[Bring The NoiZe : une rubrique discophile récurrente mais à périodicité totalement aléatoire ; on y parle de disques plus ou moins obscurs (mais pas toujours) et publiés pour la plupart par des micro labels tenus par des passionnés enthousiastes et dévoués (mais pas seulement) ; alors autant dire que la seule règle de conduite suivie ici est celle de la subjectivité voire de la mauvaise foi… ce qui signifie également que la meilleure façon de découvrir des musiques, des groupes et leurs disques, c’est d’aller les écouter et de se faire une opinion par soi-même]
Plus précisément, allons du côté d’Angoulême avec Tomorrow Is The Morrow dont ce Enjoy The Feast est le premier enregistrement, bénéficiant qui plus est d’une sortie en vinyle grâce aux efforts conjugués des labels Furne records, Kerviniou, Not A Pub et Théâtre records. On retrouve dans ce nouveau power-trio Philippe Lafaye (un ancien Café Flesh et actuel Mexican Purple Wine) à la basse et au chant, Quentin Deligne (membre de Mr Protector) à la guitare et, enfin, Charly Kayo (un ancien Bushmen (!) jouant désormais dans Stereozor) à la batterie. Une bande de copains pour tout dire mais surtout un line-up plus que prometteur. Et c’est vrai que ça saigne, une véritable boucherie, même. Porté par une rythmique basse/batterie qui ne laisse absolument rien au hasard aussi bien question puissance que question groove de pachydermes en rut, le noise-rock de Tomorrow Is The Morrow est aussi lourd que gras sans jamais perdre de vue cet élan furieux et cette rage typique des années 90, lorsque les groupes signés par AmRep ou Touch & Go dominaient le monde moderne déjà en voie d’extinction – oui, je parle encore une fois de mon péché mignon. Le guitariste se permet au passage quelques tricotages un peu dégueux qui me font bien rire (encore un fan de hard rock consanguin) mais cela ne nuit nullement à la musique du groupe – le kitsch c’est chic – tant la hargne dégagée par Tomorrow Is The Morrow est aussi omniprésente que brutale. En plus la pochette dans le genre collage débile est absolument parfaite et elle est signée Tom Bodlin, ancien collègue du bassiste au sein de feu Café Flesh. Une bonne équipe de gagnants, pour tout dire.
Eux ce sont des vétérans. Et pas des moindres. En publiant tranquillement un disque tous les huit ans, Basement (originaire de Libourne) aime prendre son temps – d’ailleurs je ne fais pas beaucoup mieux avec cette chronique à retardement puisque Counterclockwise est officiellement sorti dans les bacs il y a plus d’une année. Les quatre titres de ce nouvel EP nous permettent donc de retrouver intacte toute la grâce princière d’un groupe redevenu trio, sa formule de départ il y a presque vingt années, à l’époque de ses deux premiers disques. Et le temps ne semble pas avoir de prise sur ces toujours jeunes gens – Chris à la guitare et au chant, Sabine à la basse et David à la batterie – qui n’ont rien perdu de leur savoir-faire dès qu’il s’agit d’allier noise-rock félin et racé avec élégance électrisante. Bon, il est vrai que j’aurais largement préféré que Counterclockwise comporte plus que ces quatre titres, surtout que question mise en valeur Serge Morattel a comme à son habitude effectué un enregistrement impeccable dans son studio genevois… Tant pis. Basement reste pour ses trois membres un plaisir de fins gourmets et on les remercie bien fort d’avoir malgré tout voulu nous le faire partager une nouvelle fois. C’est déjà ça et on peut également remercier les labels Some Produkt, Day Off et After Before d’avoir rendu possible la publication de ce disque.
Ils ont tourné ensemble et donc ont sorti conjointement (chez Kythibong) un joli 7’. Seuls les noms de Pneu et de Room 204 apparaissent en relief sur la pochette toute grise d’un disque qui résume en quelque sorte la scène math rock locale. Les tourangeaux de Pneu se fendent d’un seul titre intitulé Crisse De Flingue et qui joue davantage sur le côté dissonant de la musique du duo que sur son aspect ultra frénétique habituel : Crisse De Flingue évolue au final vers un mid-tempo chaloupé qui n’a pourtant rien de frustrant et confirme, à l’image du parfois controversé – je me demande encore et toujours pourquoi – dernier album en date du groupe, que Pneu n’est pas que cette machine épileptique pour faire transpirer la jeunesse entassée dans des hangars poussiéreux. De l’autre côté du disque, Room 204, devenu trio depuis l’adjonction d’un deuxième guitariste sur son excellent album Maximum Végétation paru en 2014, joue la carte du format très court (une minute et à peine quelques brouettes par compo) et confirme en trois titres incandescents que le groupe a bien retrouvé une seconde jeunesse. Les délires faussement hard-rock se succèdent avec bonheur sur Sam Colt puis sur Crosse De Gâchette et enfin avec Smith & Wesson & Smith – oui, il y a comme une thématique dans tous ces titres… – qui reste le plus furieux des trois. Un beau duel au soleil, en quelque sorte.
Ils ne font pas vraiment beaucoup parler d’eux et pourtant leur premier CD autoproduit (quatre titres) et intitulé Machefer vaut que l’on s’y arrête un peu : les lyonnais d’Awhat ? sont définitivement en dehors des modes actuelles tellement fatigantes – pas de soupe californienne ni de détritus synthétiques à l’horizon – et brassent assez largement dans les musiques issues des années 80 (un peu) et 90 (surtout). Sans être très originales les compositions du groupe sont donc nettes et précises, austères sans être froides, directes et mélodiques, portées par trois chanteurs différents et gavées de samples et autres bidouilles fincièrement imaginatives – J-M Berthier, ex-Bästard, est aux commandes des machines. Si le mot « rock », dans le sens le plus basique du terme, signifie encore quelque chose en ce bas monde, c’est du côté d’un groupe comme Awhat ? qu’il faut laisser trainer ses oreilles, ces quatre musiciens se montrant convaincants pour nous rappeler qu’il ne suffit pas de faire n’importe quoi n’importe comment pour avoir l’air d’un musicien rebelle sponsorisé par papa-maman et que, donc, seule la musique compte. A noter une nouvelle fois l’excellent travail de monsieur J-L Prades (alias Imagho) qui a su subtilement enregistrer ce disque et mettre en avant toutes les qualités naissantes d’un groupe dont on attend qu’il aille encore plus de l’avant.
Hazam.