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Il y a des gens que l’on aime bien croiser au détour d’une terrasse à la Guill’ ou sur les pentes de la Croix-Rousse. Pascal Carré en fait partie, pas seulement parce qu’il est pétri de talent et qu’il n’en joue pas, mais tout simplement parce qu’il a une belle caboche pleine d’idées et d’envies. Les médias ne parlent pas trop de lui, et c’est bien dommage. Dans ce climat bien tristounet, La coopérative du Zèbre a eu l’idée de l’inviter ce samedi, pour nous emmener dans l’intemporel, comme les chansons de Serge Reggiani, pleine de vie, d’amour et d’amitié. L’humain d’abord….

Une interview, c’est souvent une rencontre. On touille une dernière fois sa tasse de café et c’est parti, magnéto !

FB : On commence par la question bateau, ce spectacle sur Reggiani, comment cette idée t’est venue ?

PC  : C’était suite à une pièce de théâtre qui s’appelle « La fleur de l’âge » de Jacques Prévert, issue d’un scénario de film tourné par Carnet qui parle des petits « bagnards » qu’on envoyait à Belle île en mer et qui a été censuré par l’administration française. Ce film avait eu plus de 15 jours de tournage et n’avait jamais été fini. Et un réalisateur lyonnais avait décidé de l’adapter au théâtre de la renaissance. J’ai été pris sur cette pièce de théâtre, je jouais le rôle du petit Louis qui jouait Serge Reggiani dans le film. Auparavant, je ne connaissais pas Reggiani. Il y avait quelques chansons à faire dans ce spectacle, donc je me suis mis à écouter, et j’ai eu un immense coup de cœur pour son travail. Avant, je faisais de la chanson d’un côté et de l’autre du théâtre, et quand j’ai vu ce que faisait Serge, je me suis dit qu’enfin je pouvais faire les deux au même endroit. enfin je peux faire mon métier de chanteur-comédien. Ce n’est pas du hasard mais une belle coïncidence.

FB  : Reggiani est apparut dans les années 70 comme chanteur (d’ailleurs sur les conseils de Simone Signoret) et ça collait à toute une génération

PC  : Il parait oui, mais comme je suis né en 64, j’étais très jeune…. À l’époque, j’écoutais beaucoup plus de rock, de blues, j’étais un peu plus dans cet esprit là. Je n’étais pas du tout chanson.

FB : Ce n’était pas la génération 68, contrairement à tout ce que les gens peuvent croire, mais à celle d’après. Elle était active socialement, avec des tas d’utopies… Tu trouves qu’aujourd’hui c’est encore au goût du jour ?

PC : Oui, car ce sont des textes intemporels. Il touche tellement de choses humaines que ses textes ne vieilliront jamais. Je trouve que ça touche au cœur, à l’essentiel, comme ça parle essentiellement de l’humain.

FB  : Est-ce que tu chantes « Les loups » ?

PC  : Non, mais je la connais par cœur (et commence à la chantonner).

FB  : Pourquoi ?

PC
 : Car j’ai toujours chanté des chansons que je pouvais m’approprier, comme si j’en avais vécu l’écriture. Serge Reggiani n’écrit pas ses chansons, il y a une quarantaine d’auteurs qui le font pour lui. Ce sont des costards en fait, des chansons sur mesure qui correspondent à sa vie. « Les Loups » parle de l’occupation allemande, que je n’ai pas connue, c’est pour ça que je ne la chante pas. La chanson de « Paul » ou « votre fille a 20ans », celles-ci je peux plus les approprier à ma vie. Mais aujourd’hui, c’est vrai, je pourrais la faire. Avec les évènements de Charlie, on a vu un duo : Bruel et Catherine Ringer, qui a chanté « Les Loups », ça m’a surpris !
Il y a plein de gens qui écrivent des chansons aujourd’hui, la bonne chanson existe, mais il faut aller la chercher. Les médias ne diffusent pas forcément les auteurs qui écrivent bien. Je pense notamment à Alain Leprest, ou des personnes qui m’ont mis des grandes claques aussi fortes que Reggiani, que ses auteurs.

pascarre3-9c66aFB  : Tout à l’heure tu parlais de la situation un peu morose suite à ce qui s’est passé au mois de janvier, que penses-tu de tout cela ? Quelle est ta vision actuellement ?

