ZËROZËRO c’était beaucoup mieux avant. C’est ce que j’ai toujours entendu dire. Et ce depuis les tout débuts du groupe, en 2006. Vous me direz : comment est-ce possible ? Par quel tour de passe-passe peut-on affirmer de quatre apprentis-sorciers réunis pour faire de la musique ensemble qu’ils n’arriveront jamais à rien et ainsi les condamner à la tiédeur éternelle ?

C’est que dans Zëro jouent des musiciens au pedigree de première catégorie, des gens qui avec leurs précédents groupes – Deity Guns puis Bästard pour ne pas les nommer – nous ont fait transpirer plus que de raison, ont réchauffé tant de cœurs, donné tant de frissons, ont donné aussi l’envie à certains de faire de la musique ou plus simplement d’en écouter toujours plus. Des musiciens qui dans les années 90 et aux côtés d’autres groupes tout aussi inestimables tels que Heliogabale, Sister Iodine, Ulan Bator, Hint, Condense, Prohibition, Portobello Bones, etc. ont secoué la morne plaine du rock hexagonal alors empêtré dans le post alterno. Des groupes qui pourtant n’en avaient rien à foutre d’être français, américains ou grecs : d’ailleurs j’aimerais un jour que l’on m’explique comment on peut attribuer un passeport autre que celui du frisson épidermique à des musiques aussi viscérales… Je vous parle donc d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre mais que les quarantenaires ont certainement eu tort de transformer en un inaccessible et inimitable âge d’or. Pourtant Zëro est une excellente illustration du pouvoir instantané mais éphémère de la musique, cette salope qui en fait ne promet jamais rien mais donne quand-même beaucoup (et c’est bien mieux comme ça).

ZËROIl ne serait donc pas facile, lorsqu’on s’amuse avec l’électricité, de bien vieillir. Le mieux serait de tout arrêter du jour au lendemain et de s’exiler dans un désert hostile pour peindre des toiles abstraites (comme Captain Beefheart) ; ou alors il y a la solution de changer son fusil d’épaule et donc de musique, de viser le public plus familial et plus pépère du week-end (Nick Cave) ; mais la meilleure solution reste, j’en conviens aisément, de crever jeune et de transformer ainsi une brève carrière musicale en culte éternel. C’est-à-dire crever avant d’en être réduit à enregistrer des disques bas du front, tel Jay Retard retrouvé un beau jour étendu sur son lit et raide-mort à même pas trente ans, dans des conditions qui aujourd’hui semblent toujours aussi floues. L’exemple de Reatard n’est pas vraiment pris au hasard puisque Zëro a récemment participé à la compilation A French Tribute To Jay Reatard initiée par le tout nouveau label lyonnais Teenage Hate records . La contribution de Zëro, une « reprise » de J.R. Tennessee Stomp, est loin d’être la meilleure chose enregistrée par le groupe mais révèle quelque chose d’extrêmement frappant : on retrouve ici quelque éléments qui marquent profondément le style de Zëro, les petites manies du groupe en quelque sorte, voire ses tics de langages, comme la brièveté des compositions ou la dichotomie de titres qui partent sur les chapeaux de roues et s’achèvent dans les limbes, on ne sait trop où.

Le nouveau disque de Zëro s’intitule Places Where We Go In Dreams. C’est un mini album de sept chansons et d’à peine vingt-cinq minutes. Plus de deux ans après son prédécesseur direct, le déjà excellent Hungry Dogs (In The Backyard), voilà qui peut sembler bien peu. Mais je ne vais pas râler. Et comme pour Hungry Dogs ou l’album Diesel Dead Machine (paru en 2009), je vais à nouveau affirmer que ce nouveau méfait de Zëro est la meilleure chose que le groupe a enregistrée jusqu’ici. Cela ne changera sans doute pas grand-chose du côté des tenants de la nostalgie qui n’ont toujours pas compris que Zëro est plus que jamais un groupe du présent – un groupe qui certes tire beaucoup de choses d’un certain passé et d’influences musicales supposées – et que donc il faut le prendre comme tel, avec simplement ce qu’il a à offrir, c’est-à-dire beaucoup.

ZËROPlaces Where We Go In Dreams démarre ainsi par un son qui monte en flèche et annonce un décollage imminent, celui du génial Uprising et de sa monstrueuse partie de guitare complètement obsessionnelle qui reste imprimée à l’intérieur de votre crâne pendant des heures. Suivent d’autres brûlots, d’autres parties de guitare tout aussi magiques, des synthétiseurs entre tentation protoplasmique et téléportation moléculaire, toujours ce magnifique travail au niveau des rythmiques et un titre instrumental qui rappelle pourtant que le chant dans Zëro est de mieux en mieux car de plus en plus assumé. Puis, à nouveau, un final qui débouche sur les limbes et ce genre de mystère où chacun peut mettre ce qu’il veut – ces endroits où nous allons en rêve, donc… Places Where We Go In Dreams vient tout juste d’être publié en vinyle et CD par Ici d’Ailleurs , label sur lequel on retrouve toute la discographie de Zëro ainsi que, allez je vous le dis quand même, les immanquables rééditions des disques des Deity Guns et de Bästard.

Pour finir, Zëro repart en tournée ces jours-ci, visitant un gros quart nord-est du territoire et poussant jusqu’à la Belgique (que les sudistes et les bretons se rassurent, le groupe s’occupera d’eux mais seulement un peu plus tard). Zëro sera le mercredi 19 mars à Dijon (Les Tanneries), le 20 mars à Besançon (Les Passagers du Zinc), le 21 à Strasbourg (Le Simultania), le 24 à Nancy (Le Royal), le lundi 24 à Mons (Le Phoenix), le 25 à Bruxelles (Café Central), le 26 à Lille (l’Entre-Deux), le 27 à Dunkerque avec Berline 0.33 (Le Fructose), le 28 à Blois avec The Healthy Boy (chez Mathieu) et le 29 à Saint-Etienne en compagnie de One Lick Less, Deborah Kant et Testa Di Cavallo (l’Ursa Minor) – on y sera !

Article publié courant mars que nous republions vu la participation au Zébra One du 10 juillet.

Hazam.