Vingt ans déjà que cette tribu lyonnaise emmenée par Laurent Pech à la basse et Jean aka Sir Jean (celui de Meï Teï Shô) au chant, entre autres, a stoppé son aventure. Mémoire sélective. J’ai presque oublié les autres. Flash. Je revois Rafik – vu aussi du côté des Mange-Cailloux avant d’aller endosser le costume (trop grand) du BigBrôzeur des Albedo –, batteur des Crazy un temps. Sans doute Loïc (autre activiste des feu Mange-Cailloux) au sax. Les cuivres, présents, bien sûr comme dans tout bon groupe de ska qui se respecte, sax et trompette. Pour le reste, je revois du monde (jusqu’à douze… oui, ça déménage) et du bazar sur scène avec des « jump » à tour de bras, des corps moites, Jean se démenant et skankant, tu sais quand tu balances les bras et les pieds en rythme et en contretemps. Laurent et sa basse sautillant de bon cœur, les cuivres en chœurs. Chaleur. Énergie. Bordel. Si je devais retenir une soirée mémorable ? Sans doute cette affiche mortelle au festival d’Aix sur les bords du lac. Canicule et poussière, sol paillé et rude boys à gogo pour une soirée furieuse démarrée sous des auspices ska, avec les Crazy notamment, puis finie en pogos déchaînés avec Les Sheriffs et Happy Drivers !
Dix ans d’existence, 1988/1998, de concerts partagés avec toute cette scène dite alternative qui bougeait. Qui se souvient encore de leur « vrai » premier concert avec Jean, à Francheville, en janvier 1992 (le 17 ?) avec Los Pitufos et Des Mouches à merde (pardon pour l’orthographe de cet obscur groupe d’un autre siècle) ? Une telle affiche cela ne s’invente pas ! Un seul album autoproduit (Wavo en 1994), une série de compiles tombées dans l’oubli, à part, peut-être, un Let’s Skank, vol.1 sorti chez Patate Records dont j’ai un vague souvenir. Avec les Kargol’s, les Red Wings Mosquito Stings et la Ruda Salska pour ne citer qu’eux. Ou cette compile (Fantasques Hits, la première du tout jeune label Jarring Effects) avec Le Peuple de L’Herbe, déjà.
Poum-tchak poum-tchak. Ce gang des Lyonnais grandit donc à force de répets (dont celles au local de Jarring de la rue Leynaud) et de concerts (dans la malle aux souvenirs, le festival de Saintes avec le gratin de la petite scène ska française, Skaferlatine, Skarface et Verska Vis, entre autres) dans un joyeux esprit de DIY. Apprendre sur le tas à jouer de la musique, à organiser les tournées dans des lieux parfois improbables, le management. Tout ça en groupe avec les copains d’abord. Sans jamais finalement passer professionnel. Le skank pour le plaisir et pour la beauté du geste. Des compos originales, c’était leur leitmotiv, une reprise de Condense (« groupe énorme de la scène hardcore des 90’s ») à leur sauce et une autre des No Sports (leur groupe fétiche de la scène allemande, sorte de parrains d’Outre-Rhin), faire la fête sur scène, profiter de la vie, Free tout en militant. La messe est dite. Ska againts racism. For ever.
Texte Anne Huguet / Photo Caroline Vernière