Pandémie & Pain de Mie

Pandémie & Pain de Mie

Alméria

Je ne vais pas vous mentir, je connais très bien les membres du groupe. Mais si on était au courant de tous les liens qui unissent les journalistes (je parle pas de moi hein, soyons clairs) aux musiciens, les programmateurs de salles aux tourneurs, les PDG de grandes entreprises aux patrons de maisons de disques, ce serait à vomir. Ça l’est déjà d’ailleurs. Bref, je connais très bien ces gens mais je veux pas les faire mousser, les aider dans leur carrière, j’en ai rien à foutre et eux non plus. Mais en fait, je sais pas, personne parle d’Ayatollah et c’est pas forcément parce que tout le monde s’en fout (de toute façon, pour qu’on ne se foute pas d’un groupe, faut qu’il y’ait soit un buzz, soit le fils de quelqu’un de connu, soit un manager verreux ) mais bon, ils ne font pas trop d’efforts non plus. Disons que, après plusieurs groupes ensemble (Bad taste, Done 4, Overmars pour les plus « connus ») ça devient naturel de jouer ensemble et on arrive pas à se passer les uns des autres ? Et puis quand ça marche en repet, en tournée pourquoi changer une équipe qui « gagne » ? (j’imagine que la blague « on change pas une équipe qui perd » à dejà été faite) J’ai l’impression que plus ces gars là avancent dans la musique plus elle est un prétexte à partir en tournée, voire en voyage. Pour l’instant, le groupe n’existe pas depuis si longtemps que ça donc ils ont pas fait le tour du monde mais bon, un peu de Biélorussie, un peu d’Ukraine, de Pologne, de République Tchèque, un peu de Belgique nan bon ça va, j’en oublie sûrement mais on va pas les plaindre non plus.

Bref, connaissant bien ces types et appréciant peut être plus leurs personnalités que leur musique (pas mauvaise pour autant), je me disais que franchement, ces gars là n’avaient pas assez la parole alors qu’ils font des choses biens et ont des choses intéressantes à dire. Ayatollah étaient en tournée en Espagne juste avant le merdier.

Ben : Nous sommes partis en tournée en Espagne la semaine qui a précédé le confinement.

Scotch : Et oui l’Espagne ! Et pourquoi ce choix ? Pour être honnête nous en avions marre de nous geler les miches dans ces belles contrées de l’est de l’Europe. Certes, certaines destinations sont exotiques pour nous autres latins, mais nous avions besoin de retourner à nos premières amours (la toute 1ère tournée d’Ayatollah était en Espagne et nous avions bien kiffés l’accueil et le rythme des gens là bas).

Ben : Pour être honnête, je ne me rappelle pas (ndlr. comme c’est surprenant !!) qu’il était déjà question de confinement lorsque nous avons quitté Lyon. La maladie était venu de Chine jusqu’à nos frontières, mais elle restait malgré tout encore lointaine, un peu abstraite, comme un nuage radioactif bloqué par les Alpes et soufflé par le mistral. C’est au fil de la tournée que la sensation qu’il se passait un événement d’une telle ampleur est montée. Les nouvelles se dégradaient jour après jour, via les téléphones de mes camarades, mais les « informations » de nos medias officiels me laissent toujours très sceptiques, alors c’est plus par l’omniprésence de ce sujet de conversation chez tous les gens que nous avons rencontré, qui a fait basculer le périple dans une ambiance plutôt bizarre, mais vraiment pas désagréable je dois l’avouer.

Scotch : C’est marrant ce décalage assez surréaliste que nous avons vécu entre l’insouciance d’une tournée et la dramaturgie virtuelle que nous observions. Mais c’est vrai aussi que nos compagnes bossant à l’hôpital, leurs retours étaient plus précis et assurément moins virtuels. Pas d’inquiétude outre mesure mais nous sentions, déjà, que notre retour serait bien étrange. Et ben, nous n’avons pas été déçus…

Arno : Bon soyons honnêtes, la terre entière était au courant d’une pandémie avant notre départ et les chaînes d’info déversaient leur lots de conneries jusqu’à l’écœurement que j’ étais plus que ravi de quitter notre majestueuse patrie pour aller s’encanailler en Espagne. Nos petites tournées sont souvent rocambolesques et j’avoue qu’on se marre plutôt pas mal avec Boubou (ndlr : Ben dans le report) et Scotch. Ça fait déjà un bon bout de temps mais ça nous amuse toujours de dormir dans des canapés pourris et tout ce qui va avec.

