Je vais vous donner un lien, un lien qui vous conduira jusqu’à l’univers journalistique de Sarah Haïdar. La restriction est importante, car Melle Haïdar est journaliste mais pas que… Je vais donc vous permettre d’accéder à ses chroniques intelligentes, grinçantes, ironiques, hargneuses (ce qui est parfois une qualité), désespérées … mais révélant toujours une vérité, levant une partie du voile, du linceul qui recouvrent pudiquement quelques réalités algériennes. Dans une liberté de ton et d’écriture unique dans le paysage algérien.
Je pourrais, avant de vous donner ce lien, exprimer mon avis sur la presse –francophone- algérienne, que j’ai fréquentée assidûment trois années durant… Préférant vous laisser vous forger un avis (tant sur le fond que sur la forme) en vue de la rencontre avec Sarah, je vous invite à aller voir les sites internet de quelques quotidiens francophones algériens : El Watan, Liberté, Le Quotidien d’Oran… En passant, attardez vous sur les caricatures du Hic et de Dilem, ainsi que sur les excellentes et littéraires chroniques de Kamel Daoud (bon d’accord, là, je vous force un peu la main…). Puis, vous pourrez suivre le lien que je vais vous donner (patience, patience…)
Je vais vous donner un lien, mais avant, je vais camper le personnage : yeux noirs au regard de biche, cheveux de jais – légèrement – emmêlés, bouche adjanesque d’où sortent souvent des gros mots de camionneurs, une silhouette pas bien épaisse… Je l’ai souvent vue arriver à la maison, rue Didouche Mourad, à Alger, avec un gros sac à dos… bières enveloppées dans du papier journal, ordinateur portable, paquets de clopes vivent dans ce sac, comme l’extension nécessaire de Sarah, nomade dans un pays où ces dames sont en général bien sédentaires. Avec Sarah, on se partageait les bières, les autres étaient au pinard, Saint-Augustin, Santa Monica (la mère du précédent, quelle suite dans les idées)… Souvent vers deux heures du matin, on se croisait dans la cuisine, l’œil navré, car le bac à légumes ne contenait plus ni Beck’s, ni Beaufort, ni Tango… « Y a plus de bière ? – Nan, mais y a du rhum ». Va pour le rhum.
Et souvent, ça se prenait le bec autour de la table : les islamistes, les femmes, la torture pratiquée par les forces de police sur les terroristes, le cinéma, la littérature française, algérienne, mondiale. Les egos et les intellects se croisaient, se heurtaient, se blessaient souvent… Matoub, Ferré, Mohya… on essayait d’oublier personne. Et Sarah de les citer dans le texte, en kabyle, en français, en arabe, elle passait des uns aux autres, d’une langue à l’autre, citant avec exactitude, argumentant en s’appuyant sur des maîtres pour aussitôt en dégager sa pensée, à elle. Pour les connaisseurs de Dexter, Sarah est une sorte de Debra Morgan, les « putains », sont les virgules d’un discours précis, intelligent, excessif parfois, mais, et j’en ai été le témoin, jamais gratuit.
Le samedi 15, au zèbre, vous viendrez rencontrer une écrivaine, une journaliste, évoquer son travail, les conditions dans lesquelles elle l’exerce. On parlera surement d’art, de littérature et de cinéma, de politique et de société en Algérie ou ailleurs… J’espère surtout que vous rencontrerez un personnage, une rigoureuse déglinguée, une bosseuse forcenée en même temps qu’une fêtarde de tous les diables. Une surdouée, parlant trois langues, écrivant des romans en français et en arabe, tenant la dragée haute, tous les jours dans Algérie News, à des journalistes, mâles et âgés pour la plupart. Une punk d’Alger, une jeune femme universelle et unique. Un esprit acéré, jusqu’au boutiste… comme tous les esprits convaincus !
Une journée d’enfer pour envisager l’Algérie d’un autre œil, loin des décennies noire et rouge, de la corruption, de la misère affective et sexuelle, de la difficile, voire irrespirable condition des femmes. Loin… ou tout près, mais l’occasion de dire et d’entendre tout cela différemment.
Ah ! Au fait, je vous ai promis un lien : http://www.algerienews.info/category/chronique/paranoide/
Samedi 15 février, Coopérative du zèbre, à partir de 17heures : rencontre avec Sarah Haïdar, journaliste et écrivaine, lecture de Virgules en trombe (Apic, 2013), de Sarah Haïdar, par Sylvain Bolle-Reddat ; concert de Salah Gaoua et Thibault Chevalier. La coopérative proposera une Chorba de la liberté.
Cette soirée sera dédiée à Lilette Rosenberg-Bonnéric, résistante, femme engagée au cours de sa vie, pour les droits de l’homme et particulièrement en Algérie pour le droit des femmes. Restée anonyme car tel était son désir. Décédée le mardi 11 février 2014 à Lyon. Un poème de son ami Kateb Yacine :
Mourir ainsi c’est vivre
Guerre et cancer du sang
Lente ou violente chacun sa mort
Et c’est toujours la même
Pour ceux qui ont appris
A lire dans les ténèbres
Et qui les yeux fermés
N’ont pas cessé d’écrire
Mourir ainsi c’est vivre.