la-gale 1Une véritable épidémie de Gale s’insinue peu à peu dans les esprits. À l’inverse de Creutzfeldt-Jakob ou du petit livre rouge (), elle régénère les neurones les plus contestataires de votre cerveau. Pas d’inquiétude si de brusques mouvements désynchronisés vous agitent. Pogo, valse à quatre temps ou breakdance sont les noms de ces symptômes ! Vos propos ne sont plus les mêmes, « passe ton chemin fais ta vie« ….

Son nom de scène, La Gale, comme elle l’explique dans une interview : « C’est une histoire anecdotique en fait. La gale n’est pas une maladie de l’antiquité, ni une maladie de gens sales, et tu peux l’attraper de nos jours. C’est ce qui m’est arrivé, en fait. Mes copains, qui trouvaient ça super drôle, m’ont dit « ben voilà, tu as trouvé ton nom de scène ! « . En plus, il y a une expression au Liban qui dit el-Aarab jarab (les Arabes sont des galeux), donc ça a forcément fait rigoler tous mes copains ici » (L’orient Le Jour ). Elle voulait un truc un peu crasseux, qui fasse un peu chier le monde, à l’image de ce qu’elle écrit.

En 2007, après le décès de sa mère, elle part seule pour découvrir un Beirut qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de connaître. Une ville magique, où la vie nocturne déborde des cafés et des bars. À Radio Beirut où se retrouvent des artistes de tous bords, elle rencontre rappeurs palestiniens ou libanais, musiciens traditionnels et rockers, poètes. Les sons de sa jeunesse ? Les divas du monde arabe, Fairouz et Oum Kalthoum, écoutées par sa mère libanaise (émigrée en Suisse lors de la guerre du Liban), Jacques Brel et Léo Ferré, mais aussi le rock’n’roll que prise son père. Plus tard, La Gale découvre Sham 69, The Clash et Dead Kennedys et se plonge dans la mouvance alternative lausannoise. Elle chante et joue de la guitare dans des groupes punk, avant de se mettre au hip-hop à l’écoute du « Paris sous les bombes », de NTM, ou de Public Enemy. « La Suisse, c’est là où j’ai fait la découverte du racisme ! C’est surtout que, dans tous les coins un peu white trash, ce qui a l’air différent n’est pas accepté par la majorité ! C’est peut-être cette éducation qui m’a rendue « vénere ». »

la-gale 2C’est à Beirut qu’elle rencontre Malikah, issue de la scène hip-hop underground orientale, et rappe (souvent en arabe) aux côtés de la 961 underground family, collectif aux textes à la créativité sulfureuse. Elles organisent leur première tournée en 2008, et une première scène lyonnaise : le Centre Social Autogéré de la X-Rousse pour un concert organisé par Old Dirty Teeth ! C’est dans cette ambiance underground que je la croise, entourée d’un public à son image : éclectique, mêlé de punks, d’amateurs de hip hop et de musiques contestataires en tout genre. « Quand tu rappes, c’est pour parler de ce qui t’entoure, tu n’es pas là pour décrire les oiseaux, les fleurs… Je fais du rap pour dénoncer, peindre le tableau de ce que je vois autour de moi. » Un rap puissant, incisif, tiers-mondiste et décapant, où se mélangent avec plaisir des sonorités venues d’ailleurs. Intègres et sincères, ses propos sont tranchés, et n’hésitent pas à la critique sociale : »au lieu de pointer l’immigration, on devrait se demander pourquoi des peuples entiers se tirent de leur pays. Pourquoi une partie du monde a été appauvrie par une autre. »
Son unique disque sort en 2012, avec des coups de gueule qui nourrissent certains de ses meilleurs morceaux comme « Trop de temps », « Passe ton chemin, fais ta vie », jusqu’au formidable « La gueule de l’emploi » (« J’veux ton sang, ton argent, d’la weed et du bon temps.« ). Défenseur de la cause palestinienne, elle glisse dans un morceau une discrète référence au poète de l’exil Mahmoud Darwich, »compagnon de fortune contre le plus terne des quotidiens ».

la-gale 3Ses samples cinématographiques puisent dans le catalogue d’Audiard, notament « Un singe en hiver », juste histoire de rappeler que l’humour est universel. Une passion l’écriture, violente mais lucide, comme dans un roman de Virginie Despentes, où la qualité des textes est servie par la dynamique des guest (le frère Rynox sur deux titres, ainsi qu’Abstral et Obaké, pour un morceau à 4 MC).

L’univers de La Gale, qui confesse : « Dans l’art en général, le côté dark me touche« . Un côté sombre, celui d’une rappeuse qui se couche tard et zone la nuit. La grande famille de ceux qui n’ont pas le désir qu’on les emmerde lorsqu’ils sont au comptoir. Elle se réveille avec la barre, affronte des lendemains difficiles et les souvenirs composites et diffus des échanges où l’on refait un monde qui en a bien besoin. Cet univers, on le retrouve dans le visuel de l’album, incluant notamment une gale géante dessinée par Marie Landgraf, et sur ses affiches de concerts sulfureuses où s’entrecroisent crânes et lianes vénéneuses.

Son monde évoque aussi d’autres imaginaires et on la verrait bien dans un film de Melville. Le cinéma elle connaît et a déjà tourné dans « De l’encre », un drame musical signé Hamé et Ekoué, du groupe de rap la Rumeur, et dans Opération Libertad, de Nicolas Wadimoff.

« Monsieur Hénault, si la connerie n’est pas remboursée par les assurances sociales, vous finirez sur la paille.
-  Dis donc p’tit mal poli, tu veux que j’t’apprenne !
-  Monsieur Hénault, je vous interdis de tutoyer mon homme de bar. J’vous ai d’jà dit qu’vous n’étiez pas de la même famille.
 »

On se voit samedi, les petits loups, vraiment envie de la revoir, dans une des meilleures acoustiques de la région lyonnaise bizz les zoulous …

 

DJ Pompidou

LA GALE était passé le Samedi 08 Février 2014 àu Abattoirs Bourgoin Jallieu date de création de l’article, comme celui de Eihab Boraie parut le mois suivant « La Gale infect Cairo « . Swiss-Lebanese rapper La Gale and her crew crash-landed in Imbaba last week, to give Cairo a taste of their Punk-infused Hip-Hop. Eihab Boraie meets with the enigmatic musician to talk Palestine, racism and why she doesn’t care about image.. www.cairoscene.com/. Elle prépare actuellement la sortie de son prochain album avec I.N.C.H Beats et Al’Tarba.

Superbe vidéo, 45 mn sur Karine Guignard, aka La Gale pour la sortie de son premier album, en collaboration avec Rynox, Chikano et Christian Pahud (Honey For Petzi, Larytta) pour les instrumentaux. Réalisation : Patrice Rullier & Alexandre Bugnon