« Dimanche, 18 heures, c’est déjà lundi / les dernières lueurs / tombent dans la nuit / dans ton cœur / il y a de la mélancolie / sur la route du fort / il y a la pluie »
Pas d’états d’âme de génération, ni de malaises garantis d’époque, et pourtant chanteur d’un imaginaire qui nous manque. Rien de gris malgré les apparences, une vie qui s’écoule, près de nous mais que l’on ne veut pas voir. À son écoute, on rentre dans son « atmo » avec l’envie d’y rester, vivre cette histoire en feedback. S’enfermer au sens interdit ! Ce qui est étrange , c’est qu’on aime passer sa musique en boucle. Et chaque fois on est dans un monde différent. Magique !
Musique d’atmosphère , compositions réduites à l’épure où se mêlent basse et percussions, l’ écho en riff saturé d’une guitare et les sons d’un clavier Bontempi … Voix élégante, douce, qui séduit, et nous retient.
Même si on s’entend pour dire que l’objet est soigné, il faudrait peut-être arrêter de le traiter de minimaliste, car autant dans l’écriture que dans la musique, se mêle un patient travail d’horloger ou de magnétiseur des corps et des sens, créatif mais aussi poète musical.
Depuis la sortie de son premier album solo en octobre 2012, l cela bouge pour Denis Rivet, sélectionné au printemps de Bourges, les concerts se sont enchainés, le dernier les Trois Baudets à Paris. Il sera mardi au Marché Gare. Un moment pour faire le point et puis peut être mieux le décrypter, comprendre cette indéfinissable façon d’écrire.
Un interview c’est souvent une rencontre, même si cela se réduit à un interview sonore ou vidéo, difficile dans passer par là , avec Denis qui « résonne » comme un homme de texte.
Cette rencontre se fait à la Coopérative du Zèbre, on touille une dernière fois sa tasse de café et c’est parti, magnéto !
DR : Ce n’est pas un ennui, c’est un ressenti d’un moment qu’on identifie tous plus ou moins, c’est la fin du week-end. On sait que c’est la fin du week-end parce que le lundi va arriver, t’as raison là dessus. Que le dimanche soit bon ou pas on sent bien que c’est déjà la fin. Mais cette chanson ne parle pas que de ça, elle parle d’un front de mer, d’une rue sur le port, et à la fin il y a une ouverture sur la ville, il n’y a pas que le côté mélancolique, je ne trouve pas.
FdZ : Pas plus de 50 mots, comme beaucoup de tes textes !!
DR : C’est vrai que je ne suis pas trop bavard, dans les paroles, j’aime bien y aller par petite touche, avancer par impression, poser une atmosphère, je n’aime pas fermer la porte de l’imaginaire aux gens. Je n’ai pas envie de dire que cette voiture là, roulait à cette vitesse dans cette rue là. En tant qu’auditeur, ou spectateur au cinéma, je n’aime vraiment pas ça. Je n’aime pas qu’on me ferme la porte de l’imaginaire en me mettant trop de concret, de détail… Je fais un peu mes chansons comme j’ai envie de les entendre et que j’aimerais entendre.
Ce que j’aime c’est quand une chanson vient nous apporter une émotion, une impression, un ressenti, mais qu’il n’y ait pas trop de concret dedans. Après c’est personnel. Ce qui veut dire que parfois c’est très rapide, il est toujours plus difficile de ne pas en mettre beaucoup, que de trop en mettre. Il y a aussi un rapport au mots, puisque ces mots sont chantés, donc il faut que ça rime, il faut que ce soit beau en bouche.
Il y a des mots qui ne sonnent pas. Moi je n’arriverais jamais à les faire sonner en tout cas pour le moment je n’y arrive pas. Là je suis entrain d’écrire le prochain album, et je m’aperçois que j’ai envie d’aller vers une écriture assez épurée. Je n’ai pas de grand texte, peut-être que ça viendra, mais pour le moment ça ne m’intéresse pas.
FdZ : Peut être que parfois on te sent un peu loin de ce monde de l’immédiat, Et les mots au vitriol j’ai pas l’impression que c’ est ta tasse de thé, heureusement d’ailleurs.
