petros-markaris-trilogie-de-la 1Politique fiction, la Grèce rétablit la drachme. L’Italie et l’Espagne en font de même avec la pesetas et la lire. Un jour plus tard le conseil des ministres décide la suspension du paiement des salaires des fonctionnaires pendant trois mois. L’extrême-droite grecque* organise des commandos violents contre les locaux abritant des immigrés. Parmi ces derniers, ceux qui sont en situation régulière cherchent d’ailleurs le moyen de quitter la Grèce, pays sans avenir. Et l’on pressent que cela va ne rien arranger. Ainsi débute le dernier tome de la « Trilogie de la crise« . Le titre, un slogan crié à chaque manifestation contre les mesures d’austérité : Psomi, Paideia, Elefthereia (pain, éducation, liberté). L’auteur, Petros Markaris** y observe avec ironie une Grèce corrompue et pillée tant par ses élites que par la Troïka (le trio infernal FMI, Banque centrale européenne et Union Européenne). La Grèce des classes moyennes et populaires qui s’appauvrissent en payant la facture à leur place.


Trois jours, trois polars, week-end de Pentecôte oblige !

Les trois volumes nous expliquent la crise avec une précision cruelle : la richesse démesurée de certains, face à une pauvreté endémique, débrouille, magouilles mais aussi solidarité d’une poignée de courageux. Dans le premier tome, Le justicier d’Athènes, l’enquête du commissaire Kostas Charitos, le héros récurrent, a pour fond l’endettement des ménages. Justicier du fisc, « le percepteur général », tue les fraudeurs à la cigüe . Début choc, « Quatre petites dames en gilets de laine noire gisent dans un modeste deux pièces de la banlieue d’Athènes. La télévision est allumée. Leurs chaussons sont rangés à côté du lit. Elles se sont suicidées en buvant un cocktail de vodka et de somnifères. Retraitées, sans famille, elles ne pouvaient plus acheter les médicaments de leurs traitements  » … Le premier liquidé, un médecin qui vivait dans un luxe immobilier appartenant à ses filles mineures non imposables via des sociétés off-shore et qui possédait des œuvres d’art définitivement soustraites à la vue du grand public dans une pièce forte de sa villa. Il avait reçu une lettre du Percepteur général l’enjoignant de payer ses arriérés d’impôts. « Mais enfin, qui se fait tuer pour n’avoir pas payé ses impôts ? »

Dans le second volume, I Pairaiosi (Le Règlement, aujourd’hui disponible en poche), il dézingue le monde de la finance. « Qui est le plus grand criminel : celui qui vole une banque ou celui qui en fonde une ? « . Les victimes, décapitées à l’épée, sont de la seconde catégorie : Nikitas Zissimopoulos, gouverneur de la Banque centrale, Richard Robinson, directeur général de la First British Bank, Henrik De Mor, dirigeant néerlandais d’une agence de notation et Kyriakos Fanariotis, directeur de Cash Flow Recouvrements. Des victimes que l’on n’a pas envie de pleurer ! L’argent n’est pas le mobile du tueur. Surnommé  » Robin des banques », il inonde même la ville d’affiches et d’autocollants avec un message subliminal : « Ne payez pas vos dettes aux banques ! « . Ce qui pousse le commissaire à soliloquer :  » bientôt nous aurons des manifs en faveur de l’assassin et nous enverrons les forces anti-émeutes rétablir l’ordre« .

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Ne vous y trompez pas, Petros Markaris fabrique des polars à l’ancienne, à l’inverse de la génération qui aime multiplier les pistes, les personnages. Des romans courts, percutants, qui se lisent d’une traite. Nul autre que lui pour décrire de l’intérieur, d’une manière savoureuse, la vie quotidienne des Grecs d’aujourd’hui. On croit à ces policiers dépassés.. « J’imagine une histoire à partir des travers de la société et des aspérités de l’actualité : comme la baisse des salaires des fonctionnaires, l’occupation de la place de Sytagma par les « Indignés », les réformes et les coupes budgétaires imposées par la troïka « , explique l’auteur. Depuis quinze ans Petros Markaris s’est lancé dans une saga policière. Il enquête sur la façon dont les nouveaux riches ont accaparé les subventions de l’Union européenne (Journal de la nuit, 1999), les trafics et la spéculation immobilière lors des Jeux olympiques (Une défense béton, 2001), l’irruption de l’immigration dans la société grecque (Le Che s’est suicidé, 2006), le rôle du monde de la communication avec l’exécution de vedettes de la publicité par un maniaque qui veut interdire toute forme de réclame (Publicité meurtrière, 2010), les liens entre les Grecs et les Turcs (L’Empoisonneuse d’Istanbul, 2010), et dernièrement sa trilogie sur la crise
.