BARCELONA 06/03

Ben : La première date à Barcelone a directement posé des bases solides. Le concert se passe à l’Ostilla, squat historique d’une banlieue assez éloignée de Barcelone. Très bel endroit, vaste, gris et froid. Ambiance et odeurs d’entrepôts. Cette sorte de beauté dégueulasse qu’on apprend à aimer et qui devient si familière. Un de ces endroits où un concert peut peut-être encore avoir un peu de sens. L’inquiétude est très vite palpable dans la bouche de Trash (ndlr : Organisateur de concert stéphanois exilé en Espagne depuis quelques années ) qui organise bien évidemment le concert. Il parle très vite de «ça», se demande s’il n’a pas attrapé « ça », se questionne sur les conséquences de « ça » sur la vie contre culturelle, les squats, les plus pauvres, la vie sociale et plus concrètement sur la tournée qu’il doit faire une semaine plus tard avec Veneno, son groupe du moment, avec qui nous jouons ce soir. Je le trouve très inquiet. En même temps c’est un personnage plein d’emphase, du coup ça n’exacerbe pas vraiment mon inquiétude. Malgré tout, le virus est déjà sur toutes les lèvres… si j’ose dire… Excellente soirée, très bon concert de Veneno, pas mal de monde, y compris sur notre concert, alors même qu’on joue en dernier. C’est pas toujours le cas…

Arno : C’est assez drôle mais quand on arrive à Barcelone, le virus n’est presque pas présent et Trash se lance dans des considérations sur la France et la parano totale dans laquelle on était et qu’ici forcement c’est mieux (c’est souvent comme ça avec le père Trash). Le concert du soir est plutôt cool car on retrouve les filles d’Ansia, un groupe avec qui on joué à Barcelone lors de notre première tournée officielle d’Ayatollah il y a pas loin de 6 ou 7 ans. Ces meufs sont pour moi un vent de fraicheur dans un scène punk rock où l’ordre moral a toujours tendance à prendre le dessus. Elles racontent de la merde, jouent dans des groupes, féministes à donf, tiennent un squat et ne perdent pas leur temps à juger son voisin. Bonne soirée, bon groupes, on est bien.

https://venenoveneno.bandcamp.com/releases

Majorque

 

PALMA DE MAJORQUE 07/03

Ben : Donc, le lendemain c’est le début du petit marathon. On joue le soir à Palma de Majorque. On se dirige donc vers l’aéroport. C’est d’ailleurs là qu’on voit se multiplier les masques. Étant donné qu’on tire sur les budgets, on a pris des billets très très lowcost. Ce n’est donc qu’une demi surprise quand nous surtaxe à mort sur les guitares, mais c’est malgré tout extrêmement frustrant, d’autant plus frustrant que nous n’avons pas le choix que de payer. On prend le même avion que les metalheads avec qui on joue ce soir : humanshark… ou quelque chose comme ça. (ndlr : classe de se rappeler que à moitié des noms des groupes avec qui on partage l’affiche !)

Sur place on est pris en charge pour une bande de thrashers très sympathiques, et l’ambiance est très crétine, on a un peu l’impression de vivre dans la backcover d’un album de D.R.I.

aéroport Majorque
Majorque

 

Scotch : En tout cas, ils enfilent les bières comme des perles les autochtones! Après en avoir descendu un certain nombre dans l’après midi, bing ! Tout le monde à la sieste …

Ben : L’ambiance insulaire est vraiment présente je trouve. Quelque chose de sous-jacent… S’en suit une lonnnnnnnnngue après-midi à trainasser, complètement renforcée par le fait qu’on est tributaire totalement des gens de l’organisation. On n’a pas notre voiture, pas nos sacs, pas de drogue, pas notre matériel, rien à part un haut, un bas et un instrument. Et bien sûr ça joue très tard ce soir. Mais l’endroit est fantastique, une sorte de manoir locale transformé en salle de concert pour l’occasion. Très bons groupes et gens très gentils ce soir. On dort dans le centre historique de Palma, chez un grand type très charismatique qui a une collection de disque très pointue et assez impressionnante pour être honnête. La visite du quartier pour rejoindre l’appartement est très agréable. On devine la mer très proche, l’architecture est à la fois chargé historiquement et exotique pour des ben (??) du nord comme nous. Avant d’aller nous coucher, on dit au revoir à Arnaud car on ne le reverra pas le lendemain.

