Happy Mondays

« Le lundi au soleil, c’est une chose qu’on aura jamais… »
Je ne sais si tous les chanteurs populaires sont prophètes en leur pays ; je suis en revanche persuadé que la météo et l’histoire ont tendance à bégayer simultanément depuis des lustres. Et sans que la théorie des climats ait quelque influence que ce soit sur le moral des troupes. Et des électeurs…

Il fait ainsi encore un peu plus gris ce matin, mais pas question jouer aux « vierges effarouchées », d’autant que l’on ne pourra pas dire que l’on n’était pas prévenus. On ne dira non plus que les abstentionnistes ont gagné, puisque dans tout système politique (et quel que soit l’échelon : municipal, national et européen), ce ne sont certainement pas leurs idées qui vont gouverner aux destinées des peuples.

Alors « Élections, piège à cons  » ? C’est quelque part tentant de vous ressortir ce vieil adage anarcho-soixante-huitard, mais à la fois, est-ce en restant systématiquement en dehors ou contre le système, que l’on parvient à le changer ? Concernant « en dehors » : encore faut-il avoir envie d’aller se retrancher dans un hameau perdu entre Saint-Affrique et Katmandou. Quant à « contre » : encore faut-il avoir quelques arguments et propositions – même radicales – pour faire chanceler le cour des choses.

Oui mais… il y a aussi toutes celles et ceux qui n’en n’ont sincèrement plus rien à cirer. Je ne crois pas que les gens en aient vraiment rien à foutre. Je pense plutôt qu’ils démissionnent quand ils voient les hommes politiques eux-mêmes démissionner depuis trop longtemps, face à des logiques économiques soi-disant irréversibles. Face à des logiques de partis qui singent parfois la façon de faire de la mafia. Et face à la logique des agences de communication (voire de presse) qui ont banni la vérité et le courage politique de leur vocabulaire. « Je ne sais rien mais je vous dirais tout ».

Concernant l’Europe, il faut également se rappeler qu’en 2005, les électeurs avaient dit « non » à la constitution européenne par référendum ; un « non » qui pointait déjà du doigt l’Europe des traités de Maastricht et de Schengen, l’Europe technocratique, lointaine et néolibérale. L’Europe plus encline à soutenir les banques et les marchés financiers, que nombre de ses concitoyens se retrouvant sur la paille. L’Europe surtout non comprise, parce que non expliquée. Un « non » refourgué ensuite aux oubliettes de l’histoire comme si il ne s’était rien passé. Un tour de passe-passe resté en travers de la gorge de beaucoup d’électeurs, qui auront ultérieurement beaucoup de mal à retourner aux urnes sans avoir l’impression que cela ne sert jamais à rien.

Concernant l’extrême droite, la moindre des choses est de constater que le phénomène ne date pas d’hier. Ce n’est donc pas depuis hier que bon nombre de français sont des abrutis et/ou des fafs. Et malheureusement non, ce n’est pas toujours un pléonasme. Il y en a, c’est certain, mais ce serait se voiler la face que de réduire le vote aux Européennes à cette soi-disant vague brune ou populiste, et de réduire l’électorat FN aux abrutis extrémistes susnommés. Il faudra également ensuite éviter de nous refourguer du « plus jamais ça », qui ne sert en définitive qu’à donner bonne conscience à ceux qui l’ont mauvaise.

Il y a de fait une vraie tradition d’extrême droite dans ce pays depuis des générations (depuis l’affaire Dreyfus jusqu’à Le Pen, en passant par les ligues des années 1920-30, l’OAS, Occident etc.), et comme disait un autre chanteur populaire : entre 1939 et 45, « il n’y avait pas beaucoup de Jean Moulin ». Dont acte.

Il y a un vrai désaveu de la « classe » politique au pouvoir depuis trente ans. Une caste de plus en plus élitiste, putassière, affairiste, a priori loin des préoccupations des gens et surtout encline à préserver son pouvoir. Ils sont ainsi légion, maires, députés et autres « représentants du peuple », à considérer leur zone électorale comme une chasse gardée. Un royaume où les voix un tantinet dissidentes et/ou différentes doivent être éradiquées. Un bâton de berger qui se transmet de père en fils, qu’il soit biologique ou spirituel. Une entreprise de cooptation généralisée à tous les niveaux de pouvoir, qui fournit forcément quelques bons arguments à la frange populiste de la caste.

De la plus petite commune jusqu’au sommet de l’état, voire de l’Europe, c’est ainsi tout le mode d’exercice et de contrôle du pouvoir qu’il faut aujourd’hui corriger. Et puis bien sûr, totalement changer de cap en matière de communication politique, sachant que les agences de pub ont finalement gagné leur pari : vendre de la même façon de la lessive et un candidat à l’élection présidentielle. Entendu que ce qui se vend aujourd’hui, c’est bien la haine de l’autre et certainement pas des solutions aux problèmes d’emploi et de pauvreté.

Alors maintenant, qu’est-ce que l’on fait ? On attend patiemment la prochaine révolution « nationale et populiste »  ? On s’en branle et on laisse faire ces élites politiques foncièrement déboussolées et qui ne songent qu’à perpétuer leur pouvoir régalien ? Ou bien on se dit qu’il y a finalement des tètes à couper ?! Et de vraies alternatives à finaliser, autant d’un point de vue économique que politique ? Autant en Europe qu’au coin de la rue, en face de chez moi. En face de chez vous ?

À bon entendeur…

 

Laurent Z