Sans poupée, tête arrachée, évidée, énuclée, mâchoire polie, les outils qui aspirent, raclent, liment, V ne peut s'exprimer, incapable bien malgré lui d'enchaîner deux syllabes cohérentes.
Accéder à sa syntaxe, c'est admettre la mort, ici, du moins pas très loin. Son souffle écarlate qui vous pétrifie, l'horreur cousue sur la poitrine, la main de géant qui façonne l'illusion.
X suit le Ventriloque au petit trot, tournant le dos au massacre. Curieusement il ne sait pas encore pourquoi il est épargné alors il obéi,s'exfiltrant des dommages collatéraux qui tapissent le velours pourpre et perlé du bordel, une belle vitrine d'atteinte à la dignité humaine. « CBM » de LEE OWENS accompagne leur fuite tandis qu'ils franchissent les deux battants en fer forgé laissés grand ouverts.
Deux masses sombres oscillent dans les étages jusqu'à la rue.
Quelques foulées sur le macadam froid et glissant des remugles nocturnes perceptibles de par une demi lune intermittente mais une nuit sans étoile. Et les voilà arrivés dans l'habitacle à quatre roues. L'odeur est épouvantable, le métal griffé, sa couleur : camaïeu de brun. Marque indéfinissable, kit espiègle des volontés de V.
Le neiman à peine effleuré, GLOSS éructe sa colère et couvre les crissements des pneumatiques.
Les organes sensoriels d'X sont de plus en plus malmenés. Une torture habile,sachant que le proto hardcore n'est pas sa came. Heureusement le morceau s'efface rapidement, LVL UP prend le relais. Du baume et encore du bonheur quand V soudainement altruiste lui tend un peu de poudre magique. X, les yeux brillants, sait son corps apaisé, de plus en plus. Quitte à laisser le monde, soyons désinvoltes et pardonnons à nos bourreaux présents et futurs. Il fait corps avec la musique. Il sait que V doit lui faire la peau. Il ne l'a pas revu depuis l'accident et il sait que si le flair de ce dernier l'a retrouvé chez les putes, un GPS rampant comme l'intro du « Drowning » de JENKINS, que si V l'a épinglé en train de planer s'arrogeant en bonus le temps et l'effort pour meurtrir les chairs tarifées, en attendant qu'il émerge, ce n'est pas pour discourir sur la supériorité mélodique de HVAL sur le dernier CHROMATICS.
Quoique ?
Les rues sont désertes, le produit caresse les membres meurtris de X, malmenés de V. Leurs cerveaux baignent dans un océan d'endo-ines. X bredouille des considérations pompières sur ces revenants d'AVALANCHES et d'APHEX TWIN. V qui s'est délesté de son deuxième visage, l'arrachant de son tronc et le jetant en boule dans le caniveau, n'a plus de média et cautionne les dires de son passager par des oeillades ou des claques sonores sur ses cuisses. La bidouille de NURSE WITH WOUND, jamais véritablement remis de son « Rock'n roll station », tout en remix donc, objet d'une passion éternelle des deux protagonistes pour l'autre musique les unit et les projette aux origines. Leurs origines communes faites de sang, de meurtres et de convictions.
Dans les premiers miasmes post adolescents, portés par leur désir de revanche sociale et appâtés par le numéraire, mélange douteux ou l'intérêt personnel s'exprime dans l'intérêt des masses, ils furent hypnotisés par le DUC, Robin des Bois du siècle finissant, mentor psychopathe qui modelait à sa convenance de par sa langue et ses tics tous les futurs Kamikazes prompts à calancher tous ces foutus capitalistes arrogants ou autres ennemis de l'empathie. Le magnétisme du DUC eu raison des derniers retranchements des deux jeunes alors. L'aventure, mais aussi le pouvoir de vie et de mort, étaient la seule liberté à leurs yeux bien trop clairs.
La ville s'éteint. On est tard dans cette nuit ou trop tôt ce mâtin et voilà l'obscurité qui s'insinue dans les creux du tableau de bord.
THEE O SEES domine, ce n'est pas la première fois, au rythme du biotope environnant qui clignote de par les platanes en bordure et cela de plus en plus rapidement , preuve inéluctable que l'engin s'échappe de la cité. X remarque le reflet lumineux bientôt pâle sur la nuque humide du conducteur. V semble serein et lui sourit enfin, rictus avec perte et fracas, morne dentition, chicots esseulés devant un gouffre qui sent le souffre. Le « Tuck » de GATELY scelle le passage du bitume à la poussière. Cailloux et ornières, nids de poule qui appuient les coups de boutoirs des SWANS et enfin le frein à main. X discerne au bout du chemin à travers un halo blême les plaques et tiges métalliques aux terminaisons affûtées d'une immense grille portée des deux côtés par une enceinte de plus de trois mètres de hauteur.