Arno : Le groupe s’appelait Loanshark il me semble (ndlr : en tous cas c’est ce qu’il y avait marqué sur l’affiche plus haut…), ils prenaient l’avion comme nous, mais avaient plus l’habitude de le faire et donc ils avaient eu l’intelligence de ne pas prendre leurs instruments. Moi comme d’hab en faisant la réservation je me suis dit qu’on pouvait gratter gentiment. Mais chez Ryanair on ne gratte pas gentiment, ça n’est pas possible, on paye ! Donc la gentille dame de Ryanair nous a gentiment dit: soit tu paies, soit tu loupes ton avion. Boubou s’est énervé et s’est fendu d’un magique « It’s a robery ! », auquel je lui ai répondu : « Laisse tomber on gagnera pas ».

Les gars de Palma de Majorque qui nous accueillent sont un groupe qui s’appelle BRUT. Une belle bande de fumiers qui font du trash metal en prenant pas mal de drogues, des speed freaks quoi. On glande beaucoup mais ils sont vraiment attachants toute cette bande d’arrachés. Notre concert s’annonce désastreux, en tout cas la balance l’était mais finalement c’est plutôt pas mal. Je crois que ce soir on avait un gros son métal et j’ai trouvé ça bien.

DAY OFF (journée de la femme) 08/03

vimeo docu Arno

https://vimeo.com/358785376

Ben : Effectivement Arnaud doit se rendre à Prague pour présenter un documentaire qu’il a réalisé. C’est compliqué. Il doit prendre un avion pour Prague depuis Palma. Le soir même il présente son film, dort sur place, puis reprend un avion pour Malaga où on le récupère pour la prochaine date. Dans le même temps, avec Antoine (ndlr : Scotch dans le report), on prend l’avion pour Barcelone où nous récupérons la voiture et notre matos, puis direction Malaga, avec étape hôtel miteux au milieu, car la route est longue. On prend donc notre avion avec Antoine, non sans avoir payé à nouveau des frais de bagages supplémentaires pour nos instruments, on retrouve la voiture et on part pour une première session de 5 heures de route.

Scotch : Ils sont trop trop forts chez Ryanair … Kafkaien comme situation… Mais à la fin, ben tu te délestes du cachet de la veille pour prendre ce putain d’avion.

Ben : L’hôtel montre un certain panache dans sa miteusité, et on a récupéré de quoi passé une excellente soirée. Je me souviens avoir énormément rigolé ce soir-là, et par pour des raisons très intéressantes. Quelle bonne soirée !

Scotch : Hé hé hé, tout ne se raconte pas, mais oui je confirme, une ode à la joie.

 

Arno: Effectivement comme le dit boubou, je suis gentiment invité dans un festival de documentaire assez important à Prague. Bref une invitation qu’on ne peut refuser mais ça tombe pile poil dans la tournée. Donc je cale ça sur le seul day-off, mais par contre c’est le plan le moins développement durable de ma vie, je me retrouve à prendre 4 avions en 24h ! C’est moche va falloir faire du vélo. La transition Palma et son soleil étincelant avec Prague et sa grisaille hivernale est vraiment radicale. Mais les gens sont très gentils, le docu est projeté dans une vieille salle de ciné avec des banquettes de skoda, je bois des bonnes bières locales. Je suis pas trop mal. (Petite note virus qui me colle au cul, j’apprendrai plus tard que le festival a fermé ses portes deux jours plus tard.)

MALAGA 09/03

Malaga

Ben : Le lendemain on récupère Arnaud à l’aéroport de Malaga sur la route, tout se passe comme sur des roulettes. On joue dans un hangar aménagé en salle de répète/concert par des jeunes (en même temps les orgas sont TOUJOURS plus jeunes que nous maintenant…) punks du coin.

Scotch : Arf, c’est pas toujours vrai quand même ! Remember en Suisse la dernière fois. Des vrais bonnes personnes mais pas spécialement frais comme des gardons…

Ben : Là encore très sympathiques. On fait de très bons concerts depuis le début, ce soir ne déroge pas à la règle. On ne parle pas du virus plus que ça, bien qu’il revienne dans la conversation régulièrement, mais c’est plus un sujet de conversation parmi les autres. Bon ma vision est sûrement faussée dans la mesure où je parle peu aux gens. Mes bandmates seront certainement à même de rétablir une certaine vérité ici.

