Istanbul / Lyon – épilogue
C’est mon dernier café au bistrot ce matin. Il y a encore plus de monde que d’habitude, je n’ai pas de place en terrasse. En me présentant devant lui, le serveur m’a à nouveau accordé toute sa sympathie. J’ai peut-être fabulé ces derniers jours. Faute de place dehors, il m’a installé dedans. L’interdiction généralisée du tabac n’a pas l’air d’être un gros soucis pour les fumeurs à Istanbul. Il m’a porté un cendrier avant que je le lui demande.
Je vais voir combien d’argent liquide il me reste après le café. Je terminerai mes derniers billets en achetant des cigarettes. 2€ le paquet, c’est particulièrement pas cher. Je ne veux pas en faire un stock. D’une part, il faut que j’arrête de fumer et de toute manière, en attendant il faut que je repasse au tabac à rouler car avec les cousues je fume beaucoup trop.
Comme à chaque voyage, j’ai pris plaisir à partager avec vous notre périple. J’ai un côté exhibitionniste. Le gauche, c’est celui que je montre le plus. J’ai un côté droit aussi. Je le soigne tant bien que mal. C’est comme le tabac, c’est dur de s’en débarrasser.
C’est un privilège d’avoir des vacances, cela en est un de voyager. C’est un privilège de savoir écrire, même mal. C’est un privilège d’avoir des lecteurs.
Depuis toujours, je me considère comme chanceux. Mes parents me racontent qu’à quatre ou cinq ans, alors que je venais de rouler une pelle à un gros chien et que mon généraliste de campagne avait opté pour une couture à vif plutôt qu’un vol en hélicoptère à Perpignan, j’avais exprimé ma gratitude en rentrant à la maison. Mes premiers mots auraient été « J’ai eu de la chance d’avoir un bon docteur ». J’étais totalement défiguré.
Hier pour notre dernière journée, nous avons marché sur le Bosphore. Partis de l’hôtel, nous avons fait un petit détour par la tirette pour avoir suffisamment d’argent pour la journée en espérant ne pas en prendre trop ni pas assez. Nous voulons garder quelques petits billets avec nous pour les utiliser avec l’encadrement des Polaroïds que nous exposerons en rentrant à Lyon. Pour info, si Coco nous le permet (c’est bien parti), il y aura une exposition éclair d’une seule soirée à la coop le week-end du 6 septembre, save the date. La playlist turque de Romuald est prête depuis six mois, on l’écoute en boucle.
Un premier trajet en métro nous a menés dans le quartier des tours. Le monde des affaires a besoin de montrer sa puissance ici comme ailleurs. C’est pas Manhattan. On a fait quelques images.
On a repris le métro pour rejoindre un quartier universitaire en haute altitude qui surplombe le détroit. Pour rejoindre le point de vue sur le Golden Gate Bridge local nous marchons quelques minutes et tombons sur un petit marché aux légumes. À côté de ses aubergines, un vendeur propose tout un étal d’œufs multicolores, il y en a des blancs, des beiges, des gris, des foncés. Nous demandons la permission de faire une photo Bidule.
Nous rentrons dans le parc juste à côté pour aller sur le bord de la colline. La vue sur le pont est superbe. Dans le parc, il y a plusieurs familles qui prennent leur petit déjeuner en mode pique-nique très organisé. Ils ont installé leurs tables et chaises pliantes, le thermos géant avec le thé, du pain, les bretzels turcs, pastèques et d’autres mets probablement délicieux. Je fais une photo de Romuald pour immortaliser la scène sans paraître trop intrusif. Des motards dorment sur des bancs, y’a pas les motos mais il y a des casques.
Nous descendons sur une petite route avec des trottoirs intermittents, c’est habituel ici.
C’est un quartier très huppé semble-t-il. Les portails sont des barricades.
En terme de distance c’est pas grand chose mais le dénivelé est important. Je préfère dans ce sens.
Nous Bidulons sur le chemin.
Une fois en bas, nous faisons quelques mètres pour visiter une fondation d’art contemporain située sous le tablier du pont. Contrôle de sécurité. Pour la deuxième fois, Bidule s’expose à Istanbul.
L’endroit est génial. L’expo est fantastique. Beaucoup de vidéos forment l’exposition temporaire.
La surprise était grande quand nous avons constaté que l’exposition des œuvres de la collection était dans les bureaux presque tous en open spaces. C’était samedi, les bureaux étaient vides. C’était très étrange de se promener dans cet environnement de travail. Je me demande comment se passe la visite du musée les jours de labeur.
Les plateaux de la maison sont relativement petits mais la construction s’étire sur sept étages dont deux magnifiques terrasses.
Il y a du vent. Pour ne pas voir ma casquette voler entre la Mer Noire et celle de Marmara, je la prends à la main. Je m’amuse à faire un selfie et je rigole de moi même en voyant ma bouille sur mon écran.
