la dignité. On n’est plus l’ouvrier-fondeur, le travailleur du BTP qui travaille dur physiquement la semaine. »
RNB africain qui rythme les lieux …
Une musique qui a une place importante,
« Dans ces lieux, c’est le même RNB africain qui rythme les lieux. Cette même musique qui a amené Alain Mabankou à produire un disque « Black Bazar », qui donne la part belle à la rumba congolaise. Tous ces bistrots sont alimentés en musique par des vendeurs ambulants qui vendent les mêmes clips à tout le monde. Papa Wemba se fait rare. Kofi Olomide est détrôné par l’un de ses anciens choriste-danseur: Fally Ipupa. Fally a la palme de la meilleure diffusion. D’autres musiques peuvent venir du Nigeria : P-square notamment. Dans les maquis/ngada du Burundi, j’ai entendu cette même musique !! Et dans les maquis gérés par des Ivoirien le RNB Congolais est présent aux cotés du « Zouglou ». »
Une exposition qui mérite le déplacement tant la qualité photographique vous entraine dans l’intérieur d’un monde que l’on veut ignorer. Il ne s’agit pas d’un safari photo pour touriste en goguette. Lentement une trame s’installe, des instantanés d’une vie bien présente, message de vie autant que de désespoir. Nous découvrons ainsi des gens que l’on croise trop souvent sans les voir. Peut être vous donnera-t-elle envie d’ouvrir cette porte que l’on hésite si souvent à franchir …..
« MAQUIS les bars africains de la Guillotière » exposition présentée du 9 septembre au 26 septembre 2015 à la Coopérative du Zèbre à Lyon.
Le 18 septembre « La Coopérative prend le maquis ? » soirée rencontre sous influence musicale à partir de 19h.
Samedi 19 septembre 15h-18h: rencontre avec le photographe et visite commentée de l’exposition
Samedi 19 à partir de 19h30: « Le grand circuit: de maquis en maquis »: une déambulation libre dans les maquis de la Guillotière, pour manger, boire, découvrir des ambiances africaines. Les propositions de parcours sont disponibles auprès de la Coopérative du Zèbre, sur place .
Samedi 19 & dimanche 20, de 15 à 17h : Les patrimoine immatériels de l’immigration : balade urbaine proposée par le musée Gadagne en partenariat avec le CMTRA. Départ place Antonin Jutard (près du Carrousel). Balade conçue par Céline Franchi, médiatrice culturelle aux musées Gadagne. Réservation obligatoire auprès des musées Gadagne par téléphone du 1er lundi du mois au vendredi précédant la balade à 18h : 04 72 10 30 30.