Les castagnettes de Carmen # 31

Falstaff à l’Opéra de Lyon du 9 au 23 octobre

Retour à l’Opéra de Lyon après une dure année de sevrage. Ce retour est on ne peut plus pétaradant puisqu’il se fait avec Falstaff, personnage bouffon et jouisseur par excellence qu’ont magnifiquement su camper Giuseppe Verdi et son librettiste Abrigo Boito en s’inspirant de Shakespeare.

L’intrigue a beau se dérouler au bord de la Tamise et les protagonistes se donner du « sir John » ou compter en shillings, l’humeur est bien méditerranéenne, et c’est de vin de Xérès ou de Chypre que le héros s’enivre. Le metteur en scène Barrie Kosky nous présente Falstaff (Christopher Purves) dans une trattoria aux murs défraichis et au service poussif, où il célèbre les plaisirs de la table en compagnie de ses comparses Bardolfo et Pistola. Incapable de régler la note que lui présente l’aubergiste, il entreprend de séduire deux dames du voisinage, bien pourvues en rondeurs comme en deniers, Alice et Meg. S’étant rendues compte que le goujat leur a adressé la même lettre, celles-ci entreprennent de se venger avec la complicité des deux jeunes amoureux Nanetta et Fenton. Conduit par son appétit et sa lubricité, Falstaff va de mésaventure en mésaventure : attiré chez Alice, il est jeté dans le canal dans un sac de linge sale et ne surnage que grâce à sa graisse. La belle lui ayant donné un nouveau rendez-vous à minuit dans un bois hanté, il est effrayé par une nuée d’elfes, nymphes et autres fées — en réalité la joyeuse bande de celles et ceux qui ont à se plaindre de lui et qui lui donnent ainsi une bonne leçon, qu’il accepte de bonne grâce en clamant que « tout dans le monde n’est que farce ».

Ce finale réjouissant et gracieusement mis en scène conclut une représentation sans temps morts ni essoufflements, sous la direction élégante de Daniel Rustioni, que l’on sent dans son élément. C’est une lecture gourmande de l’œuvre qui est ici présentée : un Falstaff aux fesse rebondies fait flamber des morceaux de volaille, la chambre de la plantureuse Alice est chargée de gâteaux crémeux, les scènes sont entrecoupées de lectures de recettes raffinées… Le kitch des costumes et un jeu sur les perruques permettent d’instiller ce qu’il faut de ridicule aux deux principaux personnages masculins — Falstaff et Ford (Stéphane Degout) — sans verser dans l’excès de méchanceté, et ce sont les personnages féminins — Alice (Carmen Giannattasio), Meg (Antoinette Dennerfeld), Mrs Quickly (Daniela Barcellona) et Nanetta (Giulia Semenzatto) — qui obtiennent le meilleur rôle.

Bref, ce sont des retrouvailles avec l’orchestre de l’Opéra pleines d’allant et de bonne humeur que ce Falstaff permet de célébrer. Seul regret : que le programme ne reproduise pas les recettes énoncées entre les scènes du premier acte, que je n’ai pas eu le temps de noter.

Carmen S.

© Jean-Louis Fernandez