DR : Je ne me sens pas du tout loin de la réalité, je ne me sens pas en retrait dans le vie. Après je pense que je ne sais pas faire des chansons du quotidien. Autant je suis quelqu’un qui est vraiment dans la vie, j’ai un travail etc… Je suis actif, le quotidien je me le coltine bien et pour moi la musique c’est une voie de sortie, un espace de dégagement. C’est à dire que quand je me mets à faire de la musique je me dégage de tous ça. Ça m’intéresse de faire des chansons qui ne sont pas encrées dans la réalité, qui ne sont pas notre quotidien. Écrire une chanson engagé sur n’importe quel thème dans le monde je ne sais pas le faire. Ce serait maladroit. Puis mon rapport avec la musique c’est vraiment intime, très personnel, introspectif, et ça me permet de me dégager de la réalité quotidienne. Quand je me met à faire de la musique je suis centré sur moi, mais ça ne veut pas dire que je parle que de moi dans mes morceaux.
FdZ : Un créateur Suisse, très connu il y a une dizaine d’année Jean Bart, aujourd’hui metteur en scène et dont je te sens assez proche. Explique qu’il travaille dans son abri anti atomique (toutes les maisons suisses ont un abri antiatomique, c’est la loi !! ndlr), dans un isolement complet. Peux-tu nous parler de ta façon de travailler ?
DR : Je travaille en deux temps, il y a un moment où je note une impression, je suis dans un bistrot, j’attends dans la rue, il y a une personne qui s’installe je prends mon Dictaphone et puis je note deux trois mots comme ça, je dis ce qui me vient. Avec un air, une mélodie, en me disant ça va le faire, c’est un peu la matière première, mais après il va falloir la façonner, la travailler cette matière là. Et il va surtout falloir décider, si il y a matière à travailler, pour de vrai ou pas.
Souvent je réécoute toute mes prises de mon dictaphone, et je me dis : « çela, ça a l’air pas mal, là il y a un angle. Il n’y a pas de chanson sans angle d’attaque, sans angle de vue, comme un photographe. Et parfois une phrase ça ne suffit pas alors il faut travailler, et décider quelle sera le thème de la chanson, quel angle elle choisit de prendre, et donc tous ce qu’on décide de laisser de côté. C’est le plus gros du travail, je suis assis et je travaille la chanson, après il faut travailler la structure de la chanson, comment elle va démarrer, la longueur de l’intro, si il y en a une ou pas, si il y a deux couplets, avec un refrain ou si j’enchaine tout de suite avec un refrain, après le premier couplet. Je décide de poser « l’architecture » du morceau, souvent avec guitare/chant.
Ensuite je laisse posé et j’ai vraiment besoin de réécouter, et si ce n’est pas bon je modifie, c’est assez laborieux, ce sont des allés/retours. je l’envoie aux musiciens, pour qu’ils aient le temps de l’écouter, je leurs envois les paroles quand la structure est posée. Et quand nous sommes en répétition chacun met un peu de sa couleur. Donc c’est vraiment en deux temps. C’est aussi un travail collectif au niveau de l’arrangement. Ils sont remplis de propositions et moi j’ai les oreilles ouvertes à tout pour être sûre qu’ils puissent apporter leurs pattes et que ce soit une valeur ajoutée au morceau.
Ping- pong – Pong-ping : Qu’est-ce que tu écoutes actuellement ? « Badix« , Alex Beaupin, Bertrand Belin, Amanda Simon… Livres ? Mon auteur de référence c’est Camus, dans sa façon de décrire les paysages, une ambiance d’été. Sa façon d’écrire est très musicale je trouve, ces phrases assez courtes, qui donnent tout de suite des images assez fortes, en peu de mots. Ça m’a forcément imprégné. Il y en a d’autre, Ferré, je dois avoir l’intégrale. J’ai découvert Ferré le jour de sa mort. Une amie s’est mise à pleurer. Elle me l’a fait découvrir, on avait 18 balais, en 93, on passait le bac. Elle m’avait fait des cassettes, et quand je l’ai découvert ça a été une claque monumentale. »
Clic : interview terminé, le dictaphone s’est bloqué, surcharge pondérale, je branche mon casque buzz, et c’est reparti pour un tour avant mardi prochain.
Hé les petits loups écouter et envoyez moi vos commentaires sur facederat !
Mardi 22 octobre 2013 – 20h30 Festival « Just Rock ? » / Marché Gare / 69002 Lyon
Mardi 26 novembre 2013 – 20h / Château-Rouge / Annemasse (74)
Vendredi 13 et samedi 14 décembre 2013 – 20h30 Salle Léo Ferré – MJC du Vieux-Lyon / 69005 Lyon