kamilya-sarah 1Étonnante rencontre entre l’oud et la contrebasse, presque fusionelle, Kamilya Jubran, chanteuse palestinienne, et Sarah Murcia. Bien sur, les deux femmes se connaissent depuis longtemps, pour avoir enregistré ensemble Ala Fein en 2002 au sein du groupe palestinien Jabreen.
Avec Nhaoul’, elles ont trouvé une formule magique, voix poignante, chorus mélodieux de contrebasse. l’album s’ouvre avec l’interprétation magistrale d’une mélodie de l’étoile égyptienne, Sayed Darwich. Comme pour son duo précédent et ces échanges électroacoustiques avec Werner Hassler, Jubran va chercher des poésies en prose dans le patrimoine arabe et bédouin. Les textes sont forts, choisis chez des poètes contemporains ou, pour la Suite Nomade, extraits d’un recueil de poésies bédouines des déserts du Sinaï et du Negev et chantés en dialecte. Cette longe plage fait figure de « manifeste esthétique ». On se laisse porter par une sonorité, une rythmique. Au fait, « Nhaoul’ », en arabe, désigne le « métier à tisser », plus précisément le châssis sur lequel se tendent et s’entrecroisent les fils pour fabriquer le tissu. Ici, pas de doute, la trame est solide.

kamilya-sarah 2Kamilya Jubran est palestinienne, son passeport est israélien et son village natal en Galilée a été annexé par l’état hébreu en 48. Kamilya Jubran a choisi un exil volontaire et créatif :
« Etrangère dans ce monde…
Etrangère dans ce monde… J’ai voyagé à travers l’Orient et l’Occident…
Sans trouver ma patrie. »

Après ce court extrait de poème elle poursuit « À quinze ans, j’ai commencé à me poser des questions sur la musique que je voulais porter. Sur le pourquoi de la situation dans laquelle je vivais. Il y avait mes racines, mon histoire et celle de mon peuple. J’ai écouté des auteurs engagés, des chants de la résistance : l’Egyptien Sheikh Imam, les Libanais Marcel Khalife, Khaled El Haber ou encore Ahmad Qaibour. Dans les fêtes de Rame et des communes voisines, nous chantions des paroles revendicatives mais toujours nimbées de paix. Tout y passait, les droits de l’homme, l’égalité sociale, le droit à l’expression, celui de vivre, de garder notre terre. »

« J’ai commencé à voyager avec mon groupe Sabreen, en Palestine, à Jérusalem, on a fait plusieurs pays, on a tourné un peu partout. Je me suis rendu compte que j’aime bien partir, j’aime bien sortir de chez moi, j’aime bien traverser les barrières, sortir de cette prison, de cet enfermement. Cela me donne cette possibilité de rencontre, de penser librement, de voir les choses avec de la distance et puis de rencontrer des gens comme Werner Hasler.

kamilya-sarah 1Je pense que le cœur du problème se présente lorsqu’on parle du genre de relation qu’ont les Palestiniens avec l’Etat d’Israël. Ces relations ne sont pas bonnes, elles ne sont pas bien, ce sont des relations d’ennemis, malheureusement. Je crois qu’il faut un mouvement civil des deux côtés, parce qu’à travers la politique, cela ne marche pas. Pour l’instant, c’est dur, ce n’est pas juste pour personne, personne n’y trouve son compte. Il faudrait le faire autrement. Je ne sais pas comment. Il faut casser cette barrière du manque de confiance, il faut créer de la confiance à nouveau, je ne sais pas comment. Je suis sûre qu’il y a des groupes qui travaillent sur place et qui essaient des deux côtés de faire ce rapprochement. C’est un travail de fourmi, mais peut-être que c’est cela, la solution. »

 

KAMILYA JUBRAN / SARAH MURCIA Amphithéâtre Opéra de Lyon à 20h30. 16€ – 10€ vendredi et samedi 7 et 8 juin 2013. Et en bonus la vidéo du concert HD, de Kamilya Jubran et Sarah Murcia au Festival Au fil des Voix