IMAGHO est le projet d’un seul homme. Installé pas très loin de Lyon, Jean-Louis Prades joue de la guitare, bidouille des boucles sonores, assemble des rythmiques ténues et surtout compose des petites pépites instrumentales et délicatement éclairées de l’intérieur par une lumière bienfaisante. Méandres est un album débordant d’un intimisme généreux et béni par la fée mélodie – non, pas cette fée un rien vulgaire qui tente vainement de nous faire entrer de force des ritournelles stupides dans la tête mais sa lointaine cousine des bois, un peu sauvageonne et fugace, celle qui aime se tenir juste à l’orée, magicienne dansant invisiblement sous les rais de lumière au travers des arbres, naviguant entre la pénombre du sous-bois et la douce chaleur d’une prairie envahie d’herbes délicatement folles.
En concert monsieur Prades joue la plupart du temps assis, entouré de ses machines et de ses pédales d’effet, une guitare entre les mains. Aucune exubérance ni aucune attitude forcée chez un musicien qui n’impose pas mais propose. Difficile cependant pour l’auditeur de refuser une musique extrêmement picturale et des compositions qui ne s’attardent jamais dans l’inutile : ici la parcimonie et la précision sont les deux maitres mots de titres qui ne dépassent que rarement les trois minutes, chose assez rare dans la musique instrumentale actuelle.
Pourtant Jean Louis Prades multiplie subtilement les éléments de langage afin d’élaborer la musique d’Imagho. Celle-ci ne saurait être uniquement taxée d’ambient ou de post rock mais elle est un peu tout ça à la fois et bien plus encore : si Great Mazinger instaure un semblant de froideur électronique, sur In Cazzo Di Nebbia on croirait entendre les premières notes de piano d’une célèbre composition d’Erik Satie tandis que 2800 Kelvin semble entièrement voué à l’apparition d’un chant qui évidemment ne viendra pas. C’est à ce moment du disque que l’on comprend définitivement que même sans mots ni chant la musique d’Imagho nous chuchote doucement à l’oreille.
Jean Louis Prades habite dans son coin, à la campagne et donc loin du fracas des villes dévoreuses d’hommes. On peut découvrir sur le site internet d’Imagho – www.imagho.fr – une belle photo représentant le musicien en train de jouer de la guitare, concentré mais détendu, assis sur un vieux canapé usé, sans doute au fond d’un jardin ou d’un pré ; derrière lui le paysage ensoleillé dévoile des collines verdoyantes. L’image parfaite de ce que peut inspirer l’écoute de Méandres, soit une sorte de tranquillité sereine mais non dénuée de fragilité voire de mélancolie. Bande-son de l’instant présent, la musique d’Imagho s’impose malgré tout dans la durée, telle la distillation de petites éternités.
Imagho semble donc échafauder en un tour de main des atmosphères simples et rayonnantes mais pourtant on découvre toujours quelques perspectives, un arrière plan, un assemblage discret de détails qui se dévoilent au fur et à mesure que l’on réécoute Méandres et que l’on goûte aux bienfaits et aux qualités d’un disque définitivement voué à la beauté pointilliste. L’ensemble de tous ces menus détails forment réellement un tout et à l’écoute du disque on a souvent cette impression que si l’un d’eux venait à manquer tout s’écroulerait ou tout du moins que l’ensemble se mettrait à inexorablement claudiquer : l’auditeur n’a jamais envie de retrancher (ou de rajouter) quoi que ce soit à une composition d’Imagho et de ce point de vue Méandres est un disque rare.
Jean Louis Prades est également un artisan du son et de l’enregistrement*. Il a enregistré et produit Méandres lui-même, tout seul comme un grand, dans son propre studio. Le résultat est d’une précision qui ne laisse rien au hasard tout en permettant largement à nos oreilles de respirer. Là aussi Imagho propose sans imposer : à l’époque du tout surproduit et du tout compressé Méandres est un disque qui – techniquement parlant – repose l’esprit, loin de tous chichis, loin de toutes afféteries sonores prétentieuses et plus que jamais au service d’une force tranquille et d’une vérité très personnelle que son auteur est bien décidé à partager… Méandres est publié en vinyle et en CD par les labels We Are Unique ! records et Alara music .
* à ce propos Jean Louis Prades enregistre également les autres et deux des groupes dont il a mis la musique en boite seront bientôt en concert ensemble : Grand Plateau et Awhat ? partageront la même affiche le samedi 22 février au Trokson , 110 montée de la Grande Côte, Lyon 1er.