StaerCher ami lecteur je te préviens, je vais encore te bassiner avec Gaffer records. Oui, c’est comme ça. Il y a quasiment deux ans – le 2 avril 2012 pour être plus précis – le disquaire et libraire lyonnais Buffet Froid accueillait dans la cave située sous son magasin un concert destiné aux amateurs de musiques bruyantes et ne craignant surtout pas de se retrouver les oreilles en choux-fleurs. Une affiche qui réunissait les new-yorkais de Child Abuse et un groupe, norvégien et alors encore complètement inconnu, du nom de STAER . Deux heures après, alors que les deux groupes avaient donné tout ce qu’ils pouvaient devant un public d’illuminés et de paumés qui n’avaient peut-être rien de mieux à faire ce jour là, les jeux étaient faits : sans avoir été ridicules les trois Child Abuse s’étaient largement fait laminer par les trois Staer. The next big thing comme le disent habituellement les faiseurs de hype, ceux qui en général changent d’avis et d’objet de dévotion dès le lendemain. Pour ma part je n’en ai toujours pas changé : dans le genre Staer est un groupe incontournable et certainement l’une des principales têtes de gondole européennes actuelles en matière de musiques bruitistes.

En ce jour d’avril 2012 donc, alors que la France s’apprêtait à échanger un président de la République hystérique, arrogant, ultralibéral et clientéliste contre un nouveau modèle enclin lui à conforter les socio-traitres dans leurs certitudes non révolutionnaires, les Staer fêtaient la parution officielle de leur tout premier album, un disque publié en vinyle par Gaffer records – nous y revoilà –, Gaffer organisant également ce concert à Buffet Froid. S’en suivait pour les norvégiens une première tournée européenne de près d’un mois et le vieux briscard que j’étais – que je suis toujours – ne pouvais pas s’empêcher d’écarquiller les yeux d’étonnement : mais qui étaient donc ces trois gosses fraîchement débarqués de Norvège ? Comment des musiciens encore tout minots, avec à peine du poil sur les joues, arrivaient-ils à jouer quelque chose d’aussi pensé et d’aussi maitrisé avec l’intention évidente de provoquer in fine un pur chaos sonore ? Comment avaient-ils fait pour se retrouver sur Gaffer records ? Est ce que je les reverrai un jour en concert ou est-ce que ces gamins allaient rentrer chez eux pour définitivement y rester et reprendre leurs études en informatique ou en graphisme ? Ce que je ne savais pas encore, c’est que Staer, bien qu’étant encore un jeune groupe, avait alors déjà tout décidé de la direction qu’il devait prendre et désirait réellement continuer l’aventure : en effet, au moment de ce premier concert lyonnais et de la parution de ce premier album, les trois musiciens en avaient déjà enregistré un deuxième, le monstrueux Daughters, qui n’a été publié qu’un an après, toujours sur Gaffer records.

Depuis Staer est revenu jouer deux fois à Lyon, dont une fois pour l’édition 2012 du Gaffer Fest (avec une pilosité faciale déjà nettement plus conséquente) puis à Grrrnd Zero, avant que ce haut lieu des cultures underground et décalées ne ferme provisoirement, piégé par une volonté politique évidente de ne pas laisser fleurir à Lyon et agglomération autre chose que de l’évènementiel inoffensif pour jeunes gens insouciants. Actuellement Staer en est donc à sa quatrième tournée européenne, a entre temps tourné intensivement de l’autre côté de l’Atlantique et s’apprête à investir le Sonic le mardi 11 mars en compagnie d’Horacio Pollard et des locaux de Cougar Discipline. Une tournée organisée pour la parution d’un split single avec ce même Horacio Pollard sur le très graphique label berlinois Le Petit Mignon , spécialisé dans les petites galettes de vinyles enrobées dans des pochettes sérigraphiées et agrémentées de somptueux livrets, sérigraphiés eux-aussi. Un disque qui enfonce le clou, si c’était encore possible, dans le crâne de celles et ceux qui ont malgré tout réussi à survivre aux deux premiers albums de Staer. Ce qui n’est pas peu dire.

StaerIl faut donc croire – non pas parce que le sociaux-traites y seraient plus fréquentables et les réacs moins virulents – que la Norvège est un pays merveilleux. On n’y compte plus, tous styles musicaux confondus, le nombre de frappadingues et d’excités du bulbe qui s’adonnent au culte de la fée électricité. Tout ça tient même du miracle : aussi peu d’habitants au mètre carré mais une belle concentration de fous-furieux et autres adorateurs du bruit qui fait mal. Mais comme je suis profondément athée et donc irrémédiablement non superstitieux, je vais quand même dévoiler ce secret de polichinelle que seuls les mélomanes éclairés peuvent prétendre connaitre : il n’y a en fait pas de miracle, les trois Staer sont simplement les dignes descendants d’une lignée norvégienne de groupes de barjots et plus ou moins consanguins, à savoir MoHa !, Ultralyd et autre Noxagt (qui vient tout juste de décider de sortir de sa léthargie et de reprendre enfin du service, whammy !).
Une filiation synonyme chez Staer de rythmes concassés, de lignes de basse telluriques, de stridences insupportables, de tectonique des plaques appliquée à des structures musicales mouvantes, de tourbillons psychotropes, de circularité aliénante, de freeture avariée et de parasitages sonores. On peut également retrouver quelques prémices de ce que propose Staer chez un vieux groupe britannique aujourd’hui un peu oublié bien que toujours en activité : Skullflower . Staer c’est donc de l’explosif et du virulent mais façon magma sonore et ébullition permanente du chaudron à métaux lourd. Quelque chose comme la destruction du monde qui recommencerait tous les jours à l’heure du petit déjeuner, ce genre de fantasme nihiliste et acharné que seuls quelques musiciens jeunes et glabres peuvent se permettre de retranscrire.

Staer en concert à Lyon au Sonic le 11 mars ; le 12 à Orléans (au 102) ; le 13 à Reims (l’Appart’ Café) ; le 14 à Strasbourg (le Hall Des Chars) : à Paris le 18 à Paris/Montreuil avec Thalia Zedek et One Lick Less (Les Instants Chavirés).

 

Hazam.