« Mais qu’il est difficile d’être simple » (Vincent Van G.)
Alors que l’automne nous rappelle dangereusement à ses bons souvenirs, voici qu’en parallèle à la Biennale d’Art Contemporain, une manifestation singulière a particulièrement retenu notre attention : la 5e Biennale internationale d’art Hors les Normes (BHN) se tiendra effectivement à Lyon du 27 septembre au 6 octobre, éclatée en 27 lieux certes hétéroclites, mais dont le choix est tout sauf anodin.
L’Art Hors Normes…
Pour le Zèbre que je suis, c’est déjà bien sûr tout un programme en soi, chargé d’intentions. Sachant pour attaquer les hostilités, que les quatre premières éditions de cette Biennale avaient investi la piscine du Rhône d’une façon on ne peut plus inattendue, comme un gentil pied de nez aux mondanités post-estivales. De l’Art du contre-pied. D’où l’envie d’aller rencontrer Loren, artiste peintre à l’origine de la BHN (avec Guy Dallevet et Jean Rieux), dans sa tanière de la galerie La Rage, sis au 33 rue Pasteur. Forcément. Et d’apprécier ainsi en schématisant un peu, comment tout a débuté…
« Au départ était l’art brut…Quand certains artistes iconoclastes tels Picasso sont aller chercher la quintessence de l’art chez les « primitifs » ; d’autres comme les surréalistes et/ou Dubuffet sont aller la chercher dans les asiles psychiatriques. Ce dernier a ensuite écrit un « dogme » pour qualifier et encadrer cet art brut. Tellement encadré que certains artistes se sont retrouvés ensuite un peu dans le vide, hors cadre, et finalement « hors normes », ainsi qu’ils furent alors dénommés par le même Dubuffet et Alain Bourbonnais à la fin des années ’70. Bourbonnais qui constitua une des plus belles collections d’art hors les normes dans ce qu’il appelait sa « Fabuloserie »… J’ai moi-même découvert ce monde de l’art hors normes et simplement pensé à un moment avec quelques amis qu’il manquait de visibilité ; ainsi avons-nous décidé de créer cette biennale, au départ de la façon la plus roots qui soit ! ».
Quatre éditions plus loin, la BHN qui réunit systématiquement les artistes exposés, a connu un vrai succès populaire…
« Peut-être parce qu’il s’agit d’un art facile à comprendre, résolument populaire et que les artistes jouent in situ les médiateurs avec le public. Sachant également que nous avons pris l’appellation BHN pour échapper à tous les « Ayatollahs » qui conçoivent des normes et autres références obligées, même dans le cas de l’art hors les normes… ».
On comprend que le pari n’était pas gagné d’avance. Dès lors que les sempiternels et autoproclamés « experts » décident qu’il faudrait respecter des normes strictes pour faire du hors normes (…). Big bang et c’est un peu toute l’histoire culturelle de l’humanité qui est ici résumée. De là à ce que certains (w)artistes extralucides en viennent à se faire tatouer des codes barres…
Ainsi les organisateurs de la BHN se jouent des carcans et des étiquetages ; ce qui ne les empêchent pas d’avoir une vraie exigence en matière de sélection et de profiter sciemment de la tenue de la Biennale d’Art Contemporain pour précisément présenter une vitrine d’excellence d’artistes hors normes (on y revient). Et surtout pas n’importe où puisque la BHN vous proposera de naviguer de Mjc en médiathèques, de galeries en universités, et de musées en centre sociaux, jusqu’au 6e Continent.
Pique-nique partagé chaque jour avec les artistes et le public, gratuité de toutes les expositions, incroyable profondeur, beauté subjective et singularité des œuvres présentées (procurez-vous d’urgence le catalogue !) ; les ingrédients de la BHN nous causent définitivement dans le poste quant à l’état d’esprit. Certains artistes présentés vivent dans la rue, d’autres sont « handicapés », d’autres encore passent à tout le moins pour des « décalés »… So what ? Force est surtout de constater à travers leurs œuvres, qu’ils brandissent fièrement un regard différent sur le vivre ensemble. Et lorsque l’on découvre Le Palais Idéal du Facteur Cheval sur la dernière de couverture du catalogue, on en vient à se demander si ce n’est quelque part « l’objectif à atteindre » ?!
« Nous avions déjà par le passé construit une « Anarchitecture » avec les habitants du quartier ; chacun amenant un objet de son propre logis pour donner vie à l’édifice… Et si l’on parle justement de lieu de vie utopique et idéal… J’aimerai effectivement à terme m’occuper d’un projet autour de ce concept « .
Mais pour Loren, c’est déjà demain. Avec toujours en tète, l’envie de générer inlassablement des « œuvres rencontres« .
Chaviré par cet échange, advienne cependant pour moi l’heure de mettre les voiles, non sans boire un dernier verre et profiter de l’instant pour zieuter ses magnifiques toiles, dont l’homme ne m’aura somme toute rien dit. En toute humilité. Je ne sais finalement quelle est cette Rage qui l’habite, mais j’ose simplement espérer qu’en l’espèce, il n’y aura aucun vaccin.
Biennale de l’art Hors Normes (BHN), du 25 septembre au 10 octobre http://horslesnormeslyon.over-blog.com