Quand le théâtre (r)éveille les consciences endormies

Satirique, jouissif, rock’n’roll, ravageur, sanglant, sans concession ; on vous prévient, le Collectif Mensuel ne fait pas dans la dentelle et tout le monde en prend pour son grade : les patrons, les banquiers, les politiques, les artistes, les toxicos…

© dominique houcmant

Pleins feux sur ces trublions belges qui n’ont pas froid aux yeux, jouent du second degré comme si leur vie en dépendait tout en questionnant crânement notre société contemporaine qui va à vau l’eau ou en dézinguant à tout va le capitalisme.

Après le jubilatoire Blockbuster (vu en 2016 au Théâtre de la Renaissance) – sorte de fable à l’humour décapant sur l’arrogance et la violence de la classe dominante à l’égard du peuple, les revoilà à Lyon avec L’Homme qui valait 35 milliards de l’auteur belge Nicolas Ancion pour un récit haletant, bien sûr invraisemblable et nécessairement salvateur. « Une pièce coécrite car c’est l’adaptation d’un de ses romans, détaille Baptiste Isaia, l’une des trois têtes pensantes du collectif. Il y a donc une écriture, un texte… et cela impose d’être assez rigoureux avec ce qui se dit sur le plateau. Mais le jeu est assez libre, en tout cas bien plus libre que dans Blockbuster, où l’on était tenu de correspondre au lipping des acteurs à l’écran. »

                                                        

« Engagement politique, humour omniprésent et volonté de faire des spectacles populaires »

Un groupe de rock, un film, trois comédiens-chanteurs… voilà le décor posé. En sus rajoutons une histoire loufoque, grotesque même. Ou quand le vrai Lakshmi Mittal, magnat de l’acier et PDG du groupe Arcelor Mittal, se fait enlever par un artiste-plasticien en galère, Richard Moors, qui veut réaliser une performance artistique sans précédent tel que…. le kidnapping élevé au rang d’œuvre d’art. On ne vous en dévoilera pas plus ! « Oui, reconnaît Renaud Riga, l’un des autres protagonistes penseurs du collectif, le projet de départ est totalement absurde. Mais les questions que soulève Richard Moors sont essentielles… Par contre la manière dont il essaie d’y répondre est assez maladroite ! » 

© dominique houcmant

On peut juste vous prédire que la pièce risque d’être rock’n’roll au propre et au figuré (Ce n’est pas du Molière ! même si cette pièce s’approche plus d’une pièce classique a contrario de Blockbuster. Certaines scènes sont vraiment jouées ! explique Baptiste). On devrait beaucoup s’y amuser entre le rythme à cent à l’heure, les formes théâtrales composites parfois un peu inédites (mix de musique live, vidéo, slam, stand-up, théâtre et surtout cet humour satirique qui les caractérise), les partis-pris surprenants sans oublier la réflexion sérieuse sous-jacente, qui interroge sur la fin de la sidérurgie européenne et la transformation de toutes ces villes qui ont perdu leurs emplois liés à l’industrie lourde. Dont Liège, leur ville, qui se retrouve un peu être le personnage principal de cet Homme qui valait 35 milliards.

Théâtre politique, théâtre sociologique et bien sûr théâtre engagé envers et contre tout. « On considère que le théâtre est un acte politique en soi, rappelle Baptiste Isaia. Et on assume pleinement cette dimension politique de l’art du théâtre. » L’humour est leur arme fatale pour décocher les traits et faire passer les messages. « On est attaché à la notion de théâtre populaire, explique Renaud Riga. Qui peut s’adresser au grand public, au-delà du public traditionnel qui fréquente les lieux de culture. Et l’humour est aussi une façon de rentrer en connivence avec un plus grand nombre de spectateurs. Pour nous, c’est une évidence. Une forme de politesse pour ne pas trop se prendre au sérieux non plus… Surtout lorsqu’on aborde des  sujets plus graves. L’humour est une forme de distanciation pour ne pas se poser en donneurs de leçons. On n’est pas sûr de détenir la vérité. C’est notre point de vue et il est subjectif bien sûr. »

© dominique houcmant

Autre point de connivence avec le public, la musique, partie prenante du travail du Collectif Mensuel. « Les musiciens -ils sont deux-  font partie du collectif. On n’imagine pas travailler sans musicien pour l’instant. En plus il ne faut pas oublier que, dans le roman de Nicolas Ancion, la musique est aussi très présente. Le personnage principal cite régulièrement toutes les musiques qu’il écoute. Notamment toute la musique indus, la new wave, le punk… On avait donc déjà toute une série d’influences musicales que l’on voulait retranscrire au plateau. Et je crois que cela s’entend. »

Le mot de la fin ? Il faut venir voir !

Anne Huguet

 

Du 22 au 24 juin au Théâtre de la Renaissance à Oullins

Les Nuits de Fourvière

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