Scotch : Non non c’était carrément pas à l’ordre du jour : avec nos hôtes, on s’est joyeusement refiler la bouteille de Becherovka qu’Arno avait rapporté de Prague…

Arno : J’ai pas encore le sentiment de parler plus que ça du virus avec les gens qu’on croise. On joue seul ce soir. Une vingtaine de kids plutôt jeune, c’est chouette, j’aime bien. Les canapés plein de poils de chat et de puce moins (je pense des puces, en tout cas ça grattait).

Ben : Ce soir l’appartement où l’on dort est absolument dégueulasse, et surtout y’a un chat de merde qui braille toute les 30 secondes. Nuit courte. Pour le petit dej, on se fait claquer des gros churros trempés dans du chocolat. C’est super.

Scotch : Yep, je confirme pour l’appart, pourtant je suis pas regardant. J’ai perdu mon blouson « historique » (par sa longévité) dans ce foutoir, me voilà en t-shirt pour le reste de la tournée.

Malaga

ALMERIA 10/03

Ben : Deux heures pour joindre Malaga à Alméria, donc on a tout le temps du monde. Après avoir traversé des étendues démesurément surréalistes de tomates plastiquées, on s’arrête dans un restaurant sur la plage, les pieds dans le sable, excellents comestibles très bon marché. A ce moment, je ne peux pas être plus éloigné de la pandémie à venir, elle n’occupe aucune place dans ma vie. A & A se renseignent beaucoup sur leurs téléphones mais j’avoue que ça ne résonne pas du tout chez moi. Il faut dire que la région n’encourage en rien l’intérêt que l’on peut porter au reste du monde. Ce soir c’est un petit bar « rock ». On traînasse sur la plage d’Alméria. Les paysages ont tout ce que l’on peut attendre des contrastes que peuvent offrir les villes où cohabitent urbanité et bords de mer. C’est une ambiance d’entre-deux que j’aime bien.

Arno : Ouais là j’avais promis à Scotch de lui faire la totale espinguin, un chiringuitos avec pulpo, pescaditos fritos, pan con tomate… On a trouvé, on a fait ça bien et oui là, à ce moment là on était vraiment loin de toutes ces conneries.

Ben : Encore du monde ce soir, enfin suffisamment pour la taille du bar. Encore et toujours quelques blagues gênées sur le covid. On n’y croit pas dans les discours, mais un fond d’inquiétude trop sérieuse fait son apparitions dans le ton, et un peu dans les regards. On sens chez l’autre une recherche d’accréditation de la thèse de l’exagération des autorités compétentes. Mais on y met un peu trop d’enthousiasme pour que ce soit honnête…

Arno : Ouais le gars du bar est un vieux rocker patibulaire et moyennement chaleureux qui nous fait comprendre que faire du bruit, y’a pas moyen. Donc les gars de l’orga nous expliquent gentiment qu’il va falloir jouer à un ou grand max deux. L’ampli de Boubou pour ce soir ressemble à un jouet pour enfant. Faut voir sa gueule… Mais c’est marrant parce que c’est une soirée typique comme je les aime. Le bar fait pas rêver, tu commences à te dire que y’aura personne (on est un mardi à Almeria), à 21h y’a encore personne et le son est plus que pas fort (c’est une des premières fois que je joue sans bouchon). Du coup y’a cette tension entre nous trois, on essaye de se rassurer comme on peut, on boit des bières, fume des clopes. Et puis finalement y’a du monde, les gens sont à fond, ultra heureux et tu te fais un super concert. Les montagnes russes j’adore !

Ben : On dort dans une super baraque, tenu par un couple et 5 (ou 6) chiens. Très drôles ces clébards. Excellents même ! On est logés dans une chambre sur le toit, comme on en voit beaucoup en Espagne. Le quartier est vraiment très agréable et le lendemain on va faire un tour, On se retrouve à boire quelques vermouth dans un rad du cru. Je crois qu’on parle pas mal de la situation à venir car la situation dégénère en Italie et le virus commence à arriver velu en France.

Scotch : Ouais, de ce que je me souviens, on commençait à être bien torché avec le vermouth et les discussions tournaient plus autour du choix des tapas qui allaient nous permettre d’éponger que du corona. Climax de la tournée pour moi.

