Bouger ou la fin de l’habitat coopératif

Je suis si soulagée de bouger
loin de ces visages noirs et blancs
s’agressant mutuellement de notre oppression commune
mesurant celui qui paie le tribut le plus élevé à ce privilège
je suis soulagée de bouger
les plaintes t1echnicolor dessinées à mon enseigne
s’écrasent sur ma porte comme des moustiques
volettent comme des louches vides dans  le hall de mes yeux
chaque fois que mes lèvres s’étirent sur les côtés
mon sourire se brise sur ce truc tendance de races
qui tyrannise nos corridors
sur les visages de béton et sur le compacteur
d’âmes
sur la rhétoriques des incinérateurs
et les tentures plastiques de l’étuve
sur les légendes d’ascenseurs en panne
soufflant le frais sur mon matin
m’évitant dans les couloirs
déversent sur mon visage 24 histoires
de vies dans le pavillon d’ une institution de fous
enspectrée de mouches et de cauchemar appelant
à l’occasion que nous avons tous économisé comme des mendiants
pour acheter notre chemin dans ce château de chimères et pour toujours maintenant
je suis si soulagée de bouger.
Le mois dernier un locataire a été contraint de partir.
parce que quelqu’un l’aurait vu
errer un matin le long des dix étage
sans vêtements
après s’être.enfermé dehors la nuit précédente
avec la poubelle qu’il n’arrivait pas à glisser dans l’incinérateur
mais ça n’a pas compté
le capitaine d’étage lui a coupé l’accès au câble TV
et l’a abandonné sous un entrelacs de barbelés de honte
son appartement a été exorcisé au fumigateur
je suis soulagée de bouger
Même si les ouvriers descendent à 100$ de l’heure
pour décoller mon souffle des murs
et refinir l’air et les sols de leurs yeux
et me facturent le montant exact
de tout ce qui me ramenait à moi
voilà l’équité
je suis si soulagée de bouger
loin des bruits de pas psychiques
battant une mesure qui n’est pas la mienne
plus forte que tout autre son dans le voisinage
A part l’explosion qui court nuit et jour
depuis les nouvelles toilettes municipales construites
devant l’entrée principale
les esprits qui habitent les serrures
des sept autres portes
meuglant la révélation des secrets de l’enfer sur terre
mais sans les partager
avec les minuits de tous ceux qui savent ce que les murs cachent
nos toilettes sont de verre
barbelés pour le bruit
24 histoires pleines de larmes tirées en chasse d’eau à minuit
notre seule salle commune
les enfants ont réglé leurs montres pour écouter aux murs tapissés
les yeux levés au ciel
d’un vol à l’autre
saisissant les voisins dans leurs chamailleries privées
le lendemain tout cela sera commenté
à longueur d’ascenseurs
aucun secret ne sera épargné
je suis si soulagée de bouger
finis les retours à la maison de nuit pour rêver
de chiots en cage aiguisant leurs crocs
avec des gueules dessins animés
moitié geignants moitié ricanants
qui se replient ensuite et disparaissent
en étrangers grognants.
Je suis soulagée de bouger
Mais quand cette demeure sombre
s’en va glisser dans l’égoût préparé à cette fin
alors la ville entière pourra lire sa propre oraison
rédigée sur l’enregistrement brisé des rêves de gens ordinaires
qui voulaient ce qu’ils ne pouvaient pas avoir
et se voulaient alors quelqu’un d’autres
des gens ordinaires qui n’ont jamais appris à se vouloir eux-mêmes
et sont donc devenus
la prétention incarnée.