J’ai constaté tout le long de la journée que pour avoir du succès sur Facebook il vaut mieux faire le clown plutôt que de la littérature. Merci à vous de me lire.
Après un bref passage à la boutique du musée où nous n’achetons rien, nous récupérons Bidule sur son placard et sortons. Nous immortalisons l’endroit de près et de loin, avec et sans Bidule et nous repartons.
Notre but est de rejoindre une petite mosquée situé à moins de deux heures de marche sur la rive du Bosphore. Les quais sont aménagés. Il y a le métro mais nous préférons marcher. En face c’est l’Asie. Il y a des pêcheurs, ici aussi c’est le week-end. Les gens flânent, d’autres piqueniquent. Sur les quais sont amarrés des yachts. Nous avions de l’eau sur nous (ouf), nous avons fait une pause pour boire un coup. Avec les yachts en face, c’était pas la bière la moins chère de Turquie. Le serveur était très sympa et la clientèle guindée mais pas désagréable. Celui que nous avons identifié comme patron a posé des questions sur Bidule et il s’est fait tirer le portrait avec lui devant le bar.
Nous avons repris la promenade. À certains endroits, il y a des rampes pour descendre dans ce qui ressemble à un fleuve. Les femmes ne sont pas inexistantes mais il y a principalement des hommes en maillot qui se baignent. Les Turcs ont l’air bien nourris.
Nous faisons des pauses dans des parcs quand nous trouvons de l’ombre. Il fait chaud mais le vent rend la température ressentie agréable. Le vent nous pousse, c’est reposant.
Nous avons vu des jeunes et moins jeunes sauter dans le Bosphore et se laisser dériver à grande vitesse. Nous n’imaginions pas un tel courant. Romuald a fait des photos, ils ont posé en se laissant dériver, ils avait l’air d’apprécier d’être vus. Nous les avons suivis depuis les berges en se demandant comment ils allaient remonter. Une centaine de mètres plus loin, nous avons Bidulé à leur sortie de l’eau.
Le dernier quart d’heure de marche était le moins agréable. Nous avons marché sur les bords d’une autoroute urbaine pour passer de l’autre côté d’un autre pont suspendu au dessus du détroit.
Notre destination était un spot très instagramable prisé des touristes. Le lieux était très fréquenté mais peu d’Européens étaient là. Le lieu est effectivement très beau. Il y a une petite mosquée très jolie dans laquelle je ne suis pas rentré (mais Romuald oui) car je n’avais pas une tenue décente avec mon débardeur. Ils prêtent des Djellabas à l’entrée mais je ne voulais pas porter un vêtement porté par des centaines de gens avant moi.
Avant d’arriver à la mosquée, des dizaines d’échoppes qui semblent toutes vendre la même chose forment un couloir un peu oppressant à cause de la foule qui s’y trouve. Romuald visite la mosquée et nous allons Biduler au milieu de tous ces Bidules.
Le point de vue est effectivement incroyable avec la mosquée au premier plan, le Bosphore et le viaduc. En tournant la tête il y a Sainte-Sophie au loin.
J’ai faim. Pendant que Romuald visitait la mosquée j’ai compris ce que toutes ces cahutes vendaient.
La streetfood du quartier se compose d’une patate géante cuite au four dans laquelle on met du beurre, du fromage, des knakis, toute sortes de crudités de saison, du boulgour (boulgour et patate ensemble, il fallait oser) et recouvert de sauce blanche. C’est exactement le plat léger qu’il me fallait.
On s’est assis dans un bistrot. Pour un lieu aussi touristique, ça n’était pas très cher si on compare avec les quartier des mosquées ou la place Taksim où nous résidions.
Une fois repus, on a cherché le bus pour nous ramener à Taksim. Nous avions déjà bien cavalé et le retour à pied impliquait une ascension vertigineuse.
On a pris un verre avant de rentrer à l’hôtel remplir la valise.
On est retourné au bistrot d’hier soir, il est dans une rue un peu excentrée à côté de la zone où ça tapine. Il semble qu’il y ait un public local.
Je termine mon texte depuis l’aéroport d’Istanbul. On part dans moins d’une heure. Le taxi que nous avions réservé à l’hôtel est arrivé à l’heure. Le chauffeur était sympa dans son énorme camion Mercedes décrépit. Il a demandé ce qu’il y avait dans la caisse à Bidule. Romuald lui a tendu la carte et une autre petite carte que nous avions imprimée à Lyon pour expliquer en quelques mots et en Turc le projet artistique.
Il a demandé à Romuald de s’assoir avec lui devant. Nous avons parcouru à l’envers le chemin que nous avions pris hier. Revoir le Bosphore une dernière fois, j’ai le cœur serré au sens propre en l’écrivant.
Je suis chanceux.
PJ Blanchon
PJ est également artiste plasticien et travaille avec Romuald sous le nom de Romuald&PJ

