Le réveil fut brutal.
La matière compacte des Big Ups dans les esgourdes et X, lobes arrachés, revint dans la 3 D. La poussière d’ange s’était dissipée…
Ses genoux le tiraillaient déjà. Il se devait de retrouver rapidement ses esprits, un King Gizzard enchaînait, prémisse d’une valse à trois temps, le passé en éclaireur moribond. La torpeur. Les substances, les bras et secrétions tarifés lui avaient été utiles. Maintenant flottait dans son être cette brume indélicate couleur rouille.
En regardant ses mains puis caressant son crâne, il se sut vivant.
V remettait le couvert, il entendit alors un Duck Duck Grey Duck de bon aloi. Régénéré ainsi – merveille que la musique ! -, la peur qui le rendait indigent, accords glacés dans la moelle, s’échappa.
Le ventriloque découvrait ses derniers achats sur la sono maison.
Pour le moment, l’immonde personnage – mais appartenait il au monde des humains ? – l’avait laissé tranquille. Un box, donc deux murs, séparaient la bête de X. Silence passager, pression d’un bouton, mécanique du bras et craquements dans toutes les enceintes qui habillent les piaules du bordel, V prenait son temps. X cru reconnaître Meatbodies : la cigale chantait plus que tout l’été.
Il se tint droit quelques secondes et s’accroupit, presque conscient de l’inéluctable. De quelle facture sera donc le gant de chair cette fois ci ?
Une orientation sonore et hop, les choses sérieuses débuteront, une tune d’ Efdémine par exemple suffirait. Pourquoi pas un John Carpenter et son Purgatory ironique ?!
Et pourquoi pas pousser dans le funk de William Onyeabor , excellent commutateur vers l’au delà… Mais non… Voici les premières frappes hypnotiques de Viet Cong ; X en sursis et V tout à son rock qui retenait encore son allant destructeur.
L’orgueil de X le poussa finalement doucement vers le hall où tout l’air, toutes choses, semblaient aspirés. Tourbillon sensoriel vers l’artisan de la démesure, le tourmenteur, le créateur de vide, l’équarisseur des derniers espoirs. Alors il se tenait là devant la console, spots blancs caressant son dos nu, le monstre tout en borborygmes et claquement de dents, reniflements en supplément, en train d’étudier la pochette du dernier Parquay Quarts . DJ d’un soir se pavanant d’un pied sur l’autre en symbiose avec les coups de caisse claire des Lizard Wizard, encore eux.
La tapisserie refaite, mix de velours, d’épluchures d’ongles, de matière organique qui goutte parfois, témoignait du tout récent passage de notre grossier mélomane. Une odeur épouvantable contaminait l’espace commun. Sans se retourner le ventriloque leva légèrement le coude, comme s’apprêtant à un salut gentillet, main supposée sur l’omoplate droite. Et une voix aigrelette, crécelle où chaque syllabe se détache nettement, annonça…
« Ah X, je désespère. Le temps passe vieux… Bordel ça avance plus hein ? Le Death From Above 1979… seul ce morceau en vaut la peine non ? »
Changement de trois quarts, X vit l’appendice disgracieux cousu à même la peau, tendue entre les points, striant le coté droit du torse en rainures granuleuses. Il déchiffra l’amas enté. Cette marionnette se redressait déjà, mue par la science perverse de la main du ventriloque. Deux doigts dans les espaces béants énucléés, les trois autres affectés à l’éloquence. X vomit ; malgré les outrages il avait reconnu la lippe de sa favorite, il allait devoir causer avec elle.
« Tu salopes tout bonhomme. King Tuff te rend malade ?
Un petit Happyness pour cette âme délicate s’impose ou bien un remontant sympa avec les Enablers ? Hook Worms ? »
« Oui c’était ton truc, les machins à la The Ex… Ou si je sais, une ballade avec Serengeti … Toi et moi partner… Avant tout ce merdier, les rois du pétrole qu’on était. »
V n’était rationnel que dans cet assemblage à la Bellmer , aidé en cela par sa poupée du moment dont l’existence par procuration suivait, non sans mal ergonomique, son attachement. Le moindre regard soutenu et le premier cercle de l’enfer avait droit de citer.
Et X le savait, louchant sur le sol, acquiesçant à cet odieux playback. Bruit de ventouse et gargouillis rythmant la logorrhée interminable de son ancien coéquipier.
« Et Pond, bien sur, pourquoi pas mais on n avance plus mec. On ressasse, on redit, on copie et on recoupe et dans tous les domaines. »
« Bon Simian Mobile truc, Arandel, Hiss Tracts, là dans le cool, la projection de ciné, vieille carnes que nous sommes hein ? On a fait le tour ! Putain ! Toutes ces heures à triper, secoués, avachis, tout ce que tu veux ducon… Heureusement le sang est toujours rouge mec, il a ses nuances hein, et tiens : quelle est la tienne ? X ? »
1. Big Ups – Goes Black 2. King Gizzard & TLW – Am I In Heaven 3. Duck Duck Grey Duck – Shadow Of A Man 4. Meatbodies – Disorder 5. Efdemin – Drop Frame 6. John Carpenter Lost Themes – Purgatory 7. William Onyeabor – Body and Soul 8. Viet Cong – Bunker Buster 9. Parquet Courts – Pretty Machines 10. King Gizzard & The Lizard Wizard – Slow Jam 1 11. Right On, Frankenstein – Death From Above 1979 12. King Tuff – Rainbow’s Run 13. Happyness – Naked Patients 14. Enablers – On Monk 15. Hookworms – Radio Tokyo 16. Kenny Dennis – No Beginner 17. Pond – Elvis’ Flaming Star 18. Simian Mobile Disco – Sun Dogs 19. Arandel – Solarispellis, Part I 20. Hiss Tracts – Test recording at trembling city