Ben : Je pense qu’à ce moment-là on est encore pas convaincu du tout qu’il va y avoir un confinement. Mais en revanche le covid commence à frapper l’Espagne car on apprend que notre dernière date est annulée. Finalement c’est allé vite cette histoire. Je crois d’ailleurs que c’est autour du vermouth que j’ai commencé à fantasmer un non retour à la normale pour notre rentrée à Lyon.

Arno : La super baraque était minuscule avec beaucoup trop de chiens ! Mais les gens merveilleux. Dans la soirée je reçois un texto qui m’annonce que le dernier concert de la tournée à Miranda de Ebro est annulé, la ville est mise sous cloche à cause du virus. Le lendemain on apprendra que toutes les écoles de Madrid étaient fermées.

Almeria

DAY OFF (un bled paumé de la castille y la mancha que je ne retrouve pas) 11/03

Ben : On traverse à nouveau l’Espagne mais du sud au nord cette fois-ci pour rejoindre Bilbao. On fait une escale dans un bled où on a trouvé un endroit pour dormir très cheap. C’est vraiment le trou du cul du monde au bord d’un étang qui daube la mort chimique. Malgré tout, la soirée est plutôt drôle car, au milieu d’une ville fantôme, on finit par trouver un café pour le moins pittoresque pour manger, car il est tard et on a faim… très faim. Y’a personne dans le bar à part 3 pépés qui regarde un match de foot qu’on finit tous par regarder. Les cuisines sont fermées mais la patronne nous concocte quand même pleins de petits plats excellents. Quelle curieuse ambiance. On rentre dormir dans une odeur méphitique, à tel point que je n’accompagne même pas scotch quand il sort de la chambre pour fumer.

Scotch : Quelle folie s’est emparée de moi … Franchement, fumer un joint dans ces conditions cela relève de l’exploit… ou de l’absurdité peut être.

Arno : Pareil là encore, les montagnes russes. En gros on se fait un film sur l’hôtel qui annonce une petite auberge avec cuisine maison, donc se dit qu’on va rouler toute la journée et se bichonner dans ce petit resto familial. Au final on arrive de nuit, on galère à trouver et ça me casse les couilles vite. L’auberge est bien sur fermée et tu te rends compte que tout ferme dans le bled. Et finalement on tombe dans un rade de merde avec trois vieux qui regardent la ligue des champions avec la réception tv qui saute. Et quand ça saute c’est un silence de mort. Bref le paradis pour nous. Le patron est une crème et nous offre des clopes et des verres de whisky !

day off

BILBAO 12/03

Ben : Bilbao. Le pays basque. Entrepôt squatté. Glagla. Notre dernière date ce soir, du moins c’est ce que l’on croit à ce moment-là, puisque celle du lendemain est annulée pour cause de coronavirus. On joue avec un groupe de crust Liègeois. Le bassiste joue aussi avec son one man band dont le gimmick est de préparer des frites (si si) pendant son concert. Il se sert même du son de la friteuse pour jouer, à l’aide d’un capteur qu’il branche directement sur la friteuse. A la fin du concert les frites sont prêtes, il passe donc dans le public pour distribuer les frites accompagnées de sauces qu’il a confectionnées sous nos yeux. J’avoue qu’au moment où j’ai picoré dans le plat, après 15 crusties, au milieu du squat, sur un plateau on ne peut plus éloigné des normes d’hygiène fondamentales, j’ai eu une pensée mi-amusée, mi-anxieuse sur le concept de contamination dans ce contexte un peu particulier.

Scotch : Hé hé hé c’est marrant, on en a pas parlé entre nous mais j’ai pensé exactement la même chose. Tout en tapant dans les frites bien peinardo !

Ben : Mais on a tous mangé des frites, et je me suis même resservi. On a des nouvelles de Thrash qui doit jouer avec Veneno le lendemain à GZ, chez nous (ndlr : GZ c’est Grrrnd Zero à Vaulx en Velin). Il flippe un peu car à ce moment-là les choses commencent à déraper très vite. Il n’est pas sûr de pouvoir maintenir la tournée vu la tournure que les événements prennent. La date à GZ est malgré tout maintenue et Arnaud arrive à nous incruster sur le concert. Un beau revirement de situation et je suis très content de revoir Veneno et Zone infinie qui joue également avec leur nouveau-ancien batteur.

