Bientôt 30 ans de voyages, d’aventures… Ugo Ugolini nous racontait « C’était en 1984, sous Mitterrand : Jack Lang avait créé la Fête de la musique et proposait d’étendre cette journée à tous les arts. On doit être les seuls à l’avoir pris au mot et depuis on fête le théâtre chaque jour en allant chercher un autre public. On vit depuis toutes ces années sans subvention et sans toutes les techniques de communication actuelles. Je ne suis jamais allé dans les bureaux de la mairie pour réclamer quoi que ce soit« .
Ce sont des centaines de personnes qu’ils ont rencontrées, dans leurs ateliers, dans les différentes formes d’animations qu’ils ont menées dans les villages, dans les écoles, dans leur quartier. Des enfants autistes qui ont trouvé une forme d’expression et de reconnaissance dans les ateliers de Gigi. Des milliers de spectateurs qu’ils ont interpellés dans les salles ou le plus souvent dans la rue été comme hiver…
» C’est magique, » conclut Ugo le magicien ès orgue de barbarie qui à 14 ans était apprenti en restauration, d’où il gardera la passion de la cuisine mais aussi la notion de dureté de travail dans un milieu pas toujours fréquenté par les « poètes ».
Oubliant de parler de ses vagabondages européens, très apprécié en dehors de l’hexagone, la compagnie est très régulièrement invitée à de nombreux festivals, jouant parfois devant 10000 spectateurs …
Des indépendants, des actifs, de belles personnes comme on dit.
Un matin de mai sur le boulevard de la Croix Rousse : ils sont tous là les grincheux, les biturés de la veille qui ont mal à la rondelle, les rockeurs, slameurs, rappeurs d’une autre platine. Enfin tous ces gens du marché que l’on aime, les bobos, les boubous, les bibis et les chalands. L’orgue démarre, ils s’arrêtent, hésitent étonnés, le cercle se forme. Les sourires s’esquissent, le voile de la timidité s’estompe, la « banane » arrive ! « C’est notre plus beau cadeau, qu’est-ce que tu veux qu’on parte en vacances… pour moi c’est pas du boulot ! » Ugo rayonne ! Tous les malheurs, le temps d’une chanson ont disparu ! Les grincheux au placard ! Vive la Vie ! Ici, il se passe quelque chose d’inattendu et vous êtes attendu. La piste est ouverte, une piste où l’on s’enivre au présent. Trois minutes de vie, de partage, et d’amour… c’est toujours ça de pris ! Donner du bonheur… c’est leur métier.
Les interprètes ? Ils sont trois : Gigi Debarbat, dévoreuse de chansons qui vous aère le coeur de son geste juste et vous arrose les tripes de son verbe musical. Valérie Niquet, grande gazelle entre Betty Boop et la mère Michèle qui aurait noyé son chat, caractère trempé à la tendresse et au burlesque. Ugo Ugolini, les bacchantes affirmatives, singulier et désopilant chef d’orchestre de son instrument « barbaresque », acteur de cinéma (chevauchant une magnifique jument (oups !)), metteur en scène engagé et révolté.
Le répertoire ? La poésie à fleur de peau de Léo Ferré, la tragi-tendresse de Bourvil, la satanée présence de Brel, le groove-blues musical de Nougaro, la funk de Nino Ferrer, Piaf, Aznavour d’autres aussi … juste pour le plaisir ! L’alchimie de l’ Ugorganiste et des deux complices fait son effet et nous sommes du voyage…
À Villiers-Le-Bel, une banlieue près de Paris, Ugo se souvient d’une discussion après le spectacle entre un groupe d’adolescents. Alors qu’un garçon reprochait à la compagnie de ne pas être constituée de stars, une des filles présentes lui rétorque : « mais tu n’as rien compris, U.Gomina ce sont des stars du dehors« . « Comme quoi, » constate Ugo, « quand on donne du beau, du vrai et du réel, on a de véritables échanges. »
Ugo avait écrit en 1984 dans son manifeste de création de la compagnie : « il s’agit de retrouver une véritable création individuelle, mais avec l’autre. Il faut faire halte à l’immobilisme par la revendication. Il s’agit de remettre en cause l’individualisme de reconnaissance des artistes« . À U.Gomina, rien n’a changé, cette volonté est toujours là, toujours aussi vivante, toujours aussi contestataire et libertaire.
Avec plus ou moins de difficultés, la crise touche aujourd’hui tout le monde. Pour eux ce sont moins d’ateliers, moins de spectacles (restriction des budgets culture !), mais ça ne les empêche pas de garder le moral et d’être actifs. Ces incorrigibles optimistes nous dynamisent toujours. Ces gens là aiment la vie et vous le font sentir avec sincérité et talent : de la dynamite cette compagnie U Gomina.
Aller 30 ans c’est rien, à bientôt dans vingt ans on ira boire Ugo, Gigi, Val, un verre de Grès Saint Paul sous la coupole …
Bises les amours et belle bal(l)ade ……
LA BA(L)LADE DES 30 ANS ! Strada Vocce, L’Opéra des Rues (avec Gigi Debarbat / Ugo Ugolini / Valérie Niquet)