Paru fin septembre, Allaxis est le déjà 6e album sur la longue route sinueuse du groupe Kaly Live Dub. Profitant de leur résidence au Totem de Rillieux-la-Pape, nous sommes allés à leur rencontre pour justement faire un point route. Interview avec Stéphane Bernard et Éric Frascone.
Ainsi avez-vous intégré l’écurie Jarring Effects depuis deux ans… une suite logique ? Un aboutissement ?
On a longtemps avancé en parallèle et c’est peut-être devenu au fil du temps une évidence, déjà parce que nous sommes quasiment du même quartier, ensuite parce que la démarche de Jarring colle sûrement plus à l’image du groupe que précédemment avec Pias ; notamment concernant le circuit indépendant. On a simplement l’impression d’être plus proches de notre public en étant sur ce label. Et puis les gens de Jarring c’est un peu la famille, d’autant qu’ils avaient déjà fait paraître Kaltone : projet réunissant des membres de Kaly et de High Tone. Ça facilite les rapports humains et le travail en commun, puisque nous les avons « sous la main ».
Je viens de voir le clip qui accompagne l’album – réalisé par Wasaru d’après les illustrations de Jérémy Couturier – comme a priori plus de cent mille personnes… C’est plutôt une réussite ?
À laquelle nous ne sommes pas forcément habitués ! Mais on est franchement contents du travail réalisé par Wasaru. Il y a un coté Noir dans ce road trip en version dessins animés, qui va bien avec le groupe. Et même si au début c’est plutôt léger voire « guillerets », on se retrouve tous à la fin de l’histoire.
La fin de la route, le suicide… On peut imaginer plein de choses à ce moment-là, pas forcément folichonnes effectivement.
On a toujours eu ce coté dark, voire même un peu punk et bien sûr sales gosses, qui nous colle à la peau depuis… le début de la route. Et ces images qui bougent de façon joliment saccadée sur notre musique, s’accompagnent de surcroît d’un point de vue satirique voire cynique qui n’est pas fait pour nous déplaire !
Il semblerait également, que ce soit toi Éric qui conduit la bagnole !
C’est sûrement dû à mon genre mal rasé… mais je m’attache plus au versant sombre et grinçant de l’affaire !
Si l’on peut penser que le dub est originellement de la musique sans paroles et sans images, voilà qu’aujourd’hui vous enrichissez certains de vos titres des deux.
C’est vrai que sur trois titres de l’album, Learoy Green est venu avec ses textes pour faire monter la sauce et imprimer sa griffe, mais le disque ne peut se résumer à ça. À vrai dire, nous sommes et avons toujours été entre deux eaux ; entre d’un coté le reggae dub roots, plutôt entraînant avec un chanteur qui envoie du bois et de l’autre, le dub plus électro, industriel et torturé, qui part en vrille à la moindre impulsion. Cette ambivalence est justement la marque de fabrique du groupe, puisqu’elle reflète simplement nos goûts et nos couleurs.
Et vous avez pris de la bouteille…
On commence à se connaître après une douzaine de disques faits ensemble. Sans parler des projets que nous montons en parallèle. Cela fera bientôt 20 ans que nous ne sommes pas d’accord et que l’on s’arrange instinctivement avec nos différences ! Sauf que là, on a senti un vrai engouement de la part de Jarring Effects et nous avons eu une belle surprise en découvrant la version de l’album en vinyle blanc.
Il semble que votre « ruche » soit aujourd’hui en pleine effervescence ?
Il a un vrai boulot qui est fait, ne serait-ce qu’au niveau de la comm’, et ça nous change. Quant à l’abeille maléfique qui orne cet album, elle ressemble organiquement parlant à notre musique et elle renvoie au titre de celui-ci – Allaxis – qui signifie métamorphose en langage scientifique.
À l’instar des abeilles face aux pesticides, vous sentez-vous en danger ?
Un peu oui et aussi forcément en mutation, puisque nous sommes désormais quatre et non plus cinq. Sauf que l’on a toujours fait ce que l’on voulait faire, sans plan de carrière. Le danger clairement identifié aujourd’hui, c’est uniquement si y’a moins de monde à nos concerts. Et on va ni se voiler la face, ni utiliser la langue de bois. Il y a de toutes façons moins de monde qui achète des disques et qui vient aux concerts. Alors oui, on a connu des joies immenses et des déceptions aussi. Mais il va surtout falloir se retrousser les manches pour bosser le live et aller défendre un nouveau set sur les planches.
On imagine que vous êtes en résidence au Totem pour ça ?
Bien sûr, on y travaille. À un vrai projet de scène, pour lequel on bosse avec plein de gens (dont Nico Tico de XLR Project), afin d’arriver à finaliser une grande interactivité entre les images et les sons.
Rétrospectivement, quel regard portez-vous sur l’aventure Kaly Live Dub ?
En feuilletant les quelques 500 pass de concerts que j’ai chez moi, je me dis que l’on a fait pas mal de chemin et que c’est plutôt bien… (Éric). Perso (Steph), j’ai toujours une vision noire de la chose, je ne peux m’appuyer sur le passé et je ne sais de quoi demain sera fait. C’est certain que l’on est constamment sur la brèche et plein de questionnements ! (en chœur). Mais cette position d’outsiders qui a toujours été la notre, disons qu’elle nous a peut-être servi de moteur. Pour le reste, on a du mal à s’arrêter pour prendre le temps de contempler ce que l’on a fait de bien ou de mal. Difficile alors d’avoir une vision rétrospective.
Peut-être parce que nous n’êtes toujours pas arrivés ?
Non et on ne sait sûrement pas où cela va nous mener. Cyrille de Kubik nous avait prévenu à l’époque que l’on était partis pour galérer et que notre chemin ne serait certainement pas un long fleuve tranquille.
Entre Nick Cave et Amon Tobin, vous vous situez où ?
Pile poil au milieu.
Kaly Live Dub sera à l’affiche du prochain festival Reperkusound. Entre autres…
Laurent Z