Le Turc en Italie à l’Opéra de Lyon

Les Castagnettes de Carmen # 51

Le Turc en Italie à l’Opéra de Lyon du 11 au 29 décembre 

Laurent Pelly est un habitué des opéras-bouffe de fin d’année à l’Opéra de Lyon. Son Roi carotte, aux radis flashy et navets chatoyants, est resté dans les mémoires comme, l’an passé, son Barbe-bleue au rôle-titre grimé en Hanouna de cour de ferme. Cette année, moins déjanté mais tout aussi joyeux, c’est un Turc en Italie qui nous est offert.

La lecture que propose Pelly de l’œuvre de Rossini relève du bovarisme, mais où Emma (italienne et non normande) s’épanouirait dans l’adultère, et où Flaubert serait lui-même présent sur scène. En panne d’inspiration, le poète Prosdoscimo (Floran Sempey) observe son voisin Geronio (Renato Girolami) cocufié par son épouse Florilla (Sara Bianch) avec son ami Narciso (Alasdair Kent). L’arrivée d’une troupe de bohémiens emmenée par Zaida (Jenny Anne Flory) puis du prince turc Selim (Adrian Sâmpetrean), qui tombe immédiatement amoureux de Florlla, lui offrent l’occasion de dessiner une intrigue, au double sens du terme. Non seulement les chassés-croisés vaudevillesques vont enfin lui offrir un récit à raconter, mais il va intervenir dans l’ombre pour provoquer un dénouement romanesque.

(c) Paul Bourdrel

Le bovarisme réside ici dans le goût prononcé de Florilla pour les romans-photos qui, géniale idée, envahissent la scénographie. Des pages gigantesques de récits sentimentaux figurent le bateau de Selim, des cadres et phylactères transforment les protagonistes en véritables personnages, les costumes du festin final comme le décor de la rencontre entre Florilla et Zaida reproduisent ceux du roman-photo qui les surplombe, jusqu’aux pages froissées du bateau qui repart en Turquie une fois la réconciliation générale advenue.

Si Pelly s’approprie le bovarisme flaubertien pour le dynamiter, il refuse en revanche — et on lui en est reconnaissant — tout orientalisme à la Salammbô. Les lourdeurs du livret sont de ce point de vue amplement suffisantes et il était inutile d’en rajouter avec turbans et moukhères. On ne trouvera pas davantage de stéréotypes culturalistes dans la figuration de la troupe des bohémiens, ni même dans l’italianité des personnages locaux. Ni oud oriental, ni guitare gitane, ni mandoline napolitaine, donc, mais un solide orchestre sous la baguette de Giacomo Sagripanti et un chœur toujours aussi impeccable.

(c) Jean-Louis Fernandez

Loin de sa grande salle, l’Opéra de Lyon présente également en cette fin d’année une pièce courte créée à sa demande : Le Sang du glacier de Claire-Mélanie Sinnhuber sur un livret de Lucie Vérot-Solaure. Cette histoire d’alpiniste autrefois tombé dans un glacier et dont la fonte due au réchauffement climatique libère le corps, alors que ses enfants (Charlotte Bozzi, Mathieu Dubroca) assistent désemparés à une pollution généralisée, est une fable sur les menaces environnementales sans doute un poil didactique mais préservée par ses touches d’humour (mise en scène d’Angélique Clairand) et une partition sans pesanteur. Présenté d’abord au Théâtre du Point du jour, Le Sang du glacier se fera itinérant à travers la région de janvier à mars prochains.

Carmen S.

Pour en savoir plus sur Le Turc en Italie : https://www.opera-lyon.com/fr/programmation/saison-2024-2025/opera/le-turc-en-italie

Pour en savoir plus sur Le Sang du glacier: https://www.opera-lyon.com/fr/programmation/saison-2024-2025/opera/le-sang-du-glacier-1