« Si tu invitais trente personnes chez toi, des êtres que tu as aimés et que tu aimes, pour t’écouter jouer au clavecin, pendant une heure et demie, Les Variations Goldberg de Bach, et si ce concert se déroulait comme un songe d’une nuit d’été, c’est-à-dire si toi, Liliane, tu parvenais à faire vibrer ces trente personnes comme autant de Variations, chacune à un diapason différent — (il te faudrait pour cela osciller entre le souvenir et la spéculation ; il te faudrait surtout maîtriser tes peurs) — peut-être alors tous tes fragments de musique s’animeraient-ils enfin dans une même coulée, et cela s’appellerait Les Variations Goldberg, romance. »
C’est ainsi que Nancy Huston caractérise elle-même son premier roman, sa première romance, une suite narrative adaptée à la structure des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach, n’oublions pas, que ce compositeur était un grand improvisateur
Les hasards favorisent peut être les grands moments. La rencontre de Philippe Bourlois accordéoniste de talent et d’Élisabeth Gavalda comédienne, musicienne, metteuse en scène du Théâtre de la Palabre a été le détonateur d’un vieux projet de la comédienne, adapter le texte Les variations Goldberg de Nancy Huston. Un travail qu’elle a entamé il y a longtemps, nous dit-elle : « C’est d’abord ma confrontation sur des plateaux avec des musiciens, soit en tant que comédienne, soit en tant que musicienne. Depuis 1998, mes créations par l’intermédiaire du Théâtre de la Palabre tournent autour de ce nœud « Théâtre Musique » et des questionnements « Comment peuvent-ils se rencontrer ? » ; « Comment évoluent-ils ensemble ? » ; « Comment s’enrichissent-ils l’un l’autre ? » ; « Comment les écrire ? » ; » Comment les faire entendre ?« .
Un accordéon pour Les Variations.
L’habitude est de jouer les variations sur piano même si à l’origine elles ont été écrites pour être jouées sur un clavecin. Mais les interpréter à l’accordéon n’est pas impossible, au contraire, nous explique Philippe Bourlois : » Au XVIIIème siècle, la musique écrite était souvent interprétée par des instruments différents. Cela pouvait dépendre du nombre de musiciens ou d’instruments à disposition : orgue, piano forte, clavecin… Si l’accordéon avait existé, les compositeurs auraient probablement adhéré à cet instrument à vent qui permet de colporter facilement la musique polyphonique pour clavier ! »
Trente variations, trente personnages, un accordéon et une voix …
Philippe Bourlois joue dans son intégralité les variations. Une voix l’accompagne, c’est ses pensées, son public, son père, ses amantes. Elle est un étudiant, un regard qui veut éclairer cette musique, un spectateur qui n’a qu’une envie, celle de fumer une cigarette… L’apparition de cette voix est d’autant plus simple qu’à l’origine chacune des trente variations était joué en boucle, et la voix n’intervient qu’en cas de silence ou de morceau reproduit. Laissant place à un véritable concert.
Hors du commun !!
Philippe Bourlois un accordéoniste un peu hors du commun, un toucher, une sensibilité rare, qui ne manquera de vous entrainer dans une autre dimension. Amoureux de la musique de Jean Sébastien Bach depuis sa jeunesse, il reprend avec « humilité » cette partition parmi les plus célèbres du compositeur allemand. Son interprétation est magistrale. Vous l’avez peut être croisé lors d’un concert classique à l’accordéon ou lors d’un spectacle que l’on appelait autrefois spectacle de variétés. Car Philippe est « un multirécidiviste ! » qui peut interpréter une sonate de Beethoven ou de Bach comme une musique de Ferré ou de Brel (chauffe Philippe !). Passer de l’accordéon au bandonéon sur des compositions d’Astor Piazzolla. Quel que soit la composition il saura y amener un moment de vie, une sincérité qui ne peut que vous transporter dans les bas-fonds de Buenos Aires, un cabaret de Pigalle ou une église médiévale. Les rencontres avec lui sont précieuses car Philippe Bourlois joue rarement, préférant privilégier son enseignement à Saint Etienne ou au conservatoire de Paris… Quel dommage pour le public lui ai-je souvent dit. Imperturbable il me répondait : » les rencontres avec des élèves sont tellement belles« .
Son histoire vient de loin, d’abord un grand père accordéoniste de bal puis sa rencontre avec l’accordéon classique à l’école du Thor, près d’Avignon. Pour vivre il joue le week-end dans des orchestres de bal, parfois jusqu’à huit heures d’affilée. Au collège, pour vaincre son ennui, il pianote avec ses doigts, les partitions de musique qu’il aime. Un peu comme ses amis Richard Gallianno ou Marcel Azzola dont il sera un jour, surement, l’un des dignes successeurs.
C’est de la vie qu’il y a dans Philippe, de l’amour de la vie, mais d’une vie belle…
Invitation Goldberg
Interprétation :, Philippe Bourlois (Accordéon), Elisabeth Gavalda (Voix),Théâtre Espace Quarante Quatre (http://www.espace44.com/ ) du mardi 14 au 18 Janvier 2014 > 20H30 dimanche 19 JANVIER 2014 > 16H
Adaptation et Mise en scène : Elisabeth Gavalda Production : Théâtre de la Palabre
Philippe BOURLOIS – Patrimoine from Smelly Dog Films on Vimeo.