Les castagnettes de Carmen # 32
Le Messie de Haendel à l’Opéra de Lyon du 13 décembre au 2 janvier
Finie la bamboche ! Les saisons précédentes, l’Opéra de Lyon privilégiait pour la fin d’année les œuvres légères, susceptibles de rallier un large public soucieux de se détendre en famille. Cela avait pu donner, les bonnes années, le délirant roi carotte d’Offenbach ou, les un peu moins bonnes, Une nuit à Venise de Johann Strauss. Cette fois-ci, place à la pieuse dévotion au bord de la crèche avec un Messie de Haendel toujours aussi grand public mais christique en diable.
Soyons honnête, ce n’est pas pour rien que cet oratorio compte parmi les plus célèbres et celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas peuvent y prendre un même plaisir. C’est le cas ici avec une direction claire mais nuancée de Stefano Montanari, qui sait ménager les contrastes entre grave recueillement et exaltation mystique. L’orchestre est soutenu dans cette tâche par des chœurs toujours aussi excellents qui, quoiqu’en partie masqués, savent faire preuve de puissance sans en rajouter inutilement. Il faut saluer, de ce point de vue, la double direction de Karine Locatelli et d’Elena Mitrevska. Et rendre bien sûr justice aux belles prestations des solistes Anna Devin, Christine Rice, Allan Clayton et Christopher Purves (lequel paraissait moins dévot lorsqu’il montrait ses fesses dans le récent Falstaff).
Père du cut-up, le librettiste Charles Jennens a composé son texte d’extraits de l’Ancien et du Nouveau Testaments, et spécialement des Évangiles. La structure de l’œuvre en reproduit en partie le cheminement (Nativité, Passion, Résurrection) mais de manière récitative — autrement dit il n’y a pas de personnages jouant une histoire sur scène et le Messie n’est pas un opéra au sens strict. Cela pose de sérieuses difficultés de mise en scène, auxquelles s’est affrontée Deborah Warner avec un inégal bonheur. Certaines idées sont excellentes, telles celles de mettre à distance l’épisode de la nativité en le faisant jouer par des enfants ou d’aborder la mort dans le cadre d’un hôpital. La chorégraphie d’inspiration hip hop de Kim Brandstrup y est pour beaucoup, dont le langage vient exprimer en action ce qui est absent ou sous-entendu par le chant — comme lors de la montée en croix. D’autres choix sont moins convaincants, et balancent entre plate redondance (images vidéo de foule lorsque le chœur entonne « nous tous, comme des moutons ») et risque du kitsch (lumignons, reproductions géantes d’œuvres religieuses, etc.).
Bref, on pourra regretter les joyeuses fantaisies que nous proposait autrefois l’Opéra de Lyon en cadeau de fin d’année mais sans pour autant bouder son réel plaisir musical. Amen.
Carmen
© Stofleth