Bring The NoiZe : une rubrique discophile récurrente mais à périodicité totalement aléatoire ; on y parle de disques plus ou moins obscurs (mais pas toujours) et publiés pour la plupart par des micro labels tenus par des passionnés enthousiastes et dévoués (mais pas seulement) ; alors autant dire que la seule règle de conduite suivie ici est celle de la subjectivité voire de la mauvaise foi. Ce qui signifie également que la meilleure façon de découvrir des musiques, des groupes et leurs disques, c’est d’aller les écouter et de se faire une opinion par soi-même
« Périodicité totalement aléatoire »… en écrivant cela, j’aurais vraiment pu utiliser toute autre formule à la con, je ne me doutais pas qu’il allait se passer de longues semaines – de longs mois plutôt – sans que j’écrive la moindre ligne pour Le Zèbre. Ne me demandez pas pourquoi. Par contre, pour ce retour aux affaires, rien de tel que de démarrer ce huitième épisode de Bring The NoiZe avec USA Nails et son fantastique deuxième album intitulé No Pleasure. N’y allons pas par quatre chemins, ce disque, publié comme son prédécesseur par Bigoût records (pour la France) et par Smalltown America (pour le reste du monde), est tout simplement une petite merveille de punk noise alliant vélocité, fureur, fracas, mélodie et passion. Les quatre londoniens avaient déjà fait très fort avec leur premier album Sonic Moist, même si celui-ci paraissait un peu vert sur les bords (notamment au niveau du chant pas toujours très en place). Avec No Pleasure les quatre USA Nails se surpassent littéralement, donnant toujours plus d’épaisseur à leurs compositions, n’hésitant pas à ralentir le rythme sur près de la moitié des titres pour gagner en efficacité et monter inexorablement en puissance. C’est bien simple, des disques tels que celui-ci je voudrais en écouter tous les jours, des groupes tels que USA Nails, je voudrais en découvrir toujours plus – d’ailleurs celles et ceux qui ont assisté au récent concert du groupe au Marché Gare à Lyon en compagnie des trop routiniers australiens de The Drones n’en sont toujours pas revenus – et No Pleasure se doit de figurer sans contestation possible dans le Top Ten annuel de tout noiseux qui se respecte.
Parlons local avec The Hi-Lites, quatuor lyonnais (enfin presque…) composé de membres anciens ou actuels de groupes tels que Chick Peas, Binaire, The Flash Falcon, Overmars ou X-Ray Vision. Le premier enregistrement disponible du groupe (chez Echo Canyon records et Teenage Hate records) est un 12’ qui tourne en 45rpm et qui déverse goulûment dans nos petites oreilles trop souvent avachies et endormies un punk’n’roll nerveux et mélodique, avec au passage quelques petites touches de garage bien senties. Ça va très vite, les compositions sont courtes, acérées et toujours bien torchées, les riffs de guitares sont impeccables, les rythmiques ne faiblissent pas, le chanteur en a rien à foutre d’être parfois à la limite de la justesse et donne tout ce qu’il peut. Bref, The Hi-Lites, s’ils ne révolutionnent rien – mais là n’est pas le propos – nous entraînent parfois presque joyeusement dans leur folie communicative qui devrait convaincre même le plus obtus fan des Hot Snakes. En bon loser casanier que je suis je n’ai encore jamais eu le plaisir de découvrir le groupe en concert mais je n’y manquerais très certainement pas dès que l’occasion se présentera.
Un peu d’Histoire avec la réédition très attendue et en vinyle des deux premiers disques d’Heliogabale chez les Disques du Hangar 221. Je suis presque intimidé à l’idée d’évoquer l’album Yolk (1995) et le mini album To Pee (1996) publiés à l’époque par Agony records, ces deux disques ayant eu – ayant toujours – énormément d’importance et les souvenirs de concerts d’Heliogabale étant toujours aussi vivaces. Fer de lance, aux côtés des Deity Guns et de Sister Iiodine, de la scène hexagonale alors en pleine expansion (pour le plaisir rajoutons les noms de Condense, Davy Jones Locker, Portobello Bones, Hint, Prohibition ou Ulan Bator, etc.), Heliogabale était le tenant d’un noise-rock viscéral, poisseux et sexuel renvoyant directement aux américains de Jesus Lizard mais pas seulement, le groupe faisant souvent référence à Antonin Artaud et à Georges Bataille – ce qui lui a définitivement collé une étiquette arty sur le dos, étiquette avec laquelle les membres d’Heliogabale jouaient parfois non sans malice.
Avec sa chanteuse Sasha Andrès – qui désormais chante également dans A Shape, un groupe dont je reparlerai très certainement – et sa voix possédée, avec les lignes de basse circulaires de Viviane Morrisson comme point d’ancrage, avec la guitare déchirée et abrasive de Philippe Tiphaine, Heliogabale avait réellement tous les atouts en main. Le résultat, incroyable et dévastateur dès les premières écoutes, est, des années après, toujours aussi sale et perturbant. Aussi sauvages et indomptés l’un que l’autre, c’est donc une très bonne idée que d’avoir réédité Yolk et To Pee ensemble sous la forme d’un double album. Parce que l’on tient là une forme de quintessence musicale du bruit, à la limite de l’autodestruction, achèvement qu’Heliogabale ne s’est pas contenté de reproduire par la suite (l’excellent deuxième album The Full Mind Is Alone The Clear paru lui en 1997 et beaucoup plus aride puis des albums d’apparence plus apaisée mais toujours aussi habités). Heliogabale, toujours en activité vingt ans après, reste à jamais un groupe important pour ne pas dire majeur.
Hazam