Allongé sur son lit, X1 l’était depuis belle lurette mais se demanda soudainement depuis quand. Pour tout dire il ne s’en souvenait plus. DRIFT et ses landscapes sonores le caressaient fort depuis une semaine et remplissaient sa mémoire vive. Une fusion totale. Les lignes de basses, ces fractures à six cordes, seuls importaient : « Blue Heur » était un plat solitaire qu’il aimerait partager, pas en dansant (et encore) mais en fermant les yeux. Impossible donc de décrocher de ce bâteau ivre, brumeux sur son présentoir (coquetterie des collectionneurs). Les choses puissantes sont parfois inexplicables. Et elles ont une fin.
La sonnerie espérée ou crainte retentit. « Raised Right Men » ou du moins son début samplé troua l’espace. C’était tout ce qu’il avait trouvé de récent qui l’avertissait sans le rendre cinglé et il trouvait que Tom rendait enfin honneur à son talent. X1 appuya et le silence se fit, un fantôme à la gueule béante. Il devait y aller, mais pas sans sa décoction, alors pour la fluidité il remit « Talking at the same time » pour s’habiller, « Get Lost » pour chauffer, « Face to the highway » pour les effets et trouver sa clé. Il était suffisamment réveillé pour s’enquiller l’un des dernier trucs de Kompact, un label électro qui trouvait grâce à ses oreilles et surtout « Is This Power » le galvanisait toujours autant sur le bitume.
X1 se retrouva rapidement à cinq minutes pédestre du « clodo » qui, il l’espérait, n’était plus. Il éteignit ses feux et « Auto Where To » de THE CHAP avec… Il lui fallait grimper pendant cinq minutes jusqu’au bâtiment sombre qui dominait la vallée. Cette vieille usine à débiter du poulet ou du poussin le faisait éternuer. Grandement allergique aux gallinacés, il s’arrêta bien deux minutes devant la porte et, avant d’ouvrir le cadenas, s’assit sur une lourde pierre, refit chauffer le matos avec BORIS dans les oreilles. Un changement radical mais nécessaire pour se durcir un poil si le « clodo »respirait encore. X2 ne serait pas là et X1 ne savait pas pourquoi. La rareté de la situation le fit frémir mais il ne sut pas dire quid de la peur ou du plaisir.
Une fois derrière le sas/couloir et les pendants d’épaisses bâches qui saturaient à la suite tous les éléments des murs aux plafonds, les yeux de X1 se plissèrent au contact des halogènes. C’était dingue cette clarté qui imprimait l’endroit, qui cognait au fond du cervelet. Et pas un filament ne s’extasiait au dehors. Une planque parfaite et implacable. X1 retira ses écouteurs et reconnu de suite le « So Bored » de WAVVES, l’un de morceaux de choix de X2 qui se diffusaient interminablement depuis le premier jour. « Apologie bruitiste et urgente de l’immédiat adolescent » selon son acolyte. Il monta les quelques marches jusqu’à la cabine, leur QG. Une note de X2 scotchée sur l’une des grande vitres lui passant le bonjour et le suppliant de réécouter « Isam » un AMON TOBIN que X1 avait dédaigné à sa sortie. The BEETS et leur « Built a horse » retentissait à présent. X1 l’adorait, surtout quand il était parti. Le « clodo » depuis le temps devait le détester. X1 essaya de le situer plus bas dans l’immense enclos, sous une des plantes laxatives qui avaient été plantées avant l’arrivée du pharmacien. Il repéra enfin la forme. O DEATH avait pris le relais. Il lui sembla que le célèbre docteur, le dirigeant de ce labo mondialement connu, soucieux de la rentabilité au détriment de son serment et donc de la santé publique, avait peu bougé depuis son dernier passage. Il remarqua avec dégout les traces douteuses qui cerclaient la terre aux alentours, mais « Me and You » des STRANGE BOYS le raviva et quoi qu’il en soit, booster un pruneau dans la tête du sorcier lui semblait une bonne occasion d’aimer la vie. X1 changea les bandes pour mettre un mix plus récent et notamment « Andro« , encore une ouverture d ’album (primordial depuis tout temps) et entra dans l’enclos. L’odeur était abominable, il n’arrêtait pas de tousser et tout en se secouant approcha lentement du paquet. Son mix l’amena à « Newsprint » d’ « AIR MUSEUM« . X1 adorait planer avant de commettre un meurtre. Il remarqua les pattes de poulets ajustées aux grilles de l’enceinte. Certaines griffes semblaient renfermer quelques matières facilement identifiables (un soir de démence avec X2, trop de cocktails, SHABAZZ PALACE et YELAWOLF, une façon de faire la fête via un certain hip hop, et enfin les chairs entamées,zébrées du sorcier).
La masse ne bougeait pas et quelques extraits du REZNOR/ATTICUS ROSS (suite au « Locked » de CUBENX) persuada à nouveau X1 que ce triple album valait plus qu’un pensum grossier, sa première estimation avant écoute. Il décida de s’accroupir, tendit son visage vers celui jauni et immobile affichant deux grands yeux vitreux et étrangements rouges qui le fixaient. Le miroir qu’il avait apporté lui renvoya une fine pellicule quand il l’approcha de la bouche du condamné. Finalement habitué aux humeurs locales il se refit une nouvelle décoction, la dégusta, écouta ST VINCENT et se demanda si le vieil homme entendait le bruit de la cartouche qui entrait dans la chambre. « Almost Persuased » des LOUVIN BROTHERS flottait, c’était le bon moment. Sucreroux.