Il y a dix ans paraissait le tout premier disque estampillé Gaffer records. La référence GR001 désignait alors un CDr des désormais défunts SoCRaTeS, groupe dans lequel Franck Gaffer était également guitariste (et hurleur) : c’est précisément pour pouvoir publier sa propre musique que Franck a monté son propre label, première des motivations de toutes celles et tous ceux qui s’impliquent sincèrement dans le DIY (fais-le-toi-même). Si l’histoire a donc commencé de façon on ne peut plus ordinaire, la suite s’est avérée captivante et riche en aventures et en découvertes en matière de musiques décalées et expérimentales. Aujourd’hui, en 2014, Gaffer records est un label de plus en plus actif, inlassablement défricheur et résolument innovant, mais est surtout devenu un label reconnu et respecté, bien au-delà de sa ville d’origine (Lyon) et d’une quelconque appartenance à une scène musicale.
Car la discographie de Gaffer records s’est rapidement ouverte à d’autres musiques que celle, bruyante à souhaits, que l’on peu tirer de la torture des guitares et de l’électricité saturée : parmi les dernières publications du label on trouve par exemple un album du quartet de William Hooker (batteur de free jazz qui a joué avec des pointures telles que David S. Ware, Rob Brown ou Glenn Spearman). Une parution prestigieuse qui vient compléter une liste déjà très longue de groupes et musiciens intransigeants, créatifs et barrés – quelques noms pour la route : Don Vito, Death To Pigs, AH Kraken, Weasel Walter, Ahleuchatistas, Colin Webster, MoHa !, Staer, Will Guthrie, The Ames Room, Marteau Rouge, Nick Millevoi… Une liste à laquelle on ne peut que rajouter quelques uns des groupes dans lesquels Franck a lui-même joué ou joue encore : SoCRaTeS (donc), Kandinsky, Sheik Anorak (bien sûr), Hallux Valgus (indispensable), le trio Anorak/Rechtern/Walter, Totale Eclipse, Loup (duo magique en compagnie de Clément Edouard des Lunatic Toys et IRèNE).
Mais parlons de l’actualité. La dernière référence en date de Gaffer records n’est autre qu’un album vinyle de The Dead Neanderthals intitulé Prime. Un LP dont la parution est prévue pour ce mois d’octobre et sera fêtée dignement à Lyon lors de la cinquième édition du Gaffer Fest, les 10 et 11 octobre prochain au Périscope. Sur Prime – tout comme sur son prédécesseur … And It Ended Sadly, déjà publié par Gaffer records –, les Dead Neanderthals sont accompagnés d’un second saxophoniste qui n’est autre que Colin Webster. Le groupe sera logiquement l’une des attractions du premier soir du Gaffer Fest qui pourtant ne manquera pas de surprises.
Ainsi, le vendredi 10 octobre, outre Dead Neanderthals, on pourra découvrir ou réentendre les monstrueux norvégiens de Freddy The Dyke, le all-stars band lyonnais amateur de bananes progressives Totale Eclipse, les autrichiens de Valina (dont les nombreux fans sont devenus hystériques en apprenant la nouvelle du grand retour du groupe) et d’autres norvégiens cataclysmiques avec Brutal Blues (avec un ancien MoHa !). Enfin, cette première soirée se terminera en beauté grâce à Terminal Cheesecake, groupe aussi inclassable qu’incontournable et remis en activité ces dernières années. A la fin des 80’s et pendant une bonne partie des 90’s, ces anglais ont poussé aussi loin que possible la notion de transe hypnotique et spatio-temporelle sur fond de guitares à la fois psychédéliques et bruyamment hallucinées. Le line-up actuel de Terminal Cheesecake comprend en outre le bassiste Dave Cochrane, celui-là même qui officiait dans Head Of David, God et Ice. Je rajoute que lors d’un premier passage lyonnais au Sonic en avril 2014, Terminal Cheesecake a littéralement tout explosé en donnant un concert d’anthologie.
Le deuxième soir du Gaffer sera tout aussi chargé et tout aussi éclectique donc tout aussi passionnant : Le samedi 11 octobre le Périscope accueillera tout d’abord les new-yorkais décérébrés de Child Abuse. Le groupe, pour amateurs d’imbroglio noise et de prog outré, publie ces jours-ci un nouvel album très attendu sur Skingraft records, le label des foutraques mentaux. Suivront l’excellent trio expé France Sauvage, les non moins excellents Kouma et leur musique chargée en pulsations noise et free, The Pitch (génial quatuor entre musique minimaliste et drone pointilliste), le trio free Chris Corsano/Nate Wooley/Hugo Antunes puis, pour finir sur une touche de déca-dance, les électroniciens chéris de Kaumwald.
La programmation de ce cinquième festival, ramassée sur deux jours uniquement, est donc largement à la hauteur du dixième anniversaire d’un label aussi novateur que Gaffer records. Toutefois, l’organisateur nous prévient : en raison du grand nombre de groupes à l’affiche et d’un timing logiquement serré, les concerts débuteront réellement à l’heure c’est-à-dire à 20 heures pétantes mais tout est prévu pour les soiffards qui pour rien au monde ne rateraient un apéro comme pour les affamés désireux d’éviter la crise d’hypo-glycémie. Voilà, maintenant vous êtes prévenus…
GAFFER FEST // le 10 et 11 octobre au Périscope, 13 rue Delandine, Lyon 2ème – 10€ par soir.
Dead Néanderthals – Prime
