Bring The NoiZe #13

[Bring The NoiZe : une rubrique discophile récurrente mais à périodicité totalement aléatoire ; on y parle de disques plus ou moins obscurs (mais pas toujours) et publiés pour la plupart par des micro labels tenus par des passionnés enthousiastes et dévoués (mais pas seulement) ; alors autant dire que la seule règle de conduite suivie ici est celle de la subjectivité voire de la mauvaise foi… ce qui signifie également que la meilleure façon de découvrir des musiques, des groupes et leurs disques, c’est d’aller les écouter et de se faire une opinion par soi-même]

Aujourd’hui la thématique sera : le passé c’est mieux maintenant.

Les Tigres Du Futur_Collection Illusions Sonores vol 2_LPAh ouais. L’autre jour, j’ai vu ce groupe en concert, ça s’appelait Les Tigres Du Futur, et je me suis dit : qu’est ce qui peut bien pousser ces mecs là à jouer un tel truc ? Quelque chose d’aussi « daté » ? L’amour de la musique et de la déconnade, assurément. Et eux, il me semble qu’ils pourraient avoir cette réponse vraiment toute simple : « on joue une musique garage, psyché, sexuellement explicite mais qui surtout colle à un genre de cinéma que nous aimons, le cinéma bis et parodique, comme les films de vampires avec des aliens priapiques dedans, le tout sur fond de décors en carton, bref on fait de la musique illustrative pour illusionnistes dans les étoiles et ça nous éclate ». Voilà. Avec des noms de morceaux tels que Le Gang Des Mutants, Les chiennes Du Maharaja ou L’Énergie Cosmique Du Sexe, je crois que tout est dit et que Les Tigres Du Futur – en gros : Baby Cart vs Supervixen  à la recherche de la Toison d’Or Intergalactique – éprouvent aucune gêne à étaler en toute ingénuité sur nos tympans abasourdis des lignes mélodiques irrésistibles et matinées d’effets psychotropes, boostées par des rythmiques tour à tour endiablées ou stratosphériques. Un vrai trip ponctué de samples tirés de films (en concert le groupe joue devant un écran) et évoquant Lucifer ou l’art de faire des lavages de cerveau à des jeunes filles dénudées en leur faisant écouter de la musique érotogène. Et c’est que ces salauds là savent jouer en plus, leurs deux albums Collection Illusions Sonores vol 1 et Collection Illusions Sonores vol 2 sont de vrais petits moments de bonheur.

 

The Missing Souls_self titled_LPEux ont l’air beaucoup plus sérieux. The Missing Souls c’est une fille et trois garçons (de Lyon) ou deux jeunes gens et deux moins jeunes (comme on veut) et ils ont publié leur premier album sans titre chez Dangerhouse Skylab (oui le label du mec qui tient un magasin de disques rue Thimonnier à Lyon depuis 27 ans mais non je ne fais pas de la pub sans en avoir l’air). Ils ont l’air beaucoup plus sérieux, donc, mais cela fonctionne quand même. Ici aucun second degré, aucune pastichade, aucune poilade en perspective mais un art étudié pour jouer une musique que je pourrais qualifier de garage pop 60’s à gros beat. Et c’est extrêmement bien foutu, l’album est gavé de tubes scintillants et frétillants – normal… on me souffle à l’oreille qu’en fait il ne s’agirait que de reprises. Les deux chants plutôt aigus, c’est soit le guitariste soit la bassiste qui s’y colle, sont parfaits question ritournelles décervelées et, même si parfois je regrette le côté un peu trop entêté de tout ça, je veux dire le côté un peu trop « à la manière de », et donc le manque de recul, je ne peux pas m’empêcher de penser que The Missing Souls révèle en moi des sentiments tout printaniers de joie de vivre et des envies irrépressibles de galipettes au milieu des pâquerettes. Et puis en plus ces paroles qui ne parlent que de cul d’amour, ça fait rêver, non ?

 

Rank_Plan Your Downfall_LPEncore des lyonnais : Rank. Un groupe dont je n’ai jamais été réellement très fan mais dont je ne peux que saluer poliment le deuxième album, intitulé Plan Your Downfall. Ici ça cause de post punk et de new-wave, on est cette fois-ci en plein dans les années 80 (toute mon adolescence, ahem…), côté british dépressif et petit cœur bleu branché en continu sur le système de refroidissement du congélateur de papa et maman. Mais en fait, ce qui me convient le plus dans ce disque, c’est lorsque Rank s’énerve davantage, un titre comme Wax par exemple me fait regretter que Rank préfère trop souvent la mélancolie, la grisaille et le papier peint à fleurs défraichi (je rappelle à toute fin utile que « Rank » est le nom d’un album live des Smiths) aux frétillances tordues d’un vrai post punk malsain et viscéral. Vous me trouvez un peu dur ? Bah c’est juste que voilà exactement le genre de musique, à la fin du collège et au début du lycée, sur laquelle j’ai tenté en vain de rouler mes premières pelles à des filles qui se foutaient de mon gros cul et de mes airs naïvement vicelards  – désolé mais pour rien au monde je voudrais revenir à l’âge de mes quatorze/quinze ans. Et pourtant… je trouverais presque à Talking Dead, dernier et très long titre de l’album, quelque chose qui n’appartient qu’à lui.

 

Michel Anoia_Plethora_LPEt maintenant passons aux choses sérieuses. Parce que si j’ai déjà écrit toutes ces saloperies sur des groupes que de toute façon les convertis aiment déjà et dont les autres n’auront sûrement pas grand-chose à foutre c’est uniquement pour en arriver à eux : mes chouchous lyonnais (encore une fois) de Michel Anoia. Quatre jeunes gens qui sur leur album Plethora balancent de façon totalement décontractée mais fougueuse un death metal joyeusement foutraque et très inventif. Le mix du disque est pour le moins bizarre et parfois bancal mais il possède cette qualité inestimable de sortir de tous les poncifs inhérents au metal extrême actuel et surtout de mettre en valeur toute l’étrangeté d’un groupe qui possède une esthétique bien a lui. OK, je consens que le chanteur (venu du groupe Haut & Court) est un beugleur patenté, je vais même vous dévoiler – horreur suprême – que le guitariste joue sur une sept cordes, le bassiste sur une cinq cordes et que le batteur mouline de la double pédale mais je n’en démords pas : Michel Anoia renvoie dans leurs chaumières cloutées tous les aspirants métallurgistes qui jouent comme des brutes des musiques stéroïdées et à gros sons dégeulassement propres. Et puis je tiens à saluer également l’artwork de la pochette (signé Boitaju) qui détourne naïvement l’imagerie metal et surtout les illustrations de l’insert imaginées par Lia Vé, voilà qui également nous change un peu.

Hazam.