Le dernier tome de la trilogie s’en prend à une partie de la génération de Polytechnique qui, après s’être rebellée en versant son sang contre la junte militaire, a eu une carrière fulgurante. Aujourd’hui au pouvoir, « comment cette génération peut-elle à ce point renier ce pour quoi elle s’est battue ?  » Trente-huit ans plus tard, leur slogan est pourtant crié à chaque manifestation contre les mesures d’austérité : “Psomi, Paideia, Elefthereia” (pain, éducation, liberté). « Connaître quelqu’un du temps du service militaire te garantissait au mieux un poste dans la fonction publique. Le connaître de la « Bouboulina** « faisait de toi un millionnaire en moins de cinq ans« , s’enflamme Charitos.

Alors ne vous en faîtes pas, je ne fais aucun parallèle avec notre situation française.. La crise n’existe pas, ou si peu, demandez à la Fondation Abbé Pierre. L’extrême droite n’existe plus ou si peu. Les brigades jaunes des identitaires dans les métros de Lyon, Paris et Lille, cela ne vous fait penser à rien ? La manne financière que va récupérer le FN, « pin up mon général », il le mérite, ils ont été élus . Le peuple est fou ! C’est notre aveuglement qui crée leur cécité nous répond Guédiguian .**** Je suis démocrate. Con, mais démocrate ! Alors attendons patiemment Aléxis Tsípras …..
Noir de noir sur fond noir, je reste lecteur de polars en attendant le sabre, la cigüe, ou pourquoi pas la sarbacane au curare ( peut-être le quatrième tome ! ).
Ce monde est fou et je deviens fou !

 

 


petros-markaris-trilogie-de-la 3* Lors du RadioBubble International Showdu 9 mars dernier Petros Markaris était l’invité de Theodora Oikonomides. Il s’exprime sur la crise, explique l’origine de sa trilogie et évoque le danger de l’Aube Dorée. Vous trouverez l’interview complet en anglais ! (OkeaNews nous propose la transcription de cette partie de l’émission).

** Petros Markaris, un Indigné, né à Istanbul en 1937 d’un Arménien et d’une Grecque. Quadrilingue, il a traduit Goethe et Brecht en grec, s’est illustré au théâtre puis dans le polar, avec son commissaire Kostas Charitos, antihéros du Che s’est suicidé (Seuil, 2007) ou de L’Empoisonneuse d’Istanbul (Seuil, 2010). Scénariste de Théo Angelopoulos, il a signé les scénarii de Le Regard d’Ulysse (1995, Grand Prix du Festival de Cannes) ou de L’Eternité et un jour (1998, Palme d’Or à Cannes). Ses livres sont traduits en plusieurs langues. …

** Bouboulina : (Située derrière l’Ecole polytechnique d’Athènes d’où est partie, en novembre 1973, la révolte étudiante qui provoqua six mois plus tard la chute de la junte dirigée par des colonels au pouvoir depuis 1964).

**** « C’est notre aveuglement qui crée leur cécité. Assez d’hypocrisie, je dis mon écœurement à tous ces spécialistes raisonnables qui continuent à appliquer le même dogme en France et en Europe qui échoue depuis trente ans, à toutes ces élites politiques, industrielles, médiatiques et artistiques qui ne font que se protéger, à tous ces lâches de droite et « de gauche » qui n’osent rien changer de peur que leur petit pouvoir vacille, à tous ces fossoyeurs de l’idée même de la politique comme activité la plus noble qui soit. Comment appelle t-on quelqu’un qui croit que la réalité a tort ? Un fou, non ? Et je ne parle pas des affaires, que l’on devrait plutôt appeler des ordures, dont les protagonistes devraient être éliminés définitivement de la citoyenneté, plutôt que de réapparaître, après une courte absence, au grand jour ». Tribune de Robert Guédiguian
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