V, les yeux mi clos, porte son index à la bouche et occulte les questions à venir. Il veut écouter le Kevin MORBY, rien d'autre. Quatre minutes encore et du menton il indique la marche à suivre. Dans quelques secondes X pestera de tout son poids contre la densité des deux battants solidement ancrés dans le sol avant d'apercevoir la traînée de gravillons laiteux s'enfoncer sous la canopée résinifère. Alors que WHITNEY et son « Dave's song »tente de s'échapper du véhicule l'envie fugace de s'enfoncer dans les parties sombres aux alentours le saisit mais un regard délavé, pénétrant et paradoxalement vide, ce regard qui vous chatouille les lobes sans aller au delà lui intime le contraire.
V coupe les phares et s'engage, la ferraille phagocyte X et disparaît sous le toit feuillu. Ce dernier est étonné de l'étendue de l'allée .La légère courbe maintenue à droite indique une circonvolution et
ils ont le temps de s'imprégner des psychotiques FEWS , SOLAR BEARS, et enfin de la majestueuse VAN DER AA pour s'échouer devant une immense bâtisse à deux étages, fusion en L d'une ferme du 19ème avec des apparats gothiques émergeant de tout cotés.
Le moteur arrêté mais pas le contact, l'air bruit de la respiration des tôles et de la folie de MOOR MOTHER. Encore un peu, V ne bouge pas ou si peu. Il attend la suite de sa playlist et peut être aussi l'approbation de son ex coéquipier, histoire de réveiller les fantômes mélomanes. X attend donc le signal ce qui ne l'empêche pas de sourire benoîtement à Jeffrey LEWIS et Aidan KNIGHT.
V pousse X hors de la bagnole, se saisit de son trousseau et coupe la chique à Nick CAVE ou bien Warren ELLIS. Arrivés à l'une des multiples entrées, il engage une imposante clé en laiton. L'aube pointe au loin et X remarque enfin les souillures, les différents fluides et matières organiques qui tapissent les vêtements de V. Il en prend conscience maintenant. Il ne veut pas souffrir. Il veut que ça se passe rapidement.
V comprime fortement la poignée bouton et accrochant X par le col jette ce dernier dans l'obscurité du hall. Une pression terrible sur l'épaule lui intime de ne plus bouger et V disparaît, l'écho de ses bottes martelant le sol et les parois. Il fait le tour du propriétaire ? Cela dure de longues minutes.
Puis un bruit sec et lointain, puis un flot de lumière qui plisse les yeux de X et dévoile comme dans un film d'Orson Welles un long escalier central en haut duquel deux balcons symétriques bordent une série de portes semblables, espacées d'un métrage identique.
CAR SET HEADSETs' échappe de lourdes enceintes portées par des enchevêtrements de chaînes en anneaux métalliques fixés au plafond.
X entend les pas de V se rapprocher. Encore une fois il l'attend, stoïque, incapable de modifier le cours de la soirée. Il l'aperçoit en haut des marches débouchant de la première porte à droite. La lumière crue est fatale. Le visage de V apparaît enfin en couches successives de viande mordorée, le poids de l'âge, un autre individu boursouflé. Deux mouvements des doigts et X le rejoint.
V le soulève et le fait culbuter dans la pièce d'où il a émergé. X se rattrape de justesse à l'accoudoir et dans l'effort il se permet de reconnaître Ray LAMONTAGNE enfin à sa juste valeur. Sans aucun doute il se sait dans la tanière du Ventriloque. La fatigue reprend ses droits, le manque aussi et cela l'embête car il ne veut pas souffrir comme il aime à se le répéter. Doit il au destin de vivre ses dernières pensées dans une pièces miteuse qu'il n'a jamais vue ? Une dernière accroche au monde réel à travers l'image d'une grossière cheminée sur laquelle repose un vase terne et vierge de toute nature ?
Il s'imagine alors corps flou victime des principes de l'attraction terrestre et embrassant modestement le sol dévoilant en un plan serré le bourreau qui tient d'une main gantée la lame rougie avec laquelle il se nettoiera dans la minute les ongles de l'autre main orpheline de cette peau de daim et qui sifflera un air connu seulement de tout les deux, du moins le pensaient ils.
Spoutnick
Kelly Lee Owens - CBM // G.L.O.S.S. - We Live // LVL UP - Hidden Driver // Mick Jenkins - Drowning (ft. BADBADNOTGOOD) // Jenny Hval - Conceptual Romance // CHROMATICS "DEAR TOMMY" de Italians Do It Better Music // Aphex Twin - CIRKLON3 [ Колхозная mix ] // untitled de Nurse with Wound - Topic // Thee Oh Sees - Gelatinous Cube // Katie Gately - Tuck de Crimewaveddd // SWANS - THE GLOWING MAN // Kevin Morby - I Have Been To The Mountain // Whitney - Dave's Song // FEWS - ILL de Carl is Black // Persona de Zet-7 music // Liesa Van Der Aa - On The Heart I // Moor Mother - By The Light // Jeffrey Lewis - Sad Screaming Old Man // Aidan Knight - The Arp // Nick Cave & Warren Ellis - Comancheria // Ray LaMontagne - Part One - Hey, No Pressure (Audio)
Webgraff Laurie@Fabulous