le-reveil-des-tropiques 1Plus qu’un groupe, LE RÉVEIL DES TROPIQUES est un collectif protéiforme de cinq musiciens venant d’horizons divers mais plus ou moins convergents et participant ou ayant participé à une multitude d’autres projets : Oiseaux-Tempête – dont je reparlerai assurément un jour ou l’autre dans ces colonnes –, Object., Looking For John G, Trésors, Testa Rosa, Farewell Poetry, One Second Riot, etc. Le Réveil Des Tropiques porte particulièrement bien son nom puisque la musique du groupe est effectivement une invitation au voyage, en ce sens qu’elle impose d’emblée une évidence créative, lumineuse et qui tend à dépasser les cadres trop restreints que la plupart des musiciens, trop normatifs ou trop frileux, s’imposent d’ordinaire à eux-mêmes.

La méthode du Réveil Des Tropiques est apparemment des plus simples, en tous les cas elle semble a posteriori évidente : les musiciens se réunissent, papotent un peu, boivent un coup ou deux, regardent les nuages tournoyer lentement dans le ciel puis jouent ensemble. Longtemps. Le premier (double) album sans titre du groupe , publié à la fin de l’année 2012 par le label MusicFearSatan , a été enregistré lors de longues sessions s’étalant sur quelques deux jours et deux nuits. L’idée de départ était de plonger la tête la première dans le psychédélisme sauvage et électrique qui à la fin des années 60 et au début des années 70 représentait alors le côté le plus expérimental des musiques rock. On peut penser au Pink Floyd traumatisé par le fantôme de Syd Barrett, gardant toujours sa part de souffre et de trouble tout en évitant de tomber dans la béatitude post beatnik et se tenant encore à l’écart – mais plus pour très longtemps – de tout risque d’élongation pseudo baba (en gros Pink Floyd jusqu’à l’album Ummagumma). De façon tout aussi évidente, on pensera également aux géniaux allemands de Can et à leur transe vaudou-kraut et incantatoire ainsi qu’à leurs lointains héritiers new-yorkais de Sonic Youth (tendance The Diamond Sea et compagnie). De belles références qui chez LE RÉVEIL DES TROPIQUES sont à prendre comme autant d’outils et de pistes à suivre mais ne constituent en aucun cas un but à atteindre.

le-reveil-des-tropiques 2Car le groupe ne cherche pas à imiter : il improvise, fort de ses influences, de son histoire et par-dessus tout de ses envies. C’est là que l’énumération de tous les autres projets menés parallèlement par les musiciens du Réveil Des Tropiques prend tout son sens : on décèlera également en plus, au milieu de ce maelstrom psyché et fortement opiacé, tout ce qui a fait la richesse des musiques électriques de ces trente voire quarante dernières années : du post punk, du noise rock, du post rock… choses auxquelles il faut ajouter quelques ingrédients tout à fait différents mais définitivement complémentaires tels que l’ambient, l’électronica, le free jazz ou le dub (la basse tient un rôle extrêmement central et fédérateur dans la musique du groupe). De ce mélange incroyable et des improvisations du RÉVEIL DES TROPIQUES nait donc une liberté de ton qui se révèle passionnante de bout en bout. J’ai déjà parlé de voyages (le pluriel est important) et assez malicieusement le groupe a appelé chacune des huit pistes de son disque du nom d’un endroit dans le monde, de Jérusalem à Anthemusa en passant par Antibes (!), Homs ou Kinshasa. La beauté brute et l’insouciance solaire se mélangent à la tension, la dureté minérale, la chaleur écrasante, les oasis perdus dans un désert sans fin et on sort complètement déboussolés de l’écoute d’un disque qui, plus d’une année après sa sortie, n’en finit pas de dévoiler tous ses secrets ni tous ses sortilèges.

LE RÉVEIL DES TROPIQUES a déjà joué sur Lyon mais sera de retour ce vendredi 24 janvier, à Buffet Froid (91 montée de la Grande Côte, Lyon 1er) en compagnie d’ AGATHE MAX et de SATHÖNAY . Un concert organisé par As It Ears records , label emmené justement par la violoniste et compositrice Agathe Max (on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même) et qui propose une alternative intéressante : chaque spectateur peut donner son adresse mail à l’entrée du concert, ce dernier est enregistré et quelques jours après chacun reçoit un fichier son avec l’enregistrement. As It Ears a même prévu de publier un jour une compilation et pour l’instant le label a invité des musiciens et groupes aussi différents que Makoto Kawabata, Duane Pitre ou The Oscillation. A suivre, donc…

Hazam.