Arno : Squat bien crust, un crachin dégueulasse, une vingtaine de personnes, groupes compris, bref c’est pas le concert de folie, on va pas se mentir. Heureusement le pote de seb (ndlr : je m’appelle Darbi ici !) qui fait un one man band avec une friteuse me refait la soirée. Ce mec est un génie pur ! Le groupe crust s’appel Matrak Attak au fait. Eux ils commencent leur tournée et doivent aller au Portugal. Ce soir là ça commence à devenir surréaliste. Les infos tombent en permanence. Ma chérie m’appelle pour me dire que les écoles ferment dans trois jours et qu’ils parlent de fermer les frontières. Dans la soirée Matrak Attak apprennent des annulations en série de leur tournée. Ils ont pas une thune et sont vraiment dans la merde car très loin de chez eux (la Belgique). A ce moment là ils pensaient encore pouvoir faire leur tournée. Le lendemain j’apprendrai que l’organisateur Butter leur organisera un concert de soutient à San Sébastien pour leur payer le retour à la maison.

Entre temps j’envoie un message à Trash qui joue le lendemain à Lyon car ça me fait chier de terminer là dessus. Je le sens, on en veut un petit dernier bien vénère. Un groupe de Barcelone n’est pas venu, ils nous accueillent avec plaisir, c’est super, merci à 1,2,3 go. (ndlr : petit amalgame entre l’orga de concerts lyonnaise 1-2-3-4 et le magasin de disques de Oakland 1-2-3-4 Go ! Je vous aime les gars… Y’avait aussi 1-2-3-4 Go Kart qui était possible, mais ça aurait été vraiment tordu …) Nous reste juste 10 heures de voiture pour arriver à temps pour le concert. Entre-temps les concerts autorisés passent de 5000 personnes à 100 personnes. Ce putain de virus nous mord les fesses décidément.

Bilbao

Organ Frits man

https://www.youtube.com/watch?v=pbYqY-9rUzo

LYON 13/03

Arno : Sur la route Boubou nous fait sa petite playlist, j’aime beaucoup, il a bon goût le fumier. On traverse le Puy-de-dôme en écoutant un morceau de Sacha Distel « La belle vie », ce morceau est génial, le sentiment d’être décontracté en roulant sereinement vers la fin du monde avec deux potes. Si ça ressemble à ça la fin du monde, c’est pas si pire…

Back to Lyon

Ben : J’avoue que ce n’est qu’en arrivant à GZ ce soir-là, que j’ai vraiment réalisé la situation. La contagion était de toutes les discussions, et les premiers regards gênés parce qu’on ne sait pas trop si on peut encore se serrer la main ou pas, apparaissent. Avec le recul, je pense qu’il y avait dans ce dernier concert, une sorte d’impression que nous étions à l’aube de quelque chose de spécial. Rien de dramatique, mais différent. Sûrement un moment dont je me souviendrai plus précisément qu’un autre. (Alleluia !!!)

Scotch : J’étais très content d’être là, à GZ. Première fois pour nous dans la nouvelle salle. Qui était aussi une première pour GZ dans cette configuration. En tout cas, j’ai bien bien kiffé notre concert. Bien intense comme je les aime !

Boubou : Le lendemain on annoncerait le confinement et je n’aurais pas à retourner travailler. Quelle douce sensation !

Scotch : C’est vrai que le début du confinement était « inespéré ». J’avais jamais connu une telle détente et « remise en forme » après une tournée. Depuis toujours, tu rentres à l’arrache le dimanche soir après 1812 kms de route non stop pour reprendre le taf le lendemain à 8h.

Arno : Soirée étrange et vraiment chouette, on retrouve des potes, Trash est en stress total, il a peur de se faire fermer la frontière sur la gueule. Certains ne se font plus la bise, d’autres s’en foutent. Tout le monde ne parle que de ça. Le concert est super je trouve, bien défouloir, ça fait du bien.

C’est peut-être le dernier concert avant un moment. C’était un vendredi soir. Trois jours plus tard on avait plus le droit de bouger de chez soit.

On pourrait appeler cette tournée : on a eu chaud au cul !

Darbi Sex

AYATOLLAH bandcamp

https://putainayatollah.bandcamp.com/

Sacha Distel

https://www.youtube.com/watch?v=YylZoZmfwRQ

ndlr : note de la rédaction (raccourci presse)