Les Castagnettes de Carmen # 30

L’Heure espagnole de Maurice Ravel à l’Opéra de Lyon du 10 au 18 octobre

Comme avant-goût de sa nouvelle saison, l’Opéra de Lyon propose la reprise de cette Heure espagnole déjà présentée en 2018. L’œuvre est courte — à peine une heure —, son intérêt dramatique réduit et les parties chantées ne laissent guère d’expression à la virtuosité. Mais la partition est de Maurice Ravel et son interprétation par l’Orchestre de l’Opéra, dirigé par Vincent Renaud, mérite à elle seule un retour dans la grande salle.

Cette partition regorge de clins d’œil vers les formes musicales espagnoles. Pour le reste, reconnaissons qu’il s’agit plus de folklore ou de stéréotypes que de véritable inspiration hispanique. L’intrigue a beau se dérouler à Tolède et ses protagonistes s’appeler Conception, Ramiro ou Iñigo, l’ensemble relève surtout de la bouffonnerie. Ravel qualifiait son œuvre de comédie musicale mais il aurait pu être plus précis : c’est d’un vaudeville chanté qu’il s’agit. L’horloger Torquemada (Etienne Duhil de Bénazé) délaisse sa boutique et sa compagne Conception (Florence Losseau) pour, comme chaque semaine, aller régler les horloges municipales. L’épouse profite de son absence pour le tromper avec le jeune Gonzalve (Quentin Desgeorges) mais celui-ci, davantage porté sur la poésie que sur la bagatelle, tarde à passer à l’acte. L’apparition du financier obèse Don Iñigo (Christian Andreas), qui lui aussi convoite les charmes de Conception, enclenche un jeu de dissimulation des deux soupirants dans des horloges que le costaud muletier Ramiro (Raoul Steffani), venu faire réparer sa montre, se charge de déplacer de la boutique à la chambre conjugale. La taille de ses biceps finira par séduire l’épouse volage.

Un fil narratif aussi mince et convenu n’a pas découragé le metteur en scène James Bonas et le vidéaste Grégoire Pont. Ce dernier a créé de magnifiques animations qui offrent un arrière-plan des plus séduisants au jeu des chanteurs. Le décor est simple mais efficace, et offre aux interprètes toute la mobilité qu’exige leur rôle. On est en revanche davantage dubitatif devant les costumes — signés comme les décors de Thibault Vancraenenbroek — déguisant les personnages en animaux. Il s’agit d’accentuer leur « personnalité » (Iñigo en éléphant, Ramiro en taureau, Gonzalve en lapin, etc.) et l’effet est amusant, mais l’intrigue étant comme on l’a dit assez mince, cela n’était pas indispensable, d’autant que cela a provoqué quelques erreurs de perception dans le public. La salle était, le soir de la représentation à laquelle j’ai assisté, remplie d’enfants qui se sont certes esclaffés devant la longue queue de Torquemada ou en voyant Iñigo surgir de l’horloge en criant « coucou ! », mais qui se sont rapidement ennuyés en suivant un vaudeville dont ils ne saisissaient ni l’intrigue ni les sous-entendus scabreux. Espérons que cette expérience précoce de l’opéra les aura au moins sensibilisés à ce qui reste le plus important de cette œuvre, la belle musique de Ravel élégamment interprétée par un orchestre masqué mais inspiré.

Carmen S.

(c) Michel Cavalca