PC  : Je ressens d’abord une immense tristesse. Je trouve qu’on est arrivé à un point ultime dans notre société où il y a un vrai travail de fond à faire entre les gens pour se reparler. Il y a une responsabilité politique aussi, qui est énorme. Cela ne doit pas rester vain, et nous aider à rebondir. Il faut qu’il en sorte quelque chose de positif sinon ce sera pire.

FB  : Tu as quand même beaucoup de cordes à ton arc !

PC  : Je préfère n’en avoir qu’une mais qu’elle soit bien bandée, comme dirait l’autre. Par contre j’ai plusieurs flèches… J’ai commencé par la chanson. J’ai une vraie formation de chanteur, c’était ce que je voulais faire. J’ai enchaîné sur le théâtre, puis le théâtre m’a amené à faire un petit peu de télévision, donc du cinéma… Et, quatrième flèche, j’ai commencé, il y a une vingtaine d’année, un travail en studio : des voix, du doublage, de la pause synchro, de la voix documentaire… Avec une grosse voix, celle qui marche bien ! Et je continue à faire les quatre, car on m’appelle pour me proposer du travail dans ces secteurs là. C’est pas mal d’avoir quatre activités, ça me permet d’avoir du travail justement. Les temps sont un peu difficiles pour ne vivre que d’un seul de ces métiers.

FB : Parle-moi des temps difficiles ?

PC  : Ce n’est pas la difficulté de l’intermittence, c’est un statut, pas un métier… « On vit une sorte de crise », mais on s’en sort financièrement. La culture n’étant pas une chose primordiale, les gens commencent par se loger, manger et on sent bien qu’ils vont moins voir de spectacles . Les gens qui travaillent dans ce milieu ont moins d’argent pour créer, le temps de création est plus court, il y a moins de monde sur les plateaux…. Tous ça fait qu’on a moins de travail et, quand on en a, qu’on est moins payé qu’il y a une dizaine d’années. C’est une boucle… Moi j’ai la chance d’en avoir encore, donc je ne me plains pas.

FB : Tu penses que les gens viennent moins aux spectacles parce que c’est cher ? Qu’ils n’ont plus les moyens ou alors qu’ils ont sacrifié ce budget ?

PC  : Un peu des trois, parce que le monde du spectacle n’est pas donné. C’est un budget. Une pièce de théâtre aujourd’hui, c’est entre 20-25€ et si derrièretu bois un coup, ça revient vite à 50€,ce n’est pas rien… Il y a aujourd’hui énormément de choses à voir, énormément d’expositions, de concerts, de films et de pièces de théâtre. Dans le même temps, on est nombreux sur le marché du spectacle, beaucoup plus qu’avant. Les écoles ont formé énormément d’artistes, les écoles de musiques, de théâtre se sont multipliées. Je pense aussi que la rapidité de la communication fait que les gens ont du mal à se poser 1h30 dans une salle en se taisant, en regardant sans zapper. Je le vois au théâtre : on entend des portables sans arrêt, des gens écrivent des sms quand on joue, ce que je voyais moins avant. C’est vrai que le principe de « se poser pendant 1heure » et de se concentrer à écouter le texte, c’est peut-être moins la culture d’aujourd’hui.

FB : Des projets pour l’avenir ?

PC : En ce moment je joue une pièce de théâtre qui s’appelle Nuit D’Ivresse, de Josiane Balasko. Je vais sur un casting avec un réalisateur qui s’appelle Thierry Biniesti pour un téléfilm avec France 3 que je vais démarrer dans une semaine. Un joli petit rôle de tueur à gage. J’ai aussi un projet de chanson avec la Compagnie U Gomina, qui m’a proposé de faire un duo avec une chanteuse qui s’appelle Valérie Niquet pour des reprises de Bobbi Lapointe. Ca m’a bien tenté, alors j’ai dit oui et on a commencé à travailler ! C’est difficile Bobbi Lapointe, il y a énormément de jeux de mots. Pour moi, il est l’un des premiers rappeurs, slameurs. C’est un vrai exercice buccal auquel je m’attèle, et je pense qu’on va bien se marrer… C’est prévu pour le 17 mai ! Mais en tout cas c’est difficile à apprendre ! En mélodie ce n’est pas très compliqué mais pour les textes c’est du jonglage !

 


PASCAL CARRÉ le samedi 14 février à la Coopérative du Zèbre 22 rue Jean Baptiste Say Lyon 1er. À partir de 19h la coop proposera Splitz, Antipasti Bruchetta …. 20h30 concert.